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Liberté - Page 1580

  • Et maintenant, Madame Maury Pasquier!

    Après Fabienne Bugnon, c’est maintenant Liliane Maury Pasquier qui décide de « débloguer ». Qu’on partage ou non ses options, voilà donc, une nouvelle fois, une femme de valeur, conseillère aux Etats brillamment élue, qui, lassée d’un flot de commentaires « isolés et désolants », préfère quitter le terrain.

     

    Comme je l’ai fait (sans succès, malheureusement) pour Fabienne Bugnon, je demande à Liliane Maury Pasquier de rester. Surtout ne pas partir. Surtout ne pas donner raison aux lâches, aux anonymes, aux pseudonymés masqués qui semblent n’avoir nulle autre occupation que d’insulter tout le monde. Nul texte original, jamais, nulle idée propre. Juste parasiter celles des autres. Reprendre une partie de leur texte – vieux réflexe de prof – le mettre en exergue, le démolir. Ce ne sont pas des blogueurs, mais des métablogueurs, des punaises ne vivant que du sang et de la sève des autres.

     

    J’ai, pour ma part, dès les premiers jours, posé trois conditions à la publication de commentaires sur mon blog :

     

    1) Aucune insulte.

     

    2) Rester dans le sujet traité par mon papier initial.

     

    3) Signer. Cela signifie un nom et un prénom.

     

    Un blog qui se saborde, a fortiori celui d’une éminente personnalité publique, c’est, à chaque fois, une micro-victoire pour le fatras et le fracas des crapoteux. Madame Maury Pasquier, je vous demande de rester.

     

     

     

     

  • Un enfant du paradis

     



    Édito Lausanne FM – Vendredi 23.11.07 – 07.50h


    Ils étaient six, hier soir, sur mon plateau. Six danseurs et danseuses. Tous avaient connu Béjart. La plupart avaient été choisis, un jour, par le maître, pour travailler avec lui. Le grand chorégraphe venait de nous quitter, quelques heures auparavant, certains venaient de l’apprendre, mais tous nous avaient fait l’amitié, tout de même, de venir sous les projecteurs, en parler.

    Émotion, bien sûr. Mais contenue. Pendant que les hommages des officiels grêlaient sur les téléscripteurs, il y avait là six artistes, six professionnels, pour tenter une évocation. Rien d’exhaustif, juste quelques touches, sur le vif. Il y avait François, Yukari, Giuseppe, Cécile, Jean-François et Loris.

    François Passard, d’abord, qui a connu Béjart en 1972, et qui travaille aujourd’hui au Grand Théâtre de Genève : « Il a donné un sens à ma vie ». Cécile Robin Prévallée, danseuse : elle avait été choisie, un jour, pour un spectacle. Elle évoque le feu de la première rencontre. Loris Bonani, danseur, ancien élève de l’école Rudra Béjart Lausanne : il nous explique comment un homme approchant les 80 ans peut encore, par la seule force de ses ondes, et sans plus pouvoir donner l’exact exemple physique, faire vibrer une chorégraphie. Le mystère de la transmission. L’initiation.

    Jean-François Kessler, ancien danseur à l’Opéra de Paris, maître de ballet au Grand Théâtre de Genève, évoque la qualité mystique de ce lien. Comment Béjart, sans jamais rien asséner, révèle à l’élève sa personnalité propre. Me revient soudain cette phrase de Jean-Louis Barrault, cette archive radio de 1967, que l’émission Forums venait de rediffuser : « Un sixième sens lui a été poussé ». Barrault, oui, le Baptiste des « Enfants du Paradis », qui venait de monter, avec Béjart, 40 ans à l’époque, une version de la « Tentation de Saint-Antoine », de Flaubert.

    L’homme au sixième sens était sans doute, lui aussi, un Enfant du Paradis. Cet homme, qui laisse en deuil la ville de Lausanne, mais aussi l’univers de la danse, avait eu des mots superbes sur le sentiment religieux. Converti à l’Islam, passionné de bouddhisme et de spiritualités orientales, il disait que toute les grands mouvements spirituels, en quelque point de rencontre cosmique, convergeaient.

    De superbes mots, enfin, par ces jeunes orphelins de l’Oiseau de feu, sur la revalorisation du danseur masculin par Béjart : « L’homme qui a révélé l’homme à la danse ». Des mots comme une reconnaissance, dans toute la puissance éclairante de ce terme. Je te connais, je te reconnais, j’entrevois la flamme que tu m’as transmise.

    Ce lien, magique, du disciple avec le maître. Ce lien d’un humain resté sur Terre avec un Enfant du Paradis.

  • L'hermine et l'usurpation

     

     

    Chronique éditoriale parue dans le Nouvelliste du jeudi 22.11.07

     

    La mise en examen, hier, de Jacques Chirac, dans l’affaire des emplois fictifs à la Mairie de Paris, va faire saliver d’une jouissance aussi blanchâtre que salée toute une moutonnière cohorte de confrères, qui n’en pouvaient plus d’attendre ce messianique moment, en ovine prostration, depuis tant d’années.

     

    Je les entends déjà bêler d’extase. Je lis déjà leurs commentaires, l’apologie de la pureté des juges contre la prétendue putréfaction du politique. Enfin, leur salive, si longtemps contenue, ils vont pouvoir l’expectorer contre cet homme qu’ils ont toujours détesté, n’ont jamais cherché à comprendre. Au point d’avoir pris, en 1995, à 90%, le parti de Lionel Jospin contre lui, ce qui ne fut pas exactement le choix souverain du peuple français. Au point d’avoir récidivé, dans de semblables proportions, en 2002, où Jospin ne fut même pas capable de se qualifier pour le deuxième tour.

     

    Je suis la carrière politique de Jacques Chirac depuis 33 ans. Dans mes positions éditoriales, je l’ai souvent soutenu, me sentant parfois, je l’avoue, un peu seul. Une présidence loin d’être parfaite, certes, et même passive sur les dernières années. Mais quelques très bons points : la politique étrangère, la position sur la guerre en Irak, la lutte contre les extrêmes, le discours du Vel d’Hiv. Consulter le suffrage universel sur le Traité européen ? C’était tout à l’honneur de la tradition référendaire de la Cinquième République. Voilà donc un Président qui, sans avoir l’éclat de Charles de Gaulle ni l’extrême habileté de François Mitterrand, n’en a pas moins servi son pays, du mieux qu’il a pu, pendant douze ans. Il n’est pas encore prouvé que son successeur, l’actuel atlantiste commis-voyageur de l’Elysée, sur la longueur, fasse aussi bien.

     

    Un bilan politique honnête, j’en conviens, n’exonère pas de rendre des comptes à la justice. Mais quelle justice ? Et quels juges ? Et pour quelles affaires exactes, dûment et patiemment tramées, alimentées, pendant des années, par l’opposition ? Peut-on totalement exclure que certains juges, dans cette affaire, soient saisis du syndrome du shérif? Ou alors, éblouis par l’incroyable notoriété que donnerait à l’éclat de leur hermine la saisie d’une telle proie ? La sacro-sainte neutralité du corps judiciaire, sommes-nous certains d’en avoir la garantie, dans cette affaire qui suinte tellement la revanche des uns, la pulsion de Watergate chez les autres. Tout cela, au risque de froisser la laineuse unanimité des moutons, il fallait peut-être le dire une fois.

     

    Pascal Décaillet