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Liberté - Page 1581

  • Chez ces gens-là, Monsieur...

     


    Édito Lausanne FM – Jeudi 22.11.07 – 07.50h



    Un chef de l’armée qui se fourvoie dans une étrange affaire de livre promotionnel, un chef des Forces terrestres relevé abruptement de ses fonctions, une armée dont plus grand monde ne sait exactement à quoi elle sert, un ministre de la Défense régulièrement vilipendé, en public, et avec force goguenardise, par les membres de son propre parti, il y a malaise au sein de la Grande Muette. A trois semaines de la réélection du Conseil fédéral, tout cela procède-t-il du hasard ?

    Tout cela, en tout cas, projette sur la scène un homme qui aurait plutôt rêvé de passer les trois prochaines semaines, jusqu’au 12 décembre, sur la pointe des pieds, dans l’obscurité des coulisses, derrière le rideau. Histoire de se faire réélire entre les gouttes, en comptant sur le jeu des automatismes, de la tradition, de ce qu’il reste de respect entre partis gouvernementaux, entre deux exécutions.

    Samuel Schmid est un homme de valeur. Un homme droit, compétent, un UDC de la vieille tradition agrarienne, celle du Seeland bernois en l’occurrence, n’ayant rien à voir avec la tendance de Christoph Blocher. Un UDC style Minger, le mythique fondateur du parti, il y aura bientôt 90 ans, ou encore style Ogi. Le problème, c’est qu’il est devenu un Mohican. Le dernier de tous. La victoire de Blocher, au sein du parti, est à ce point totale, que la bonne vieille tradition bernoise, ou vaudoise PAI, n’y représente plus rien.

    Dans ces conditions, si l’élection du 12 décembre obéissait à une logique, il ne faudrait pas réélire Samuel Schmid. Il faudrait, en conformité avec le vote du peuple, deux UDC tendance Blocher. Ou alors, il faudrait que Samuel Schmid quitte son parti, et accepte l’exil politique des radicaux ou du PDC. Mais il ne le fera jamais. Il l’aime trop, ce parti de Minger, authentiquement centriste aux origines, là où ce mot, maintenant, jusque dans l’étiquette, apparaît aussi déplacé que ridicule.

    La question du maintien de Samuel Schmid au Conseil fédéral se pose donc, bel et bien. Les 246 grands électeurs du 12 décembre oseront-ils bousculer les choses ? Rien n’est moins sûr. Pour avoir commenté en direct, sur place, dans les Pas perdus, tant d’élections du Conseil fédéral, ce mode de scrutin indirect plus proche des usages du Saint-Empire que d’une démocratie moderne, je puis témoigner d’une chose : c’est un exercice d’équilibrisme où tu dois ménager l’un pour que l’autre te ménage, où l’ordre de passage est capital, où le sérail assure ses prébendes pour quatre ans.

    Ce mode désuet, plutôt révélateur des petites bassesses du Parlement, et ses combinazione, pourrait bien, une fois de plus, assurer la réélection de Samuel Schmid. C’est que, chez ces gens-là, Monsieur, comme dans l’armée suisse, ce qu’on affectionne par-dessus tout, ce sont les petits enjeux, et les petites querelles, de la petite guerre.


  • Arturo Benedetto Giovanni Giuseppe Pietro Archangelo Alfredo Cartoffoli dé Milano



    Edito Lausanne FM – Mercredi 21.11.07 – 07.50h



    On peut être un fou du volant et, en même temps, un excellent conseiller aux Etats. C’est ce qu’a décidé, dimanche, le peuple tessinois, en reconduisant, pour quatre ans, à la Chambre des cantons, le Fangio de la politique suisse, le démocrate-chrétien Filippo Lombardi. Lequel devance largement son rival socialiste, l’oncologue Franco Cavalli.

    Ce vote tessinois est une leçon politique, et mérite qu’on s’y arrête. Il nous rappelle qu’en démocratie, le seul souverain, c’est le peuple. Non pas l’opinion (doxa), non pas le peuple en ébullition qui manifeste (plêthos), mais bel et bien démos, le corps électoral qui, un beau dimanche, se rend aux urnes.

    Filippo Lombardi, excellent conseiller aux Etats, se trouve avoir eu quelques problèmes au volant. Aux yeux du Code de la Route, c’est même un récidiviste notoire, boulimique de vitesse, assez proche de cet Alfredo, de Milano, au nom interminable, avec ses gants de cuir, qui prend Tintin dans sa voiture, dans l’Affaire Tournesol. Pour ces infractions, Lombardi a payé (il a rendu son permis) et va peut-être payer encore, avec effet retard.

