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Liberté - Page 23

  • Que la lucidité soit immédiate, contemporaine !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.09.24

     

    J’ai dit un mot, la semaine dernière, des retardataires. Tous ces beaux esprits, dans le monde éditorial romand, qui, sur le moment, sont aveugles aux enjeux, mais quelques années plus tard, deviennent des translucides de la vingt-cinquième heure. Dit comme ça, je sais, ça peut paraître un peu abstrait, alors je vais illustrer mon propos.

     

    Il me faut donc parler de l’immigration. Le dimanche 9 février 2014, j’ai voté oui à l’initiative contre l’immigration de masse. Dans mes chroniques et éditos, y compris ici, je l’avais dit. Face à la quasi-totalité de la presse romande, je passais pour un zombie, un partisan du repli, un apôtre de la Suisse frileuse. Le plus fou, c’est que le peuple et les cantons avaient accepté l’initiative, j’étais donc majoritaire dans le peuple de mon pays, donc un bonhomme assez banal au fond. Mais minoritaire dans le seul petit cénacle de ma profession. C’est pourtant cette cléricature qui, par pure idéologie, n’avait pas saisi les enjeux.

     

    Dix ans plus tard, partout en Europe, le vent a tourné : en Suisse, les partis de droite rejoignent l’UDC sur la nécessité de réguler les flux migratoires. En France, l’opinion publique veut la même chose. Et ne parlons pas de l’Allemagne : neuf ans après le catastrophique « Wir schaffen das ! » de Mme Merkel, applaudi sur le moment par la quasi-totalité des éditorialistes suisses, voilà qu’un Chancelier social-démocrate, Olaf Scholz, rétablit les contrôles aux frontières. Oui, le vent tourne, et voilà que la cohorte des retardataires, opportuniste comme jamais, commence à trouver des vertus à la régulation. Je n’aime pas cela. Je préfère mille fois le courage des pro-migrations, qui demeurent sur leurs positions.

     

    Je pourrais me dire : « Tant mieux, au fond. Réjouis-toi qu’on embrasse enfin ta cause ». Oui, certes, mais je ne suis pas un homme sage, ni pondéré, ni gentil. Je suis un homme en colère. Je m’exaspère des cécités dictées par la mode, la convenance, la peur de déplaire au microcosme des pairs, en un mot cette absence de courage, cette inaptitude au combat solitaire. Alors oui, je dénonce les retardataires. Je dis simplement que la lucidité doit être contemporaine. C’est sur le moment, et non dix ans après, qu’il faut saisir les enjeux. Dire les choses. Dénoncer les erreurs. Sur le moment, et pas lorsque le vent tourne. Seulement, pour cela, il faut accepter le principe de solitude. Ne rien attendre des barons de la petite coterie professionnelle. N’aller chercher ni onction, ni bénédiction de ses semblables. Refuser la meute.

     

    J’ai parlé de l’immigration. J’aurais tant à dire sur la mode libérale née de la chute du Mur de Berlin, ce prétendu triomphe définitif du capitalisme. Cette volonté de détruire les Etats, les frontières. Là aussi, on en revient. Et nos chers retardataires, ils font quoi ? Ils commencent à trouver des vertus à ce même Etat qu’ils passaient leur temps à dégommer. Que la lucidité soit immédiate, fulgurante, contemporaine. Qu’elle emporte les suiveurs. Que mes colères, un jour, s’apaisent. Hélas, on en est loin.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Il pleut des référendums ? Mais quel bonheur !

     
    Sur le vif - Mardi 24.09.24 - 16.22h
     
     
    Ils sont impayables, ces éditorialistes qui semblent terrorisés par la floraison victorieuse de référendums dans notre vie politique suisse. A lire ces très sages suppôts de notre démocratie représentative, si copains avec le monde parlementaire, commensaux du Bellevue, on a toujours l'impression que la démocratie directe serait une anomalie de notre vie politique. Alors qu'elle est une institution. Au même titre que le Parlement. Dont elle est parfois complémentaire, parfois rivale, ce qui est très vivifiant pour notre démocratie.
     
    Ils en font tellement, depuis dimanche, que je rappelle ici un ou deux fondamentaux de notre vie politique suisse.
     
