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Liberté - Page 1585

  • Poignards en plastique



    Édito Lausanne FM – Lundi 12.11.07 – 07.50h

    Deux élus de gauche, pour le canton de Vaud, au Conseil des Etats, c’est une première, et il convient, avant tout, de féliciter les deux gagnants. Ils étaient, l’un et l’autre, de bons candidats ; leur victoire, c’est à eux-mêmes qu’ils la doivent.

    Voilà donc, pour la première fois depuis 1848, le parti radical, le grand vieux parti qui a fait ce canton et qui a fait la Suisse, absent de cette Chambre des cantons dont il aura écrit quelques riches heures. C’est une défaite historique, une de plus depuis le 21 octobre, et qui vient toucher le cœur même du radicalisme romand, son Arche sainte : le canton, que dis-je le pays, de Druey et de Delamuraz.

    Le vieux parti, oui, n’échappera pas à une remise en question totale de ce qu’il est, du poids des habitudes, de la vieillesse écornée de ses réseaux, de sa nullité en matière de communication. Cela passera, bien sûr, par un changement de tête, ce qui aurait dû être fait depuis longtemps, mais aussi par un vigoureux travail de redéfinition politique.

    Et puis, il y a eu Jacques Neirynck, et son appel à ne pas voter pour le ticket de droite. Dieu sait si cet homme multiforme, créatif, génial à certains égards, m’est sympathique, je lui ai même consacré un film de la série « Plans fixes ». Mais là, je ne comprends plus. La cohérence, la crédibilité – déjà friables – de la démocratie chrétienne suisse ont été atteintes par cet étrange appel, ignorant allègrement que la politique est affaire d’alliances à long terme, et surtout que le Centre, cette vaste illusion, n’existe pas.

    Oh, certes, la victoire de la gauche n’est pas due à ce coup de poignard en plastique du PDC : l’écart est bien trop grand. Mais tout de même, aussi puissant soit le fédéralisme des sections cantonales, il est étonnant qu’un seul homme, au nom d’une sensibilité personnelle, puisse ainsi casser la grande alliance républicaine qui, en tant d’occasions, a permis de faire avancer la Suisse moderne, celle du radicalisme avec la démocratie chrétienne. À ce petit jeu-là, vouloir plaire à la gauche, non seulement la droite perd des voix dans ses propres troupes, mais, surtout, elle n’en gagne pas une seule, en retour, au sein de la gauche, laquelle ne fait jamais de cadeaux.

    En politique, le Centre n’existe pas. En politique, il y a la droite, il y a la gauche. Nées du conflit entre ces deux pôles, comme une étincelle de deux silex, peuvent émerger des solutions centristes. Mais par résultante, par antagonisme dialectique. Se poser là au milieu, et dire « Je suis au Centre », ne saurait tenir lieu de message politique. C’est une position qui ruine le courage, et qui ruine la politique.

    La démocratie chrétienne, à l’exception d’ultra minoritaires chrétiens-sociaux, fait partie, que je sache, de la famille des partis bourgeois. Qu’elle en soit l’aile sociale, familiale, soit. Mais elle en fait partie. Qu’elle ait des états d’âme face à l’UDC (dont Guy Parmelin, au demeurant, n’apparaît pas comme la plus extrême des excroissances), cela se peut concevoir. Mais qu’elle entraîne les radicaux dans la chute, il y là, oui, un problème de loyauté et de cohérence qui se pose. Le slalom, c’est bien. La politique, c’est mieux.


  • Les copains d'abord



    Édito Lausanne FM – Vendredi 09.11.07 – 07.50h



    Sept pigeons s’aimant d’amour tendre. Entre eux, nulle césure, nulle fracture, pas l’ombre d’une querelle. Un nid douillet, de tièdes habitudes, ronronnantes et roucoulantes. On s’entend bien, on aime se retrouver, heureux d’être là, ensemble. Nul intrus. Pas même une colombe. Cette émouvante et volatile conception du bonheur, c’est le gouvernement genevois.

    Avec l’élection de Robert Cramer au Conseil des Etats, il était après tout imaginable, dans la droite genevoise, de faire pression sur ce magistrat, tenter d’obtenir son départ, provoquer une partielle, et, pourquoi pas, soyons fous, reconquérir son siège, faisant ainsi rebasculer à droite la majorité du gouvernement. Mais c’eût été prendre des risques. C’eût été se lancer. C’eût été provoquer un mouvement. C’eût été faire de la politique. Alors, non. On a préféré la tiédeur du nid commun, le confort d’une cohabitation. On a privilégié le bonheur de cette barque du dimanche : les copains d’abord.

