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Liberté - Page 1484

  • Broulis, la langue, la parole

     

    Jeudi 27.08.09 - 12.45h

     

    Au début était le verbe, qu’on pourrait aussi appeler la parole. Puis, plus tard, suite à quelque étourderie de verger, vinrent les langues. Il y eut Babel, il y eut deux mille Pentecôtes, il y eut ceux qui parlèrent et puis ceux qui se turent. Et puis, un beau matin, Pascal Couchepin s’en alla.

    Et là, il y eut mille feux sur l’un des candidats, Pascal Broulis, surgis de tant d’innocentes cendres, pour dire à quel point ça n’était pas bien de ne pas parler la langue de Brecht et de Rilke.

    Et de quantité d’ondes, souvent publiques, se mirent à jaillir mille procès en sorcellerie, Broulis l’unilingue, Broulis le monoglotte, Broulis le sous-doué, le sous-Berlitz. Sous la parure de l’innocence, on a thématisé la chose, multiplié les débats, brocardé son déplacement à Zurich, mardi soir.

    Nous nous sommes déjà exprimés, ici, sur la vanité de cette querelle, et Dieu sait pourtant si la langue allemande nous est chère. Nous devons ajouter aujourd’hui que le côté systématique de ces attaques devient un peu pénible. Et mériterait qu’on s’interroge sur les véritables motivations de leurs auteurs.

    Car enfin, de quoi s’agit-il ? De trouver à la Suisse un conseiller fédéral. Un successeur à Delamuraz, puis Couchepin. Une stature. Un sens de l’Etat. Un qui sache poser quelques grandes querelles, au-delà des vétilles, du tout-venant. Un qui sache affronter, mais aussi rassembler. Homme ou femme de parole, pour sûr. D’abord la parole, qui est sœur de l’action.

    La langue, ça n’est certes pas rien. Mais ça vient après.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Au centre, le prof

     

    Tribune de Genève - Lundi 24.08.09

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    Un personnage, juste là, qui n’aurait jamais dû cesser d’être central : le prof. Par lui, une voix, un regard. Le don, patiemment distillé, de toutes les alluvions dont sa vie l’a enrichi. Savoir. Méthode. Doute, aussi. Chemins de connaissance. Prodigieux métier, qui relie l’humain à l’humain, le passé à l’avenir. Il transmet.

    En ce jour de rentrée, pensons aux profs. Ce si beau mot de « maître », non celui qui domine, mais celui qui dispense le magistère. Lisons Péguy, « L’Argent », dans les Cahiers de la Quinzaine (Pléiade) : personne n’a mieux écrit sur le miracle de cette relation qui, pour la vie, demeure, nous étreint.

    Et puis quoi, aujourd’hui ? Ils seraient moins hussards, moins noirs, et cet aplatissement serait irrévocable ? Il ne l’est pas. Il ne dépend que de nous, la société, de revaloriser leur statut. Par le respect que nous leur portons. Quelques marches, vers le haut, dans une échelle de valeurs où le fric et la facilité ont été placés beaucoup trop haut.

    Aimer les profs, beaucoup attendre d’eux, c’est aimer la République. Espace commun, chose de tous. Dans sa dimension la plus verticale : celle qui élève. A tous, excellente rentrée. Aux profs. Aux élèves. Aux parents. A tous les autres, aussi : tous ceux pour qui le verbe, la connaissance, la culture ne sont pas juste un luxe. Mais des nécessités de vie.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Mais d’où sort donc ce « tribunal arbitral » ?

     

    Vendredi 21.08.09 - 17.30h

     

    La chaleur extrême du désert libyen produirait-elle des mirages ? Ainsi, cet étrange « tribunal arbitral », censé statuer, de la Terre ou de Sirius, sur les circonstances de l’arrestation d’Hannibal Kadhafi à Genève.

    Mais d’où sort donc cette hallucinante idée ? Surtout, comment le président de la Confédération suisse a-t-il pu accepter le principe d’une instance judiciaire extérieure à nos institutions, et qui leur serait de droit supérieur ? Il y aurait donc place pour des juges étrangers ?

    Dans toute cette affaire, les autorités genevoises ont pris des décisions souveraines, dont elles n’ont pas à rougir. On aurait pu, à la rigueur, les contester par la voie de la Cour suprême suisse (le Tribunal fédéral), mais où va-t-on chercher l’embryon de légitimité d’un « tribunal arbitral » ? Pire : en quoi est-ce l’affaire de la Confédération de sanctionner le pouvoir d’un canton, là où ce dernier s’exerce en légitimité ?

    Non, désolé, le recours à cette instance dont personne n’avait jamais entendu parler, et qui du reste n’existe pas, ne résiste ni à l’évidence, ni à l’examen.

    A moins qu’on n’entende instaurer un Tribunal d’Inquisition pour entraver ce qui résiste à la raison d’Etat. C’est une option. Mais au moins, qu’on veuille bien l’annoncer clairement. Mieux vaut, en politique, un cynisme assumé que la tête de l’autruche au plus profond du sable. Celui du désert, of course.

     

    Pascal Décaillet