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Liberté - Page 1476

  • Ils étaient grands, ils sont vieux, ils sont partis


    Dans l’histoire des libéraux-radicaux suisses, ce lundi de solstice restera comme un grand moment de nuit et de silence, au milieu de ceux qui se disent de parole et de Lumières. Existent-ils encore, les radicaux ? Ceux de ma jeunesse, les Delamuraz, les Segond, les Petitpierre, les Comby, les Thierry Béguin, les Schoch, les Rhinow, les Fritz Schiesser ? Ces hommes, ces femmes qui, tout en défendant la vitalité de l’économie, incarnaient une certaine idée de l’Etat, une certaine majesté de la fonction publique, qui consistait non à se servir, mais à servir.

    Hier, la presse alémanique a dévoilé un projet, en matière de santé, dont j’ai dit l’hygiénisme, limite eugénisme, dans mon précédent texte. Aujourd’hui, nous avons tenté de les appeler, ces libéraux-radicaux partis à la chasse aux gros. A part Christian Lüscher, qui, lui, assume, nous voici devant l’armée des ombres. Les murs, on les rase. Les lèvres, on les maintient bien serrées. Manifestement, on enrage que ce projet soit sorti sur la place publique, on s’étouffe, on piafferait d’exprimer son désaccord, mais non. Motus.

    Il est fort, Pelli, tout de même, pour imposer le silence, aligné couvert, à un parti dont le nom lui-même, si beau (Freisinn), appelle pourtant à la liberté de l’esprit, celle de la conscience, de l’arbitre intérieur, ce que les Lumières ont produit de plus fort. Du coup, l’univers radical, si prompt depuis 160 ans à railler les fidélités ecclésiales, apparaîtrait presque, lui, comme une forme de cléricature. A matrice froide.  Avec un chef, qui dit la grand-messe. Une parole déjà écrite, qu’il ne resterait qu’à lire. Et l’armée des intermédiaires, qui nous aiment et qui veillent.

    Mais veiller, en cette période de l’année où les nuits sont si longues, n’est-ce pas le propre de ceux qui cherchent à nous sauver ? Grâce leur en soit rendue. A cela près qu’en intercédant pour notre salut, ils oublient leur propre perte. Vivement que les jours rallongent. Et qu’on y voie plus clair.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Tu pèses, tu payes

     

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 21.12.09

     

    Dévoilé par la presse dominicale, le document des libéraux-radicaux suisses sur l’avenir du système de santé devait rester confidentiel. C’est une bombe. Avec des points incroyablement positifs, par exemple lorsqu’il remet Santé Suisse à sa place (tiens, le ministre aurait-il changé ?) en l’excluant des négociations tarifaires. Mais avec, hélas, une disposition qui ruine l’ensemble, puisqu’elle casse l’égalité républicaine de traitement entre malades et bien-portants.

    Hier, en découvrant cette idée de récompenser les assurés qui mènent une vie saine, je me suis cru un moment dans « L’Homme, cet inconnu », d’Alexis Carrel, que j’avais lu avec un mélange de fascination et de dégoût, peu avant l’âge de quinze ans, lors d’une retraite religieuse, en Haute-Savoie. Ce grand savant, hélas, y prônait l’hygiénisme jusqu’à l’eugénisme. Il ne manquera pas, au reste, de se dévoyer, cinq ans après le livre, dans les arcanes de Vichy.

    Carrel, clairement, n’était pas républicain. Mais le grand vieux parti, celui qui a fait la Suisse ! Venir introduire des contrôles de masse corporelle et des accessits de vie saine pour pouvoir justifier de primes plus basses, c’est la négation des principes élémentaires de solidarité et de subsidiarité. Si c’est cela, la politique de M. Burkhalter, alors il faut relancer sans tarder, par contrepoids, l’idée d’une Caisse unique. Il en va du lien social, tout simplement.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La mort du Verbe

     

    Chronique publiée dans le Matin dimanche - 20.12.09


    Elle manque de quoi, l’Eglise catholique ? Réponse : de prêtres qui aient des choses à dire. Un feu. Une folie à transmettre. On les détestera, on les vilipendera ? Et alors ! C’est fait pour ça, un témoin. Pas pour se couler dans le moule du pouvoir, du bien penser ambiant. Un prêtre, ça doit être un fou, parce que la religion est folie. Révolte. Cri. Tentative désespérée contre l’inéluctable. Comment voulez-vous ne pas être angoissé, névrosé ? Alors qu’il y a la mort, et qu’elle gagne toujours.

    Le Clergé catholique romain de Suisse romande manque singulièrement de braise et de brûlures, de lave. Trop de sermons qui ne veulent rien dire. Pas clairs ! Les fidèles, par politesse, font semblant d’acquiescer. Ce qui compte pour eux, à juste titre, c’est être là, ensemble. L’Assemblée. Ecclesia. Le speech du curé, why not, mais bon. Bien meilleurs, les pasteurs, qui vont chercher le texte dans ses entrailles, le décortiquent, le remuent. Bien meilleurs, les quelques rabbins que j’ai pu entendre, comme François Garaï, à Genève. Chez les cathos, l’incandescence du verbe, on dirait que l’on s’en fout.

    Mais oui, elle gagne la mort, pourquoi nous raconter des conneries qui disent le contraire ? Ou alors, si on les raconte, si on veut entrer dans ce jeu-là, on y va un peu franco, bordel. Pas juste du bout des lèvres. Pas juste à moitié. On bien on soutient la déraison chrétienne, on en témoigne, et c’est de l’ordre du hurlement. Ou bien on arrête l’exercice. Il y a tant d’autres choses, ici bas, que de faire semblant. Mais mimer le profane, le raisonnable, se couler dans le monde, craindre de déplaire, et c’est déjà la mort de l’âme. Pire. La plus odieuse des morts : celle du Verbe.

     

    Pascal Décaillet