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Liberté - Page 529

  • Cela s'appelle des combattants

     

    Sur le vif - Mercredi 20.05.20 - 08.40h

     

    Non, Raphaël, les partisans du trafic motorisé privé n'ont pas perdu la guerre des transports à Genève. Il reste la colère du peuple. Si la majorité silencieuse parvient un jour à transformer sa rage légitime en décision du démos, par le seul canal qui vaille, la démocratie directe, la situation peut se retourner.

    Pour cela, il faut, comme souvent, oublier les canaux désuets de la représentation politique. Et faire exactement (mais en respectant la loi !) ce qu'ont fait les cyclistes lundi : créer une force populaire rapide, éveillée, habitée par une stratégie du mouvement et non par celle des tranchées, capable de prendre des décisions fulgurantes, en utilisant les armes modernes que sont les réseaux. La presse traditionnelle, aussi alerte et vivace que Madame dans l'oraison de Bossuet, vous pouvez oublier. À part les colères noires des Gueux du Mercredi.

    Cette force n'a absolument pas à s'ancrer dans le monde politique. Ni à chercher des relais dans les "élus" ou "représentants" : ce sont justement eux qui ont échoué, à Genève ! Eux qui nous ont concocté le compromis vantard de la fameuse votation sur la "paix des transports". Fausse paix ! Menteuse ! Munichoise ! La défaite du trafic motorisé privé y était parfaitement visible, sous le filigrane de la tromperie et de la duplicité.

    Le camp de la "mobilité douce" a, avec lui, la triste coagulation d'intérêts de la démocratie représentative. Il a avec lui les élus, les notables, le ministre félon du PDC, le silence rusé du ministre MCG. Il a de son côté le vent de la mode, l'air du temps, Nina Ricci, les bobos urbains, le parfum des illusions, la droite qui cherche à plaire à la gauche. Ca fait du monde.

    Mais c'est oublier la colère du peuple. Implacable, rentrée, silencieuse. Ce sont souvent, à Genève, des gens très modestes qui prennent leur voiture en ville. Le vélo, c'est, tout aussi souvent, pour les bourgeois branchés. Ils habitent en ville, travaillent en ville, ne se salissent pas, n'ont rien à livrer. Alors, le frisson de la douceur, tout en se rachetant quelques indulgences par le salut de la planète. Théologie du convenable, pour Pharisiens branchés !

    Les élus, surtout pas ! La machine à se coopter, non merci ! La guerre des transports se jouera sur les fiertés intérieures, sur la noirceur des colères, sur le rejet des modes, sur la conjonction d'explosives solitudes.

    Celui qui représente désormais, en Ville de Genève, l'institution, le pouvoir, le convenable, la doxa, c'est le bobo. Face à lui, il faut des caractères trempés, guerriers, intransigeants. Des sales tronches. Qui ne craignent ni pour leur image, ni pour leur confort. Cela porte un nom, l'un de ceux que je respecte le plus au monde : cela s'appelle des combattants.

     

    Pascal Décaillet

  • Vous avez fermé les yeux, M. Poggia ?

     

    Sur le vif - Mardi 19.05.20 - 09.17h

     

    M. Poggia, vous êtes à la fois le ministre de la Police et celui de la Santé. Cette double casquette vous donne un pouvoir considérable, sans doute sans précédent dans l'Histoire de Genève, depuis les années Fazy.

    Un pouvoir immense ! A cause de la crise sanitaire. Des normes très sévères ont été édictées, principalement par Berne. Elles concernent la santé. Et elles concernent la police, chargée de veiller à leur application.

    Depuis deux mois, coiffé de ces deux casquettes, vous êtes l'homme le plus puissant à Genève. Vous paraissez, vous ordonnez, vous menacez de sanctions. Vous incarnez le pouvoir en temps de crise.

    M. Poggia, hier soir, entre 1000 et 1500 personnes ont bafoué les règles et ordonnances que vous passez votre temps, depuis plus de deux mois, à nous rappeler, nous marteler, pour qu'elles s'impriment bien dans nos consciences.

    Réseaux sociaux, films en direct, sous tous les angles, toutes les coutures : l'affaire est claire, nulle distance réglementaire n'a été respectée, on a violé la loi, transgressé les règles.

    Témoins, nombreux : la police a laissé faire. Avait-elle des ordres en ce sens ? Si oui, des ordres de qui ?

    M. Poggia, la population genevoise, brave et docile, depuis deux mois, s'efforce de respecter à la lettre les consignes de distances. Queues devant les magasins, nul attroupement, nulle grappe humaine. Hier en fin d'après-midi, à Plainpalais, ce fut la masse humaine, toutes distances abolies, tout respect dilué.

