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Liberté - Page 1480

  • « Monsieur de Buman a eu la gentillesse de m’informer »

    Samedi 08.08.09 - 11h

    Il est des chocs de syllabes, dans la vie, comme des jets de neutrons: « Monsieur de Buman, hier soir, sur le coup de 23h, a eu la gentillesse de m’informer de sa candidature au Conseil fédéral ». Christophe Darbellay, en direct hier matin à la RSR.

    La gentillesse !

    Il a osé, le président du PDC suisse, ce mot qui ne trompe personne, tant la noirceur des sentiments que se vouent ces deux hommes est notoire. Faut-il parler de haine ? Ou ce mot, trop racinien, et au fond évoquant trop la passion, est-il encore trop chétif, trop fluet ? Cette guerre, tissée des rancœurs de l’un et de la montagnarde superbe de l’autre, nourrie de sourdes jalousies et de coups de Jarnac, cet antagonisme viscéral de deux êtres que tout oppose, tout cela se résumera, devant l’Histoire, par la dérision d’une formule : « la gentillesse de m’informer ».

    Point n’était besoin d’être grand clerc, hier matin, pour saisir que Darbellay avait été pris de court par la rapidité d’une manœuvre interne. C’est une histoire de Grouchy et de Blücher, celui qu’on attendait, ou plutôt qu’on faisait semblant d’attendre, ce Monsieur Schwaller, tellement bilingue qu’il en a perdu l’usage de ses deux langues au point de devenir muet, et puis l’autre, celui auquel personne n’avait pensé, mais qui, dans l’ombre, n’avait cessé d’affûter ses dagues. « La commission électorale m’a approché », susurre le prince noir, innocent comme une nuit sans lune.

    Dominique de Buman ! L’Eminence. Cousin, quelque part sur l’arbre, de Pascal Couchepin. Le vieil ennemi, détesté. Et voilà, par la « gentillesse » d’un coup de fil à 23h, qu’il s’extirpe des nimbes, rappelle sa présence, son existence, la suzeraineté de ses droits, les très riches étendues de ses terrains de chasse, la légitimité de ses prétentions. Et Darbellay, à l’autre bout du fil, qui devait poliment opiner : « Bien sûr, Dominique, c’est ton droit, tout le monde a le droit d’être candidat, je comprends… Mais non, tu ne me réveillais pas… Allez, à bientôt, bonne chance… Et surtout, merci d’avoir eu la gentillesse de m’informer… ».

    Ah, c’est vrai qu’il est gentil, l’Eminence. Pressentant sans doute que la stratégie de reconquête (annoncer une ambition, dès le premier jour, mais sans lui donner immédiatement un chef et une incarnation) avait mené son parti au bord du précipice, il a eu la délicatesse de faire le premier pas en avant. Le suicide, comme arme suprême de guerre. Le grand saut, se perdre soi-même, pour nuire encore un peu plus à son ennemi interne. La verticalité, sans la plébéienne facilité de l’élastique. Chez ces gens-là, Monsieur, on sait mourir. Chapeau.

    « Gentil », cela veut dire « noble », non ?

    Pascal Décaillet

































  • Monsieur X serait-il Bossu ?

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    Hier donc, l’Oracle de Sainte-Croix, en son fief et après une royale attente, a fini par délivrer sa Parole. Suivi, quelques heures plus tard, d’une Eminence fribourgeoise un peu lasse de se tapir, depuis quelques années, dans l’ombre de son très solaire président de parti. À coup sûr, ce dernier aura été ravi de l’initiative de ce second qu’il chérit, comme on sait, à un point qui pourrait presque friser les Amitiés particulières. Nous voilà donc, au matin de ce 7 août, avec deux candidatures supplémentaires. Gageons qu’elles ne seront pas les dernières. Quel été, mes amis ! Ne serait-il pas plus simple, au fond, de tous nous porter candidats, oui tous, les sept millions d’habitants de ce beau pays, et hop, tous au Paradis, comme dans la chanson!

    Reste la grande question, qu’on nous pardonnera de ramener avec un brin d’insistance depuis des semaines : pourquoi la course à l’exécutif suprême, dans le système suisse, doit-elle à tout prix s’accompagner de ce jeu de masques et bergamasques, désirs voilés, aveux reportés, cette forme de Carte du Tendre, où ne manqueraient que la douceur des ruisseaux et la trace timide de l’herbe fauchée, à la pointe des escarpins ?

    Nous avons des partis politiques, avec de vrais chefs, qui s’appellent Pelli, Darbellay, l’un et l’autre intérieurement torréfiés par le feu du désir fédéral. Il serait parfaitement naturel, comme dans n’importe quelle démocratie du monde, que ces hommes-là, dès le début, se lancent. Chez nous, non. On se masque. On envoie des seconds au sacrifice. On jouit même à contempler leur lente montée sur l’autel. Et là, nul Archange, surtout pas, pour retenir, in extremis, le bras du destin.

    Candidat au Conseil fédéral, voilà donc une posture qui rappelle celle du Chevalier de Lagardère, lorsque, déguisé en Bossu, camouflant ses desseins, il arpente l’entourage du Prince de Gonzague. Trompant tout le monde, se jouant des naïvetés, profitant de ses apparences de vulnérabilité pour assoupir les méfiances. On joue les uns contre les autres. On laisse aller, dague au poing, ses gens de maison. On lance des lièvres, des lapereaux. On s’envoie des billets. On laisse gésir des mouchoirs, sur l’herbe tendre, juste un peu de rosée. L’orgasme, par la dissimulation.