    On connaissait déjà les gouvernements où l’on ne s’entend pas : Messieurs Mugny et Tornare avaient même inventé, pour le plus grand plaisir des chroniqueurs des très riches heures de l’exécutif de la Ville de Genève, le vol de l’assiette. Il y a aussi, parfois, de délicieux binômes antagonistes : Stich et Delamuraz, Blocher et Couchepin, et tant d’autres encore. Il y a des gouvernements avec des ruptures de collégialité, on l’a vu avec les socialistes vaudois. Et puis, il y a le nid des pigeons : tellement occupé à chasser toute idée de fissure dans son image, le Conseil d’Etat genevois donne l’impression de filer le parfait amour. Pire : il le file.

    Dans l’affaire Cramer, l’argument a été avancé, sans rire : le magistrat a beau se retrouver, cumul oblige, devant un poste à 250%, on n’ira pas lui chercher noise. Comprenez-nous, nous sommes une si bonne équipe. Voir arriver un intrus, à mi-législature, voilà qui nous perturberait. Les pauvres magistrats : un psychologue, peut-être ? Ou alors un thérapeute de groupe, ou un bon massage ? Ou un bain chaud, avec mousse ?

    La politique, ce sont des rapports de force. Le système suisse amène des représentants de partis totalement antagonistes à siéger ensemble. Pour confronter, de façon dialectique, leurs conceptions de la Cité. Et, pourquoi pas, pour s’engueuler bien fort, les éclats font partie de la vie politique. Mais pas pour nous jouer la comédie du roucoulement. On connaissait déjà les gouvernements qui ne s’entendent pas. Il y a pire : ceux qui s’entendent trop bien. Ça n’est pas exactement pour la quiétude interne de leur club que leurs différents électeurs, de gauche comme de droite, les ont envoyés servir, au plus haut niveau, les intérêts de la République.


  • Trop d'impôts

    Chronique parue dans le Nouvelliste du 08.11.07

     

    L’UDC, dans son programme de législature présenté mardi par le chef du groupe aux Chambres fédérales, le Bâlois Caspar Baader, accompagné pour l’occasion du Jurassien Dominique Baettig, le hussard qui vient d’arracher à la vieille démocratie chrétienne son siège historique au National, le dit très clairement : les Suisses payent trop d’impôts. Faire baisser la pression fiscale sera l’un de ses trois objectifs majeurs pour les quatre ans qui s’annoncent. A cela s’ajoutent d’hallucinantes disparités d’un canton à l’autre : une étude de la Chambre de commerce et d’industrie de Genève, par exemple, révélait lundi que les habitants du bout du lac payaient deux fois plus d’impôts que la moyenne suisse !

     

    L’UDC, à droite, n’est certes pas le seul parti à tenir ce langage, mais c’est assurément celui qui l’assume avec le plus de clarté, donnant le ton, dans ce domaine, à une décrispation du discours aussi bienvenue que salutaire. Longtemps, en effet, en Suisse, et sans doute depuis la guerre, il était comme tabou, sauf à passer pour un mauvais citoyen, de remettre en cause le poids, fût-il éreintant, de la fiscalité sur les individus, les ménages, les entreprises. C’est que toutes ces joyeuses ponctions étaient pour la bonne cause : les écoles, les hôpitaux, les routes, les tunnels, la sécurité. Pour le mieux-vivre, la cimentation sociale, on payait, on faisait confiance à l’Etat pour gérer au mieux l’argent du peuple.

     

    Aujourd’hui, ce lien de confiance est sérieusement entamé. Il y a eu trop d’abus, dans trop de domaines de gestion publique, à la Confédération, dans les cantons, les communes, les grandes régies, trop d’argent dépensé sans compter, souvent pour engraisser les intendances et les apparatchiks, sauvegarder les prés carrés. Sans compter les placards dorés. La relation du contribuable avec l’Etat s’en trouve altérée. Et ceux qui gèrent les deniers publics, de plus en plus, doivent s’attendre à répondre de leurs choix.

     

    En clair, il ne suffit plus que l’Etat se plante au centre de tout, en proclamant : « Je suis l’Etat ! ». Il y a, de plus en plus, une volonté citoyenne de reprendre le dessus, ne plus se laisser traire ni tondre sans broncher, rappeler que l’argent avec lequel certains édiles font joujou n’est autre que le patrimoine des familles, qu’il aurait pu être investi autrement, dans la croissance. En déclarant la guerre à la pression fiscale, l’UDC épouse les préoccupations d’innombrables concitoyens. Dans ce domaine, elle voit juste.

     

    Pascal Décaillet