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Liberté - Page 1474

  • Laissons dormir Pol Pot, Monsieur Halpérin…

     

    Vendredi 28.08.09 - 18.55h


    Ancien bâtonnier, voix sombre et profonde, rhétorique exemplaire, homme de culture, Michel Halpérin impressionne. En donnant pas mal de son temps d’avocat de renom à la politique, l’homme a réussi – pour un temps – le bel exploit de remettre un peu de calme dans un parti dévasté par deux présidences à côté desquelles le Chaos originel fait figure d’ordre cosmique. Hommage lui en soit rendu.

    La fin de la récréation sifflée, on pourrait même imaginer les libéraux genevois sur orbite, voire en voie lactée vers le zénith, puisqu’ils offrent à la Suisse, et jusqu’aux ultimes vallées rhétiques, le spectacle de deux candidats au Conseil fédéral. Ils auraient même, paraît-il, deux candidats au Conseil d’Etat, mais l’information reste à vérifier. Bref, le bonheur. A deux doigts du pré.

    Dans un tel état d’Irénée, était-il vraiment nécessaire, Monsieur le Bâtonnier-Président-Humaniste-Rhétoricien, de nous sortir le coup de Pol Pot ? Pensez-vous vraiment que l’alliance des socialistes et des Verts, à Genève, avec le Parti du Travail de Jean-Luc Ardite et Solidarités de Pierre Vaneck, mérite référence à l’un deux ou trois pires régimes du vingtième siècle ? Ce que vous venez de faire dans un communiqué, où vous n’omettez pas, dans un souci d’exhaustivité qui vous honore, de mentionner la Chine de Mao et la Russie des Soviets.

    Cette référence, Cher Maître, ne constitue-t-elle pas, en symétrie, une exagération aussi manifeste que l’évocation de chemises brunes ou noires, des ultimes soubresauts de la République de Weimar, de Thomas Mann, Visconti ou des Damnés, chaque fois qu’on parle de l’UDC ? Que les alliances du groupe adverse commencent à faire peur dès le moment qu’elles s’étendent, cela se peut concevoir. Mais faut-il à tout prix les diaboliser ?

    Surtout, cela est révélateur d’une grande nervosité, dans vos rangs, en cette deuxième partie d’été. Evocation hypertrophiée du thème sécuritaire, quitte à faire passer Genève pour une sorte de Bronx-sur-Léman. Radicalisation d’un discours qu’on avait connu, dans votre auguste voix, plus riche de nuances. Que se passe-t-il ? Viendriez-vous, peut-être, sourdement, à couver quelque doute sur la magie triomphatrice de votre double ticket pour le Conseil d’Etat ? Auriez-vous un maillon faible ? Deux maillons ? L’ensemble du maillage donnerait-il des signes de délitement ? Rêvez-vous de ponts qui s’écroulent, de mondes qui se terminent ?

    Une campagne politique est toujours un moment d’ivresse et de magie, avec des masques qui tombent, et la vérité des fureurs. C’est bien ainsi. Mais laissons juste dormir Pol Pot. La qualité habituelle de votre discours n’a pas besoin de lui pour s’imposer.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Broulis, la langue, la parole

     

    Jeudi 27.08.09 - 12.45h

     

    Au début était le verbe, qu’on pourrait aussi appeler la parole. Puis, plus tard, suite à quelque étourderie de verger, vinrent les langues. Il y eut Babel, il y eut deux mille Pentecôtes, il y eut ceux qui parlèrent et puis ceux qui se turent. Et puis, un beau matin, Pascal Couchepin s’en alla.

    Et là, il y eut mille feux sur l’un des candidats, Pascal Broulis, surgis de tant d’innocentes cendres, pour dire à quel point ça n’était pas bien de ne pas parler la langue de Brecht et de Rilke.

    Et de quantité d’ondes, souvent publiques, se mirent à jaillir mille procès en sorcellerie, Broulis l’unilingue, Broulis le monoglotte, Broulis le sous-doué, le sous-Berlitz. Sous la parure de l’innocence, on a thématisé la chose, multiplié les débats, brocardé son déplacement à Zurich, mardi soir.

    Nous nous sommes déjà exprimés, ici, sur la vanité de cette querelle, et Dieu sait pourtant si la langue allemande nous est chère. Nous devons ajouter aujourd’hui que le côté systématique de ces attaques devient un peu pénible. Et mériterait qu’on s’interroge sur les véritables motivations de leurs auteurs.

    Car enfin, de quoi s’agit-il ? De trouver à la Suisse un conseiller fédéral. Un successeur à Delamuraz, puis Couchepin. Une stature. Un sens de l’Etat. Un qui sache poser quelques grandes querelles, au-delà des vétilles, du tout-venant. Un qui sache affronter, mais aussi rassembler. Homme ou femme de parole, pour sûr. D’abord la parole, qui est sœur de l’action.

    La langue, ça n’est certes pas rien. Mais ça vient après.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Au centre, le prof

     

    Tribune de Genève - Lundi 24.08.09

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    Un personnage, juste là, qui n’aurait jamais dû cesser d’être central : le prof. Par lui, une voix, un regard. Le don, patiemment distillé, de toutes les alluvions dont sa vie l’a enrichi. Savoir. Méthode. Doute, aussi. Chemins de connaissance. Prodigieux métier, qui relie l’humain à l’humain, le passé à l’avenir. Il transmet.

    En ce jour de rentrée, pensons aux profs. Ce si beau mot de « maître », non celui qui domine, mais celui qui dispense le magistère. Lisons Péguy, « L’Argent », dans les Cahiers de la Quinzaine (Pléiade) : personne n’a mieux écrit sur le miracle de cette relation qui, pour la vie, demeure, nous étreint.

    Et puis quoi, aujourd’hui ? Ils seraient moins hussards, moins noirs, et cet aplatissement serait irrévocable ? Il ne l’est pas. Il ne dépend que de nous, la société, de revaloriser leur statut. Par le respect que nous leur portons. Quelques marches, vers le haut, dans une échelle de valeurs où le fric et la facilité ont été placés beaucoup trop haut.

    Aimer les profs, beaucoup attendre d’eux, c’est aimer la République. Espace commun, chose de tous. Dans sa dimension la plus verticale : celle qui élève. A tous, excellente rentrée. Aux profs. Aux élèves. Aux parents. A tous les autres, aussi : tous ceux pour qui le verbe, la connaissance, la culture ne sont pas juste un luxe. Mais des nécessités de vie.

     

    Pascal Décaillet