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Liberté - Page 1579

  • Education citoyenne



    Édito Lausanne FM – Mardi 27.11.07 – 07.50h


    Hier, à Genève, la rencontre de plusieurs classes – primaire, Cycle d’Orientation, Collège - avec la Présidente de la Confédération a été un beau moment. Avec leurs profs, ils avaient préparé de bonnes et vives questions sur le vivre ensemble, ce qui nous lie, ce qui nous unit, ce qui doit nous régir. Des questions sur la Cité, son organisation. Micheline Calmy-Rey, avec élégance et simplicité, a joué le jeu.

    L’une de ces questions, posée par une élève de 4e Maturité du Collège Calvin : ne faudrait-il pas faire beaucoup plus d’éducation citoyenne ? Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’angle et le sujet de cette collégienne étaient pertinents. La citoyenneté, ça se forme, ça se façonne, ça s’aiguise comme des papilles. Par un ensemble de connaissances (oui, pardonnez-moi, des connaissances, tout court), mais aussi par une initiation aux démarches et aux actes citoyens : l’initiative, la prise de parole pour convaincre, le débat, le vote, le respect de la majorité.

    Les connaissances. Aucune communauté humaine ne peut transmettre ses valeurs sans faire connaître ses institutions à ses enfants. Pas les sacraliser. Non. Simplement les définir, montrer de quelles profondeurs historiques elles surgissent, comment elles ont émergé, à la suite de quelles crises, de quels conflits. À cet effet, l’éducation citoyenne ne peut en aucune manière se dissocier du cours d’Histoire. À quoi bon parler du Conseil national, du Conseil des Etats, du Conseil fédéral sans remonter aux origines de l’idée républicaine : les Lumières, la Révolution française, les événements de 1848, liés au Sonderbund, etc.

    Ce qui n’allait pas, dans une certaine instruction civique de papa, c’est qu’on balançait des structures un peu sèches, sans les enrichir de leurs causes diachroniques. Vous voudriez parler de la Cinquième République sans jamais prononcer le nom de Charles de Gaulle, de la laïcité sans évoquer la grande crise ayant amené, en France, à 1905, des contrats collectifs en Allemagne sans rappeler le rôle du Zentrum sous Bismarck ?

    Et puis, l’autre aspect beaucoup plus ludique et excitant, c’est l’énergie citoyenne. Faire débattre les élèves. Débattre, pas s’ébattre ! Parler en public, argumenter, affronter l’adversaire, le respecter, passer au vote, savoir s’incliner si on perd. Quand j’en ai parlé à des amis profs, ils m’ont fait cette réponse énorme : « On n’ose pas ; on risquerait de se faire accuser d’amener la politique à l’école ». Hallucinant ! Ce qui est interdit, c’est la propagande politique, pas l’initiation à ce qui vous entoure et vous régit. Aussi absurde que confondre laïcité et silence radio total sur le phénomène religieux à travers les âges.

    Le plus fou, c’est que les profs désireux de faire vivre cette démarche existent. Ils sont habités par la passion de l’éveil et de la transmission. Le moins qu’on puisse attendre de l’autorité scolaire, c’est de les encourager. Valoriser leur action. Faire de l’école un lieu qui, sans s’impliquer directement dans le débat citoyen, soit suffisamment en éveil pour l’observer, le comprendre, le commenter, le mimer, le jouer, l’exercer. Rester sanctuaire, mais avec une petite tourelle, bien placée, pour observer le monde réel.

  • Un bilan présidentiel



    Édito Lausanne FM – Lundi 26.11.07 – 07.50h



    À quelques semaines de passer la main – cela devrait être à Pascal Couchepin – Micheline Calmy-Rey laisse derrière elle un bon bilan présidentiel. Cette fonction, plus proche des chrysanthèmes que du suprême, elle l’aura su l’assumer avec classe et dignité.

    Dans ce système étrange, unique au monde, où le chef d’Etat n’en est pas vraiment un et change tous les ans, le titulaire de la charge dispose de très peu de temps pour insuffler un style. Quelques signes, bien placés. Quelques petites phrases. Une ou deux initiatives. Surtout, ne pas trop en faire. Surtout, ne pas élever la voix de façon trop prétorienne. Surtout pas d’éclat tribunitien.

    Non que les Suisses n’aiment pas les éclats rhétoriques : ils commencent même sérieusement à y prendre goût. Mais pas dans cette fonction-là. Le président, la présidente doit serrer dans l’intime de son être une part du charme secret de notre pays : le respect, la pluralité, tous ces petits miracles d’équilibre, infiniment fragiles en vérité, qui ont permis à la Suisse d’émerger, d’exister.

