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Liberté - Page 1485

  • En mémoire d’Adrien

     

    Tribune de Genève - Jeudi 12.11.09

     

    Mars 1999 : Adrien Pasquali, quarante ans, choisit de quitter ce monde. Celui des hommes, mais aussi celui des livres, où il sera passé comme une trace filante, dans la nuit. Né en 1958, en Valais, d’origine italienne, écrivain, chercheur, traducteur, auteur d’une thèse sur Ramuz, Pasquali, aujourd’hui encore, nous éclaire sur les auteurs de Suisse romande, de Gustave Roud à Nicolas Bouvier. Il est parmi nous. Il nous manque.

    Demain, vendredi 13, dès 9h, salle B 112, Uni Bastions, sous l’impulsion de Sylviane Dupuis, qui lui a succédé dans sa charge de cours à l’Université de Genève, un colloque rendra hommage à Pasquali, l’une des personnalités littéraires les plus attachantes de la littérature romande. Par la qualité de son regard, son acuité critique, sa culture, mais aussi son œuvre propre. On pense évidemment, en priorité, au « Pain du silence », publié chez Zoé l’année de sa mort.

    Qui était-il, cet homme étrange ? A coup sûr, un passeur. Mais aussi un défricheur d’univers. Celui qui décrypte le langage des autres. Mais encore, et peut-être surtout, celui qui nous invite sur le grand chemin de traverse : le sentier de la racine vers l’apesanteur, l’identité perdue, pour peu qu’elle fût jamais acquise. Ce vendredi, Adrien, nous penserons à vous. Comme à tous ceux qui, nous ayant ouverts aux livres, nous ont ouverts à la vie.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Maudet debout. Au milieu des Assis.

     

     

    Comme le milan sur la palombe, Pierre Maudet pique en vrille sur Ueli Maurer. Il lacère, décortique, désosse, et cette féérique charcuterie, salée comme cochonnaille d’automne, excite les esprits et aiguise les sens. Enfin quelqu’un qui se bat. Ca fait plaisir à voir. Et même à humer, tiens.

    Ce matin, sur l’idée ahurissante de laisser une police privée sillonner les Pâquis (ce ne sont pas ces braves agents, le problème, c’est le signal de démission de l’Etat dans la plus régalienne de ses tâches), revoilà qui ? Maudet, pardi ! Pour asséner quelques vérités qui ravissent l’oreille. Le verbe est simple, imagé, la phrase courte, percutante. Tout cela, non au service du populisme, mais de l’esprit républicain. Bref, tout ce que nombre de ses collègues de parti, englués dans l’abstrait, les excès lacrymaux et les leçons de morale, ne savent plus faire.

    Curieux, non ? Maudet, qui ne brigue nulle fonction en cet automne 2009, se démène dans tous les sens, alors que certains candidats brillent par un excès de tranquillité qui, même en cas de réélection, pourrait bien leur jouer de sérieux tours. C’est cela qui ne va pas dans ce quintet des sortants: cette impression d’immuable, d’entre-soi. De club. La sérénité des notables. Des Assis.

    Au point qu’ils ont la singulière arrogance, pour se démarquer des outsiders, de s’auto-qualifier de « partis gouvernementaux ». Comme si on était « gouvernemental », non par la volonté du peuple, mais par une sorte d’essence. Divine ? Transcendante ? Génétique ? « Moi, Monsieur, je n’ai fait que 11%. Mais, désolé, je suis gouvernemental : C’est mon être. Ma nature ».

    Cette fois encore, sans doute, ils sauveront leur place. Mais mille questions demeurent, dans ce système électoral qui favorise à l’extrême les alliances, ne laisse aucune chance à la marge, coalise et coagule, dans un pacte de permanence, les éléments les plus disparates. Ces leçons-là, un homme comme Pierre Maudet est prêt à en discuter. Et les autres ? Ils attendent la prochaine échéance ? Dans quatre ans ? Ou, peut-être, la prochaine défaite ?

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • L’ennemi public

     

    Tribune de Genève - Lundi 09.11.09

     

    Vous avez remarqué comme ils lui tombent tous dessus ? Ici, c’est un docteur-ès-Kabbale, aux intentions aussi pures qu’une vierge cathare, qui lui démonte ses chiffres. Là c’est la Sainte Croisade des sortants qui le voue au bûcher. Il serait menteur, hérétique, destructeur d’équilibre, fossoyeur du bien commun. Rarement candidat au Conseil d’Etat n’aura, à ce point, focalisé les hargnes. Eric Stauffer a, décidément, beaucoup de chance.

    Ils se ruent sur lui, tous. Libéraux jaloux du pré-carré rongé, radicaux convertis en vestales donneurs de leçons, n’ayant plus comme refrain que l’horaire continu et la laïcité, toutes choses aussi enthousiasmantes que le journal de bord d’un éclusier que sa femme vient de quitter. Ils regrettent les temps anciens, ils pleurent. Eternels offensés, il ne leur reste que le choix des larmes.

    Ce qui peut lui arriver de mieux ? Non pas l’élection. Mais rater, tout en ayant progressé dans les résultats. Et la coalition des sortants, ce quintet d’artifice, qui ne tirerait aucune leçon de cet automne électoral, continuerait dans son arrogance à ignorer cette marge qui, depuis le 11 octobre, dévore déjà un tiers de la page. Et comme en quarante, de cocktails en cocktails, ce petit monde repartirait. Et vogueraient les copains, avec la sérénité de leurs voiles latines. Comme des nefs d’autrefois. Vers l’iceberg.

     

    Pascal Décaillet