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Liberté - Page 1579

  • La pub ou les birkenstocks



    Édito Lausanne FM – Vendredi 11.01.08 – 07.50h



    Une télévision publique sans pub. C’est l’idée lancée cette semaine, pour la France, par Nicolas Sarkozy. Une idée vraiment très étrange, illustrant soit la totale méconnaissance des vrais mécanismes de l’audiovisuel par le président français, ce qui serait étonnant, soit quelque sourde volonté, de sa part, de se reconstituer un bon vieux fief de sons et de lumières bien à lui, ressusciter l’ORTF.

    Mais laissons la France. Et donnons raison à Gilles Marchand, le directeur de la TSR, lorsqu’il défend avec virulence, ce matin, la présence de publicité dans l’espace public suisse. Il la justifie, notamment, par les appétits des grands groupes étrangers sur un gâteau qui, de toute manière, existera toujours, et Dieu merci, tant qu’il y aura des entreprises désireuses de faire savoir qu’elles existent, et ayant encore un budget pour cela.

    Imaginer, une seule seconde, qu’une télévision serait meilleure sous prétexte qu’elle serait sans pub, c’est vivre dans un autre monde. Le monde d’une télé d’Etat, vivant de l’impôt, donc sous perfusion, toute corrélation entre son inventivité, sa puissance créatrice et ses revenus ayant été coupée. C’est la négation même de l’entreprise, la négation du risque, c’est le retour aux sandales et aux birkenstocks, dans les bureaux.

    Surtout, il faut en finir avec cette idée que la publicité serait le diable. Les annonceurs sont loin d’être des rêveurs. Ils n’ont aucun intérêt à investir en faisant jouxter leurs pubs avec des programmes de mauvaise qualité. Et puis, une chaîne télé, comme un journal, comme devrait l’être aussi une chaîne radio, c’est une entreprise commerciale. L’équipe qui la compose, tous niveaux confondus, doit en être consciente. Elle doit savoir que la vie est un combat, que rien, jamais, n’est acquis. Qu’on peut mourir à tout moment. Elle doit, aussi, connaître et analyser la concurrence, l’affronter, apprendre à gagner.

    Vous connaissez mes positions sur l’existence même, à terme, d’un mammouth de service public en Suisse, faisant financer par la redevance, par exemple, des séries américaines, ce qui m’échappe un peu. Je sais que cette option, pour l’heure, n’est pas majoritaire. Alors, tant qu’existent encore des télévisions publiques, de grâce, donnons leur les moyens d’exister vraiment. En attendant le jour, pas nécessairement si lointain, où une vraie concurrence, rompant avec les décennies régaliennes, permettra à l’audiovisuel suisse de faire émerger les meilleurs, dans la vérité des coûts, la vérité des mérites, la vérité des talents.


  • Parquets et glissades

     

    Chronique parue dans la Tribune de Genève du jeudi 10.01.08

     

    Ca pourrait sonner comme une chanson de Jean Nohain : quand un procureur attaque un autre procureur, que se jettent-ils, d’une hermine l’autre : des histoires de procureurs, of course !

     

    Mais quand ledit procureur, dans toute la perversité du système genevois, se trouve issu d’un parti, les missiles deviennent évidemment politiques. Ca n’est plus une compétence contre une autre, mais une conception de la justice, une vision du parquet. Hier, dans les colonnes du Temps, c’est bel et bien le socialiste Bertossa qui assassine le radical Zappelli. Au fait, on prend combien, pour meurtre avec préméditation ?

     

    J’ai une idée de verdict, pour Monsieur Bertossa : juste un rappel, amical. Que sont certaines affaires russes devenues, qui devaient, nous disait-on, révolutionner le rapport de la justice à l’argent sale ? Cette croisade incantatoire contre les crimes en col blanc, qu’en reste-t-il, aujourd’hui, en termes de résultats concrets ?

     

    Oh, je ne prétends pas que Monsieur Zappelli soit parfait, le parquet est chose trop glissante pour y laisser s’aventurer la perfection du monde. Mais son recentrage sur une criminalité plus prosaïque, certes moins prestigieuse à pourchasser, moins sonore à claironner, a pu rencontrer çà-et-là, quelque succès.

     

    Enfin, la gauche ayant un candidat officiel contre Daniel Zappelli, peut-on espérer que ce dernier prenne le droit de ferrailler lui-même, sans tirs de couverture de la part du Commandeur ?

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

  • Le zeste sucré de l'archaïsme



    Édito Lausanne FM – Jeudi 10.01.08 – 07.50h



    Moderne et décomplexé. C’est l’image que veut donner de lui Nicolas Sarkozy. Il arpente, en jeans, les sites touristiques d’Egypte, avec à son bras l’une des plus belles femmes de France. Il appelle les gens par leur prénom. Il s’exprime sur sa vie privée, la montre, la met en scène. Il voudrait au fond, comme l’Orléans Louis-Philippe, être davantage roi des Français que roi de France, le « roi bourgeois », comme on avait appelé ce monarque, entre 1830 et 1848.

    La question est : « Les Français veulent-ils d’un Président un jeans ? ». Je n’en suis pas sûr du tout. L’image du chef de l’Etat, chez nos voisins, vient du fond des âges. Quarante rois, puis la République. Puis, avec de Gaulle, la République qui rétablit la monarchie. Puis, avec François Mitterrand, qui avait pourtant tant combattu ce style, dans son pamphlet « Le Coup d’Etat permanent », en 1964, la quintessence, dès 1981, du style royal à l’Elysée : figure marmoréenne, immobilité de sphinx, étanchéité des réseaux de relation, puissance de la Maison personnelle, bref le Roi.

    Mais pas n’importe quel roi. Les Français aiment les souverains, mais pas les signes extérieurs de richesse. Ce qu’ils ont tant aimé, en de Gaulle, c’était son côté monastique : le moine-soldat, la rigueur personnelle, l’homme qui ne s’est pas enrichi d’un seul centime pendant son règne. L’homme qui pouvait être orgueuilleux, comme Louvois dans le Grand Siècle, parce qu’en contrepartie de cet orgueil, il assumait la fonction sacrificielle de tout donner, toute sa personne, à son pays. Auquel il vouait une passion intransigeante, mystique, d’un autre âge.

    L’homme qui, le premier, a voulu changer cela, c’est Giscard. Mal lui en a pris. Il était jeune, brillant, il est d’ailleurs loin d’avoir eu un mauvais septennat, mais il a totalement raté son image présidentielle. Il a voulu se mêler au peuple, au bon peuple, il a voulu « décomplexer » la fonction. C’était peut-être louable. Mais ça n’était pas, dans un pays chargé d’une Histoire aussi incomparable, ce que les Français voulaient. Mitterrand, avec génie, a corrigé cette dérive.

    Nicolas Sarkozy est un homme intelligent. Il devrait comprendre que l’image du play-boy est aux antipodes d’une certaine conception profonde, nourrie de tant de références, du service suprême de l’Etat, en France. Il serait tout de même dommage que cet homme compétent, dynamique, inventif de nécessaires réformes, finisse par se griller sur une simple, une élémentaire question d’image.

    Il rêve, comme un enfant, la modernité. Mais sous-estime les vertus – paradoxales, délicieuses et sucrées comme un zeste – de l’archaïsme.