    Cela, Micheline Calmy-Rey l’a compris. Avec son style à elle, qui n’est ni celui de Kurt Furgler, ni celui de Jean-Pascal Delamuraz, pour prendre les tout grands. Ainsi, dans la campagne électorale, la Présidente n’a cessé de rappeler les deux ou trois valeurs fondatrices de la Suisse. Elle tenait un discours partisan, anti-Blocher ? Peut-être. Mais elle disait en même temps les choses justes et fortes qu’on attendait de sa fonction. Pas la personne, la fonction.

    Bien sûr, il y a eu l’épisode du Grütli, qui était donner beaucoup d’importance à une prairie – pardonnez-moi – qui n’en a guère. La vraie Suisse est née en 1848, peut-être en 1798, peut-être même aux Traités de Westphalie de 1648, mais 1291 ne concerne qu’un infime noyau du pays. Mais il y a eu aussi, dans chaque moment difficile, discorde évidente du Collège ou autres montées de fièvre, une tonalité dans la voix pour garder la distance et calmer les choses. Là aussi, c’est exactement ce que les Suisses attendent de cette fonction.

    Reste que cette fonction, dans son exagérée modestie, est à revoir. Un Président pour deux ans, voire pour toute la législature. Elu par le peuple, et non par la combinazione du suffrage indirect. Une personnalité de valeur, de référence, évidemment rassembleuse. Une tonalité. Une voix pour le pays et pour le monde. En quoi la secrète fragilité de notre pays, qui n’exclut ni le courage ni la lumière, serait-elle entravée par ce surcroît de visibilité ?


  • Beau dimanche pour les gentlemen

    Beau dimanche pour les gentlemen

     

    Le Conseil des Etats, ce doux salon de notables, pourra rester entre gentlemen, encore, pendant quatre ans. Grand vainqueur, le 21 octobre dernier, des élections fédérales (29% de suffrages), l’UDC n’y fera pas encore cette fois sa grande rentrée. Dans deux cantons-clefs qui devaient encore voter ce week-end, Zurich et Saint-Gall, deux stars du parti de Christoph Blocher viennent d’essuyer des camouflets qui appellent quelques leçons.

     

    Ces deux perdants sont tout, sauf n’importe qui. A Zurich, le président national du parti, Ueli Maurer, l’homme sous le règne duquel le parti fondé, il y a 90 ans, par le mythique Bernois Rudolf Minger, aura atteint son apogée historique. A Saint-Gall, l’enfant terrible du parti, le dauphin de Blocher, le si jeune et si populaire Toni Brunner, 33 ans, qui était sorti en tête du premier tour. Deux stars, oui, deux habitués d’Arena, des plateaux TV, deux figures de proue, deux hommes qui incarnent l’irrésistible ascension de la ligne Blocher.

     

    Ces élections fédérales de l’automne 2007 nous amènent donc un paradoxe : comment le parti qui a si brillamment remporté la mise au National peut-il se montrer si timide, voire si mauvais, dans la course aux Etats ? Dans cette Chambre des cantons, il n’obtient, avec 7 sièges (Argovie, Berne, Glaris, Grisons, Schaffhouse, Schwyz et Thurgovie), même pas la moitié du PDC (15 sénateurs), qui continue de régner en maître sur le « Stöckli ». Et pourtant, en nombre de voix, le 21 octobre, le parti de Blocher fait à peu près deux fois mieux que la démocratie chrétienne ! Etrange inversion des rapports de forces, non ?

     

    Face à un tel paradoxe, on peut avoir deux réactions. Soit on se dit que, décidément, le Conseil des Etats ne sert à rien (c’est à peu près ce que Charles de Gaulle pensait du Sénat) ; soit on se félicite que nos ancêtres de 1848 aient pu inventer un aussi génial système de rééquilibrage des forces. Une chose est sûre : si l’idéologie UDC progresse dans les consciences (voir l’étonnante votation cantonale thurgovienne de ce week-end sur les naturalisations, UDC pur sucre), le peuple n’est paradoxalement pas encore prêt à élire n’importe où des personnalités, fussent-elles célèbres, de ce parti. Dans les élections majoritaires, qui impliquent des personnages rassembleurs, l’UDC a encore beaucoup de peine.

     

    A l’inverse, les candidats rassurants à l’extrême, nuancés, courtois, sachant vivre, un rien ennuyeux, oui les gentlemen de club anglais, les Schwaller et les Burkhalter (Fribourg et Neuchâtel) y sont plébiscités. Comme s’il y avait une Chambre pour les rapports de force (le National), et l’autre, les Etats, pour l’accommodante rotondité du vivre ensemble. Pourquoi pas, au fond ? Le grand défi de l’UDC, pour les quatre ans qui viennent, sera de proposer au peuple, pour les Etats, des personnages capables d’inspirer cette confiance. Au risque de s’embourgeoiser, et donner libre cours au pire cauchemar des dirigeants de l’héroïque ascension de ces dernières années : devenir – horreur et calamité – un parti comme un autre.