    Alors, en attendant le 16 septembre, qui est encore bien loin, une suggestion : allez donc voir le Bossu, le vrai, à Dorénaz (VS), interprété dès ce soir par Pierre Jacquemoud, et toute la troupe du Théâtre du Dé, l’une des plus entreprenantes de la scène valaisanne. Il y aura des masques et des épées. Il y aura l’étincelle des combats. Il y aura Aurore, Gonzague et son petit Peyrolles. Et au moins, franchement, nous saurons, là, que nous sommes au théâtre. Donc dans la vraie vie.

    Pascal Décaillet

  • Le PDC a-t-il perdu la partie ?

    Vendredi 31.07.09 - 09.30h

    La journée d’hier, en montagne, était très belle, Christophe Darbellay devait donc être vraiment très inatteignable pour que la parole stratégique du PDC suisse fût déléguée à la Fribourgeoise Thérèse Meyer, dont les louables contorsions, sur le coup de 18h, n’auront eu d’égal que la prude innocence de son verbe.

    Ici c’était Thérèse Meyer, là le conseiller aux Etats lucernois Konrad Graber, là encore (dans la NZZ d’hier) un autre sénateur, l’Uranais Hansheiri Inderkum. Diable, ouvrirait-on enfin le soupirail, au PDC ? Aurait-on laissé dans l’ombre, ces dernières années, d’insoupçonnées créatures, qu’un providentiel rai de lumière, hier, aurait invité à tenter, comme dans les tranchées, le hasard d’une sortie ? Après tout, elle est généreuse, la Sainte Famille, ayant même laissé Cina (Jean-Michel) rêver de prendre un siège. Une option bleue comme une orange, délicatement déposée sur un lit froid.

    Dès le jour de la démission de Pascal Couchepin, le PDC, par la voix de son président, annonçait qu’il allait tenter la reconquête du deuxième siège. C’était, parfaitement, son droit. Mais, dès lors, il a commis une grave erreur : ne pas annoncer tout de suite la couleur, avec un « candidat naturel ». Puissant, impétueux. Si le parti « légitime » à repourvoir le siège (les libéraux-radicaux) peut se permettre, lui, ce subtil été d’attente et de semi-silences, avec des lièvres et des dauphins en embuscade, bref le Saint-Simon de la Succession du Roi, le parti challenger, ou pirate, en revanche, aurait dû briller dès le début par la clarté, la fermeté, l’audace de ses options. Avec un attaquant, identifié, et les troupes derrière lui. Quelque chose comme le Grand Condé, à Rocroi.

    Au lieu de cela, le PDC atermoie. Temporise. S’invente des commissions électorales, qui ne sont que paravents au fait qu’à moins d’un miracle, plus grand monde, au sein du parti, n’y croit. Quant à Urs Schwaller, ce ne sont pas les attaques « ethniques » (vivement condamnées dans ces colonnes) qui ruinent doucement ses chances, mais l’extrême prudence de son propre caractère. En politique, le principal ennemi, c’est toujours soi-même.

    Reste Christophe Darbellay lui-même. Piégé par sa propre stratégie ? Pas assez reconnu, par une certaine base du parti, pour oser dire, dès la mi-juin : « Je suis candidat », moi-même et nul autre? Après tout, il est le chef, et il est parfaitement normal, dans toutes les démocraties qui nous entourent, que les chefs des partis se portent candidats lors des vacances du pouvoir. Sarkozy, Merkel, n’ont-ils pas dirigé leurs formations, avant d’accéder aux affaires ? D’ailleurs, un fine, le duel le plus crédible, le plus signifiant, ne serait-il pas le choc de ces deux hommes qui s’aiment tant, Pelli et Darbellay ?

    Et c’est cela qui ne va pas dans le système suisse. Cette vaine et hypocrite recherche de la soi-disant « perle rare » (avec des commissions électorales qui font penser à des amicales de chercheurs d’or), alors que les vrais leaders existent, sont là depuis des années, et d’ailleurs ne rêvent que de cela. Cette peur de l’homme fort, cette hantise de la tête qui dépasse, ce mythe de la pépite d’or, si précieuse et si rarissime qu’il faille une « commission électorale » pour aller, dans d’obscurs tréfonds, la dénicher.

    En se prêtant à ce petit jeu de prudence et d’immobilité masquée, visant à ne froisser personne, le parti challenger a dilapidé tout le sel marin que promettait l’annonce d’abordage du premier jour. Dans cette affaire, il fallait être un peu voyou, un peu mauvais garçon, un peu « le violent admirable ». il fallait être un pirate. Ou un flandrin des glaciers. Au lieu de cela, on s’est doucement laissé empêtrer dans les sables mouvants de la bonne vieille politique suisse. Alors, à moins d’un miracle, ce sera bel et bien une personnalité libérale-radicale qu’élira l’Assemblée fédérale, le 16 septembre. Bref, un légitime. Et la Reconquista serait remise, comme la fin des temps, à des jours ultérieurs.

    Pascal Décaillet