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Liberté - Page 1477

  • Micheline Calmy-Rey et la Sainte Messe de l’humour

     

    Dans l’émission « Le Grand Oral » à paraître demain soir, Micheline Calmy-Rey confirme définitivement détester le monde de l’humour et des humoristes. Elle se dit blessée par la caricature, déteste sa marionnette, ne trouve absolument pas drôle qu’on tourne en dérision les politiques, qui font tant pour la Cité. Voilà qui est dit. Voilà qui est clair.

    Voilà surtout qui ne manque pas de franchise. Ni de courage. A reconnaître aussi crûment sa propre susceptibilité, on risque évidemment de s’en prendre doublement plein la poire dès les gazettes du lendemain. C’est le jeu.

    Au fond, il y a trois catégories : les gens comme elle, rarissimes ; quelques autres, presque aussi rares, qui ont vraiment le coffre d’encaisser, je les tiens pour ma part pour des saints, issus de quelque limbe ; le défilé, entre ces deux extrêmes, de tous ceux qui sont blessés, mais préfèrent rire jaunes, parce que l’humoriste, un peu comme le prêtre, c’est sacré. Ils ont appris ça, dans des cours de communication, faire le dos rond. Rester souriants, cools, surtout ne pas craquer : ce serait dévastateur pour l’image.

    Micheline Calmy-Rey, très simplement, reconnaît ne pas être une femme d’humour. Elle ne triche pas, ne tente pas de donner le change. Elle casse ce tabou par lequel il faudrait être en génuflexion devant l’intouchable officiant de la sacralité humoristique.

    Au fond, c’est elle qui transgresse. Mais il ne faut pas le dire trop fort. Ca manquerait d’humour.

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Méfions-nous des pèlerins et des amateurs d’architecture

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 18.12.09

     

    Dédier une chapelle à une sainte. Vouloir que ce lieu de recueillement s’érige dans le plus beau paysage possible, là où soufflerait l’esprit. Et puis non, pas seulement l’esprit, quelque chose de la terre et puis de la lumière, cette sorte de matière ou de glaise qui, reflétée dans un coin de ciel, porterait la solitude du pèlerin à une forme d’élévation. De rencontre. Depuis la nuit du christianisme, c’est cela une chapelle. Ca n’a rien de grand, rien d’arrogant, c’est à des années-lumière de la majesté d’une cathédrale.

    Le Valais, pays de montagne, est terre de chapelles. Comme le Piémont, le Val l’Aoste, la Haute-Savoie, le Haut-Adige, quand on descend du Brenner vers le lac de Garde, et que, d’un seul regard, on peut parfois en embrasser cinq ou six, sur le flanc de la vallée. Les Grecs aussi avaient leurs lieux de magie (Delphes, Epidaure), leurs divinités tutélaires, leurs Athénas protectrices ou éponymes, et bien souvent le culte du petit, qui n’était ni Parthénon, ni Pergame. Les Napolitains ont leurs madones, aux joues roses, posées sur leurs postes TV. C’est ainsi, c’est la vie, les rationalistes ricanent, rien n’y change.

    Dédier une chapelle, donc, à ce tout petit bout de femme qu’on tient pour une sainte, Mère Teresa. Confier sa construction à l’un des plus grands architectes de notre temps, Mario Botta. Choisir le Moosalp, à Törbel. Et finalement, suite au recours d’une Ligue en adoration devant le patrimoine, buter sur le Tribunal fédéral. Elle craignait quoi, cette Ligue : le trop-plein de pèlerins et d’amateurs d’architecture !

    Les voilà donc, les grands dangers du troisième millénaire : les pèlerins et les amateurs d’architecture. On aurait pu penser au loup, à la grippe noire, aux ravages du profit spéculé, au manque d’amour sur la terre, à la douleur des familles déchirées, à la Grande Faucheuse qui nous guette nous, à la petitesse de nos pauvres âmes, aux maquereaux de Chappaz, à ces amours errantes qui, à peine rencontrées, déjà nous quittent et nous délaissent. Mais non, le péril suprême, ô mes douces sœurs, ce sont les pèlerins et les amateurs d’architecture.

    J’ai enfin compris à quoi servaient les juges : ôter à des pèlerins l’idée saugrenue d’aller dans une chapelle. Je vais y réfléchir, tiens : à l’ombre d’un minaret.

     

    Pascal Décaillet

  • Laïcards au carrré

     

    Tribune de Genève - Lundi 14.12.09

     

    Plus laïcard que laïcard, tu connais, mon frère ? Plus extrémiste que le petit Père Combes. Plus bouffeur de curés qu’un radical de Fully, canal hystérique. Plus allumé que le général André, qui fichait les officiers allant à la messe. Plus phrygien que le plus enragé des sans-culottes. Cela porte un nom : cela s’appelle un Jeune socialiste suisse.

    L’ennemi numéro un, pour la JS ? Le chômage ? Le réchauffement ? La fièvre du profit ? Niet. Le diable, l’urgence absolue à combattre, c’est la religion. Dans un papier de position (dont l’horizontalité n’a d’égal que celle du missionnaire), nos jeunes et sémillants esprits, qui avaient déjà appelé les socialistes à sortir de l’Eglise catholique, sont allés si loin que le député neuchâtelois Baptiste Hurni, samedi soir à la RSR, juste après avoir claqué la porte, évoquait la « vieille haine bolchevique » de la religion au sein des JS.

    Cette hargne en éruption dessert, hélas, le principe même de laïcité, dont le catholique qui signe ces lignes tient à rappeler la nécessité, pour cohabiter en République. Comme le note très bien Yves Scheller, la laïcité, ça n’est pas l’anti-religion. Ca exige une certaine culture. Une certaine connaissance. Un certain respect. Et puis peut-être juste, avant de s’exprimer sur ce genre de questions, lire deux ou trois livres. Ou quelques centaines. Contre le ridicule, ça peut aider.

     

    Pascal Décaillet