    Le référendum, d'abord. Il n'a rien d'incongru. Il est partie prenante de notre système, au même titre qu'un débat parlementaire. Lorsque le peuple n'est pas content d'une loi, il l'attaque. Il a un certain délai pour recueillir des signatures. S'il les obtient, un beau dimanche, un corps électoral de quelque cinq millions de Suisses tranche. Cela s'appelle le suffrage universel. Et même avec une participation de 40%, ça nous fait deux millions de votants. C'est quand même mieux, en termes de légitimité, que 246, non ?
     
    L'initiative, ensuite. Mille fois mieux, encore, que le référendum ! Un comité de citoyennes et citoyens empoigne un sujet, sans rien demander au petit monde parlementaire. Récolte de signatures. Un beau dimanche, le peuple et les cantons tranchent. Et la Constitution de notre pays est modifiée ! Le monde entier nous envie ce système, à commencer par nos voisins les plus proches.
     
    La démocratie directe, c'est la vie. C'est le peuple suisse qui empoigne la politique. Que cela ne fasse pas plaisir au cénacle parlementaire, passe encore : ils sont jaloux de cette concurrence. Mais que des éditorialistes politiques soient à ce point immergés dans le microcosme parlementaire (oh, je l'ai été moi-même plusieurs années, je pensais et réagissais comme eux, lorsque j'étais correspondant à Berne), c'est quand même inquiétant. L'âme incarcérée dans la molasse bernoise, ils ne ressentent même plus les besoins fondamentaux du peuple.
     
    Petit entrepreneur, depuis bientôt 19 ans, ayant mon bureau dans une zone industrielle où je croise toute la journée d'autres entrepreneurs, tous domaines confondus, discutant constamment avec eux, je me sens tellement plus libre, dans ma tête, que lorsque je couvrais, au Palais fédéral, l'actualité politique suisse. Fonction que j'ai, au demeurant, exercée avec passion. Et à laquelle j'ai tout donné.
     
    Il faut parfois vivre d'autres vies pour vibrer avec le coeur palpitant de son propre pays.
     
    Pascal Décaillet

  • Le compromis : un acte de la guerre continuée

     
     
    Sur le vif - Mardi 24.09.24 - 10.05h
     
     
    Oui, la droite suisse a été arrogante, en 2021, et avant tout la droite libérale, en refusant un compromis dûment négocié et hautement acceptable sur la LPP. Oui, elle en a payé le prix dimanche. Tout cela est exact, mais ne décrypter le phénomène qu'en regrettant une prétendue inaptitude générale des politiques à "trouver des compromis" est un peu court.
     
    Le compromis n'est pas un but en soi. Il peut, dans l'infinité des choix pragmatiques offerts par la politique, s'avérer un outil efficace. Ca dépend du sujet. Ca dépend du moment. Ca dépend du rapport de forces. Il y a des moments, dans la vie, où il faut négocier. Et puis d'autres, majoritaires, où il faut faire la guerre. La vie est un combat, elle n'est pas un cocktail diplomatique.
     
    Ce qu'il faut reprocher à la droite suisse, dans le cas d'espèce de la LPP, n'est pas de s'être dérobée au dogme du compromis. Mais, sur ce coup précis, de n'avoir pas senti qu'il pouvait être la voie du salut. Croyez-vous qu'un Pierre-Yves Maillard, qui donne depuis dimanche des leçons de "compromis", ait lui-même été autre chose, le long de toute son admirable vie politique, qu'un formidable combattant ?
     
    Alors oui, la droite suisse doit faire son autocritique. Mais pas pour retomber dans les tiédeurs centristes du "compromis" comme but en soi. Elle doit mieux sentir les aspirations profondes du peuple suisse, comme commence à le faire le PLR suisse sur l'immigration. Elle doit faire la guerre quand c'est nécessaire, soit dans 90% des cas. Et puis, elle doit avoir l'instinct, la souplesse, la ductilité pragmatique, parfois, de monter un "compromis".
     
    Mais ne soyons pas dupes : le compromis, en politique, n'a rien de moral. Il est un acte de la guerre toujours continuée. Par d'autres moyens.
     
     
    Pascal Décaillet