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Liberté - Page 1474

  • Le passager de la pluie

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Samedi 27.02.10

     

    La Suisse va mal, c’est vrai. Notre gouvernement fédéral n’est pas bon, il est sans épine dorsale, sans cohérence, sans stratégie, sans anticipation. Jamais il ne donne l’impression que les choses procèdent de lui : il ne fait que tenter de suivre. Tout le monde, ou presque, reconnaît que ce système-là, vieux de 162 ans, a vécu. Mais personne n’entreprend rien pour le changer. La Suisse, pourtant truffée de talents individuels, apparaît ces temps comme une entreprise collective impossible. Une Belle au bois dormant. Jusqu’à quel prince ?

    Alors bien sûr, il y a l’extérieur, les méchants Français, les méchants Allemands, il y a la crise. Oui, les temps sont difficiles, et il n’y a même plus le génie de Ferré pour nous le dire, en chanson. Mais la vraie léthargie est d’abord au fond de nous-mêmes. Quel grand projet avons-nous pour notre vie commune, nous les sept millions d’habitants de ce coin de terre, au demeurant l’un des très beaux du monde ? Ce ne seront pas de nouvelles structures qui nous réveilleront, mais le regard d’amour d’un passant, qui s’éprendrait de nous.

    Quel passant ? Cet Autre, ce passager de la nuit, ou de la pluie, peut-être cet exilé, avons-nous seulement envie de le séduire ? Je veux dire, autrement que par des forfaits fiscaux. Quelle part de charme de nous-mêmes, de mystère, d’accueil à l’imprévu, l’inconnu, au mage venu d’Orient, offrons-nous ? C’est pourtant, au fil des siècles, l’altérité qui a sauvé notre pays, oui le métissage. Refuge huguenot, charivari de 1848, appels migratoires de l’après-guerre. Tous, finalement, se sont intégrés, ont construit notre pays. Chaque Suisse, au fond, est un autre, ça n’est pas grave : ce qui compte, c’est ce qui nous rassemble.

    Au fond, il manque une inflexion spirituelle. Je n’ai pas dit religieuse. Je n’ai pas parlé du feu du 1er août. Il manque l’émergence d’une parole forte pour le pays, du fond du ventre, un cri. Pas un cri de guerre, plutôt celui d’une reconnaissance. Un éveil. Une déclaration d’amour au pays. A ce qu’il est par la nature. Mais surtout par ce qu’en font les sept millions d’humains qui le composent. Contemporains dans la même aventure. Qui mérite beaucoup plus que le silence. Beaucoup plus que le sommeil.

     

    Pascal Décaillet

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  • Mais qui est donc Philippe Souaille?

     

     

    Première question, je la pose sincèrement et me réjouis d’avoir une réponse : mais qui est donc Philippe Souaille ? Un homme politique ? Je m’en réjouirais : j’adore les politiques, de la gauche à la droite, cela m’importe peu, j’aime ceux d’entre eux qui ont du talent. Ou alors, peut-être, Philippe Souaille serait un confrère journaliste. Je m’en féliciterais encore plus : j’aime passionnément ce métier, et ceux qui l’exercent avec fougue et discernement.

     

    Hélas, j’ai beau scruter les organigrammes des partis, je n’y trouve nulle trace de Philippe Souaille. Y compris, du reste, dans celui dont il se réclame. Serait-il en lien avec la Garde Noire, dont il se fait le preux, le prétorien, l’impétueux défenseur à chaque fois que, dans l’intérêt de la transparence républicaine, on ose évoquer l’existence de cette dernière ? A cette question, je n’ai pas de réponse. Bref, pas de trace de Philippe Souaille dans le monde politique.

     

    Ah, mais suis-je bête, notre homme serait journaliste ! Alors, je regarde, j’épluche. Presse écrite : nulle trace de Philippe Souaille. Radio : nada. Télévision : néant. Voilà donc un politicien sans portefeuille, doublé d’un journaliste sans médias. Une sorte de Jean sans Terre. J’admire. L’homme le plus grand, c’est l’homme le plus seul, fait dire Ibsen à l’un de ses plus bouleversants héros, le Docteur Stockmann, dans « Un Ennemi du peuple ». Philippe Souaille est immense.

     

    Vous noterez que, depuis le début de ce papier, je précède son nom, à chaque fois, de son prénom, élémentaire courtoisie dont il ne croit pas bon de me faire bénéficier, lorsqu’il parle de moi. Procédé populiste, aussi, de mise à l’index, oui, ce populisme qu’il condamne à longueur de journée dans ses interminables diatribes contre tout parti qui serait d’autre extraction que celle de l’extrême centre. Car il est central, Philippe Souaille. Ombilical. Equatorial.

     

    Et puis, il connaît très bien l’Amérique latine, Philippe Souaille. C’est sans doute là-bas qu’il a dû commencer à consommer ce genre de produits hallucinogènes qui altère l’esprit et dissipe les sens. Ainsi, lorsque j’interroge le meilleur et le plus doué des jeunes espoirs radicaux, Murat Julian Alder, que je le reprends sur une affaire de centre et d’extrêmes, que ce dernier n’y voit nul inconvénient et me quitte en excellents termes, alors survient, tel Superman, Philippe Souaille. Chercheur de noises. Querelleur. Grand Prêtre dans l’ordre de la morale, de l’index, de l’ostracisme. Distributeur des étiquettes « d’extrême droite » à tous ceux que le système électoral genevois a exclus du gouvernement. Redresseur de torts que personne ne lui demande de redresser. Insultant, et laissant allègrement insulter sous son texte. Procédé précisément populiste, celui qu’il est réputé réprouver.

     

    Voilà quelques éléments d’appréciation. Et je m’empresse d’ajouter que j’aime Philippe Souaille. Et qu’il doit vivre, et vivre encore. Car j’ai toujours été, dès l’aurore de mon âge, viscéralement opposé à la peine de mort.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Ligne bleue

     

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Jeudi 25.02.10

     

    A côté de la Blitzkrieg d’Antoine Vielliard, politicien à Saint-Julien, contre l’indolence genevoise en matière de construction de logements, celle du regretté von Manstein, sur la Meuse et dans les Ardennes, en mai 1940, apparaît comme une marche pour la paix, en sandales, avec gong et invocations de Krishna.

    C’est qu’il est doué, Vielliard, il sait faire de la politique : monter des coups, parler avec image et références, brandir du concret, passer à l’attaque. Pour un centriste (il est Modem, le parti de Bayrou), la chose est assez insolite pour être relevée.

    Et puis, il ne manque pas de culot : Français, il vient faire la leçon aux Suisses. Et ma foi, sur le fond, il n’a pas tort : si vraiment certaines de nos communes ont dormi, ces dernières années, pourquoi ne pas le reconnaître ?

    Bien sûr, Antoine Vielliard est en campagne. Pour les Régionales. Bien sûr, il a trouvé là un os à ronger, une aubaine. Bien sûr, il en rajoute. Mais sa manière de fouler la ligne bleue de la frontière, de voir grand, préfigure peut-être, dans la douleur et une certaine vexation pour nous, nos intérêts communs de demain. Que nous soyons Suisses ou Français. Et cela, ce formidable coup de gueule, vaut sans doute mille fois mieux que toutes les leçons sur « l’Agglo », cette machine à laquelle le gros des gens, pour l’heure, ne comprend strictement rien. Merci, Antoine.

     

    Pascal Décaillet