    Quelles suites juridiques entendez-vous donner à cette provocation ? Entendez-vous fermer les yeux ? Faire semblant de n'avoir rien vu ? Homme de caractère, auriez-vous, comme l'un de vos collègues, peur d'aller contre un effet de mode ? La doxa en vogue vous ferait-elle frémir ? Votre police serait-elle à deux visages, intransigeante pour les honnêtes citoyens confinés, accommodante pour un rassemblement qui défie la légalité républicaine ?

    M. Poggia, deux casquettes c'est bien. Pour couvrir le chef. Mais cela donne des responsabilités. Le rassemblement d'hier, sous l'empire des normes par vous-mêmes constamment rappelées, n'avait pas lieu d'être. Ses responsables, aisément identifiables, doivent en répondre. Ceux qui appellent publiquement à recommencer, avec dix fois plus de monde, si on ne cède pas à leurs exigences, aussi.

    Sinon, à quoi sert la loi ? A quoi sert la République ? A quoi sert un gouvernement ? A quoi sert un ministre ?

     

    Pascal Décaillet

  • Le camp de la colère

     

    Sur le vif - Lundi 18.05.20 - 10.12h

     

    Avec la complicité de Serge Dal Busco, et sans doute mercredi celle du Conseil d’État, l'idéologie Verte tente l'un de ces coups de force dont elle a le secret : donner un signal très clair d'extension du champ de la "mobilité douce", et de réduction de l'espace urbain pour les véhicules privés à moteur.

    Cette idéologie, à la faveur de l'hystérie climatique de 2019, a gagné du terrain. C'était une année électorale : les Verts ont engrangé des bénéfices (c'était le but du tintamarre), les voilà avec quatre parlementaires fédéraux pour Genève, et depuis le 1er juin deux conseillers administratifs en Ville, détenteurs des leviers de pouvoir que sont les Finances et l'Aménagement.

    Ils ont gagné du terrain, mais ne sont absolument pas majoritaires à Genève, ni en Suisse. Le problème, ce n'est pas eux. Ils participent à notre vie démocratique, et ont parfaitement le droit d'avoir leurs idées. A cela s'ajoutent des personnalités souvent compétentes et avec qui le débat est très agréable, respectueux, argumenté.

    Non. Le problème, c'est les autres. Les Verts ayant grimpé vers les strates du pouvoir, dans lesquelles ils se sont toujours sentis fort bien, et représentant aujourd'hui l'idéologie à la mode (ce qui peut parfaitement se fracasser demain), on les associe aujourd'hui au pouvoir lui-même. Comme les radicaux vaudois des grandes années, ou les conservateurs valaisans, la simple évocation de leur nom évoque la puissance.

    Les caractères faibles, peu sûrs d'eux-mêmes, n'ayant guère de valeurs propres, ni de vertus particulières pour l'esprit de résistance, aiment cela. Mimes, ils reproduisent. Moutons, ils suivent. Perroquets, ils répètent. Fidèles, ils disent la liturgie. Jusqu'à reprendre le jargon : transfert modal, transition énergétique, urgence climatique. Oui, s'il est une victoire de l'idéologie Verte, c'est bien d'avoir laissé transpirer leur sabir jusque dans les paroles des faibles, toujours là pour se mettre à la remorque.

    C'est cela, l'enjeu du coup de force nocturne sur les pistes cyclables. L'affaire n'est en rien celle de l'opportunité de ces pistes (elles sont assurément nécessaires, pour la sécurité des cyclistes), ni de la largeur. L'enjeu réel, c'est le coup de force lui-même, longuement mûri, avec la complicité d'un ministre passé avec armes et bagages dans le camp de l'idéologie Verte. Pour laquelle il roule désormais ouvertement. Entre deux virées en décapotable.

    Du Conseil d’État, il n'y a rien à attendre. L'idéologie Verte y est désormais majoritaire, avec trois ministres de gauche, un PDC ductile comme le vent qui tourne, un MCG polymorphe et aux mille ruses, un radical qui n'aime pas la voiture. Reste une inconnue sur la libérale. Mais une contre six, c'est un peu juste.

    Reste le peuple. Les cyclistes s'organisent ? Eh bien pourquoi pas les utilisateurs de véhicules privés, automobiles ou deux-roues motorisés ! Pourquoi eux, qui sont nettement majoritaires, n'ont absolument pas à se sentir coupables, ni à se justifier de prendre leur véhicule, devraient-ils raser les murs, laisser l'idéologie Verte régenter les consciences, dicter le tempo, inventer les mots, se parler de la morale, prétendre incarner la vérité et l'avenir ?

    C'est dans ce camp-là que se trouve la balle. Le camp de ceux qui travaillent, payent des impôts, des taxes, font vivre les autres. Le camp de la majorité silencieuse. Le camp de la révolte contre une idéologie qui veut tous nous placer sous sa férule. Le camp de la colère.

     

    Pascal Décaillet