    La faille, évidemment, était trop belle, l’odeur du sang trop attirante pour que les requins, tout alentour, ennemis politiques ou presse people, se gênent. Au point qu’on n’a plus parlé de Lombardi, dans certains journaux, que comme prince des chauffards et roi du macadam. Et de preux moralistes, parmi mes confrères, ont saisi leur blanche plume, candide comme l’innocence d’une colombe sur la chaussée, pour demander la tête de l’ignoble avaleur de kilomètres.

    Seulement voilà. Lombardi a tenu bon. Il a reconnu ses fautes sur la route, il a continué de représenter son canton sous la Coupole, dont il est un élément de grande qualité. Et il est allé, lentement, professionnellement, vers le seul juge qui vaille, le suffrage universel. Et dimanche, le peuple tessinois, parfaitement au courant de l’affaire, a décidé souverainement qu’il voulait Lombardi, pour quatre année supplémentaires, à la Chambre haute du Parlement.

    Le peuple, oui, pas les juges. Le peuple, pas les ragots, ni cette hyène errante qu’on appelle l’opinion, ou la rumeur. Le peuple souverain, pas les corps intermédiaires. C’est lui, en toute chose, qui tranche. Non qu’il exonère Lombardi de ses péchés routiers. Mais il considère que la politique et la morale, la politique et le volant, la politique et la vitesse, ce sont des choses différentes. Le grand Machiavel, qui ne connaissait au mieux que le galop du cheval, n’aurait pas dit mieux.

  • Notre peuple, nos valeurs



    Édito Lausanne FM – Mardi 20.11.07 – 07.50h


    Faire diminuer de 25% la bureaucratie dans la machine communautaire européenne : c’est la mission d’un groupe de travail, annoncé hier, qui sera présidé par un homme fort de la politique : l’ancien Ministre président du Land de Bavière, Edmund Stoiber, qui avait été candidat à la chancellerie contre Schroeder. Un homme brillant.

    Le moins qu’on puisse dire, c’est que la commission Stoiber aura du boulot. Trop d’appareil, trop de directives, trop de masse alourdissante donnent l’impression d’une machine à Tinguely, ciblée sur son propre fonctionnement plutôt que sur son efficacité en faveur de la population. Cette inflation bureaucratique, ajoutée au déficit démocratique, est l’une des raisons de la désaffection des peuples pour l’idée européenne. Le motif, aussi, des rejets populaires, il y a deux ans et demi, pour le Traité constitutionnel. Là, tout au moins, où on avait daigné donner la parole au suffrage universel.

    À la vérité, l’aventure européenne va mal. Et la récente tentative, à Lisbonne, de rafistolage, par derrière, du Traité, ne satisfera personne. Pire : elle augmentera le scepticisme des peuples, là où les décisions s’ourdissent et se prennent derrière leur dos. Aujourd’hui encore, plus que jamais, l’Europe n’apparaît que comme une fourmilière de fonctionnaires, produisant de la paperasse, compliquant la vie des entreprises, là où elle devrait, tout au contraire, encourager leur vitalité.

    Cette Europe-là, moins que jamais, n’inspire les Suisses. Je n’ose imaginer le résultat que ferait, aujourd’hui, une votation populaire sur l’adhésion : sans doute moins de 25% de oui. Non que les Suisses ne se sentent pas Européens, loin de là. Mais dans notre pays, le peuple est souverain, et il tient à le rester. En Suisse, la démocratie directe permet, en maintes circonstances, de faire trancher les querelles qui nous animent par le seul suffrage qui vaille, le suffrage universel. En Suisse, le fédéralisme permet de rapprocher les décisions, le plus possible, des gens concernés. En Suisse, les individus ne sont pas, a priori, considérés comme des administrés, mais des citoyens.

    Tout cela vous fait sourire ? Libre à vous. Mais tout cela, ce petit trésor, durement acquis à travers l’Histoire, le peuple suisse n’est absolument pas prêt à y renoncer. Quelques élites, oui, peut-être, quelque Nomenclature prétendument éclairée qui voudrait faire le bonheur des humains sans jamais les consulter. Mais le peuple suisse, certainement pas. Ce que ces élites, avec morgue et arrogance, appellent « repli », c’est simplement la conscience très forte d’une valeur ajoutée, par rapport à nos voisins et amis, sur le plan démocratique. Un petit trésor de proximité dans la décision politique, que tant, à l’extérieur, nous envient. Pourquoi diable devrions-nous y renoncer ?