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Liberté - Page 1478

  • La Régente épicène et les Saxons déboussolés

     

    Sur le vif - Samedi 12.12.09 - 17.45h

     

    Le budget 2010 de la Ville de Genève, tout ce samedi devant le Conseil municipal : une majorité de gauche écrasante alignée couverte, refusant avec une discipline systématique et prussienne les amendements de l’Entente, dont certains sont pourtant hautement justifiés ; une ministre des Finances dans le discours de laquelle l’épicène le dispute à l’arrogance ; un PDC dont on se demande à quel camp il appartient.

    La ministre ? Sandrine Salerno. Un discours préliminaire où les « toutes et tous » (comme si le neutre « tous » n’englobait pas les deux sexes) ne se font voler la vedette que par un « sots et sottes » (si !). Un ton donneur de leçons, cassant, pour remettre à leur place les spadassins de l’Entente qui se risqueraient, les insensés, à oser des amendements. Ces Simon Brandt, ces Olivier Fiumelli, ces Adrien Genecand, qui décidément auront fait leurs premiers pas en politique, comme naguère Pierre Maudet, dans la posture frontale des minoritaires (ça forge le caractère), la Régente leur répond par des leçons de morale. C’est un peu la tonalité de cette instance, qui régit une communauté humaine de quelque 240.000 habitants avec les mêmes mots que si elle était chargée des sept millions d’âmes de la planète.

    Ils sont courageux, ces jeunes grenadiers de la cause perdue. Contre eux, ils ont non seulement une majorité, mais une sorte de prétention morale à constamment définir ce qu’est le bien. On se frotte les yeux, on pense à la loi de 1907 : on se croirait presque au temple.

    Et tiens, puisqu’on parle d’église, le PDC de la Ville, dans ce débat, étonne par son extrême ductilité. Il joue avec la boussole de la gauche et de la droite à en démagnétiser les pôles. Les Saxons, à la bataille de Leipzig (16 au 19 octobre 1813) étaient assurément plus fiables. C’est dire.

     

    Pascal Décaillet

     

  • François Longchamp nous annonce la Troisième République

     

    « En tant que  radical, je refuse que l’on tombe dans un rapport de force entre la droite et la gauche… Toutes les réformes essentielles doivent faire l’objet d’un consensus politique qui dépasse ce clivage traditionnel ». Propos de François Longchamp, président du Conseil d’Etat genevois, interviewé par ma consœur Sandra Moro, dans « Le Temps » de ce matin.

    A lire cette apologie de la transversalité politique (le bleu du ciel de ce matin d’arrière-automne, générateur de bonne humeur, me freine dans l’emploi d’un mot plus fort), on a l’impression que la droite genevoise ne serait majoritaire que d’un rien. Et que, par là, elle serait condamnée à passer des accords, disons pour le moins avec les Verts. En clair, le radical François Longchamp (11 députés au Grand conseil) parle comme si rien, aucune alliance possible, fût-elle de circonstance, n’existait à droite de l’Entente (43 sièges si on totalise libéraux, radicaux et PDC). D’un revers de main, l’admirateur extatique de Louis Casaï fait comme si les 9 élus de l’UDC, et surtout les 17 élus du MCG n’existaient pas. Hors de son camp, il ne regardera donc que sur sa gauche.

    C’est évidemment son droit. Mais franchement, son camp l’a-t-il élu pour cela ? Et puis, laissons parler les chiffres : 43 de l’Entente + 9 de l’UDC, c’est déjà une majorité. 43 de l’Entente + 17 du MCG, ce sont trois députés sur cinq. Enfin, les trois réunis, et nous avons la vérité de l’expression populaire du 11 octobre : une gauche particulièrement minoritaire, pour quatre ans. Pourquoi François Longchamp ne compte-t-il pas davantage exploiter cette victoire ? Pourquoi annonce-t-il la continuation, à tout prix, de consensus transversaux, qui furent le fait quasi obligé, pour cause de cohabitation, de l’ancienne législature (CEVA, réforme du cycle d’orientation, baisse d’impôts) ? Là, pour quatre ans, il bénéficie d’une marge de manœuvre impressionnante à droite : ce matin, à bien lire l’interview du Temps, il nous laisse entendre qu’il ne compte guère l’utiliser.

    C’est ainsi, dans un gouvernement, lorsque le président est issu d’un parti ne faisant que 11%. Et c’est là que le bât blesse, dans le système. Pierre Kunz, parmi d’autres, plaide pour des exécutifs issus d’une charpente idéologique, et non d’un patchwork. Avec un président pour l’ensemble d’une législature, dont on peut aisément imaginer qu’il viendrait du parti le plus fort – et non le plus faible – de la coalition. Au lieu de cela, nous voilà avec un parti radical qui passera quatre ans à compenser la modestie de sa représentation parlementaire par de grandes leçons de morale données aux gueux de la marge. Rappelant, sans cesse, qu’il est, lui, un parti de gouvernement. Comme si ce statut relevait de l’essence, et non d’un choix du peuple. Ce petit jeu, qui rappelle tellement les combinaisons de la Troisième République, nous est promis pour quatre ans. Au-delà, nous verrons bien.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Pardo, Leyvraz

     

    Tribune de Genève - Jeudi 10.12.09

     

    De Soli Pardo à Eric Leyvraz, il y a toute la distance de la Lune à la Terre, de la folie saturnienne de Gabriele d’Annunzio à la sagesse vigneronne de la dernière époque de Gilles. Deux hommes que tout oppose, si ce n’est, dans un cas comme dans l’autre, une solide et impressionnante culture.

    Des UDC cultivés ? Eh oui. Avec Pardo, il y a toujours à reconquérir Fiume, ou quelque rivage de la côte dalmate, dans le soleil noir du sang qui sèche. Avec Leyvraz, on peut parler politique ou histoire, un bon bout, sans s’ennuyer. Avec Pardo, toujours un zeste d’ivresse, le verbe en verticale disponibilité à se frelater, qui s’élève jusqu’au trébuchement. Chez Leyvraz, la phrase est tranquille, le pas mesuré : on chemine vers le langage comme on monte vers les ceps.

    Avec son nœud papillon, ce nouveau président qui a tellement l’air d’un syndic vaudois des années soixante, évidemment radical, fera-t-il oublier les solitaires pulsions prétoriennes de son prédécesseur ? Ramènera-t-il le parti dans le sillon agrarien ? Tendra-t-il la main à l’Entente, en vue des communales ?

    Autres temps, autre verbe. Un fou et un raisonnable, au fond. Un patineur et un marcheur. Un qui dérape, un qui assure. Celui qui croyait à la nuit noire, celui qui guette le gel. Celui qui sème, celui qui récolte. Celui qui désire tellement la ligne jaune. Et celui, plus prudent, qui se contente de la contempler.

     

    Pascal Décaillet