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Liberté - Page 1468

  • Le matraquage de M. Aldeeb, ça suffit

     

    Je ne connais pas Monsieur Sami Aldeeb et n’ai rien a priori contre lui. Mais simplement, ce dimanche après-midi, je dis que ça suffit.

    Quand on commence tous ses textes, depuis des semaines, sur la présente plateforme de blogs, par « Crime de la circoncision », et que cette récurrence envahit l’espace avec la puissance dévastatrice d’un message subliminal, de type publicitaire, il y a un moment où intervient la responsabilité de l’éditeur.

    Dans un titre, la première partie, avant les deux points (style « Chutes de neige : Genève manque de sel »), est réputée faire référence à quelque chose de factuel, reconnu par tous, incontesté. Je ne sache pas que l’aspect prétendument « criminel » de la circoncision tombe sous l’universalité de cette catégorie. Il y a donc, clairement, matraquage.

    Je n’entends pas ici tomber dans le débat que Monsieur Aldeeb et quelques autres voudraient lancer en Suisse sur la circoncision, ce serait déjà faire leur jeu. Je dis que la répétition effrénée de ce début de titre, toujours le même, dans la colonne de droite de ce bel espace de blogs auquel je suis attaché pour le nourrir moi-même passablement, est de nature à blesser profondément, et inutilement, deux grandes catégories d’habitants de notre pays.

    Donc, le matraquage de Monsieur Aldeeb, j’en ai assez. Et je demande à mon confrère et ami Jean-François Mabut d’intervenir.

     

    Pascal Décaillet


  • La géant, l’Arche Sainte, le matou

     

    Commentaire pour le Giornale del Popolo


    Dans l’affaire qui secoue la Poste, il y a deux géants, sans doute un de trop : il y a le géant jaune, et il y a Claude Béglé (2 mètres de haut !). Deux géants qui se cherchent, s’entrechoquent, comme la raison et la passion, le poids du passé et les pulsions d’avenir, la vie au fond. Et puis, quelque part, hors du cercle, comme hors de l’histoire, à la lisière du clair de lune, il y a Moritz Leuenberger. L’homme qui réussit à sauver sa peau en dormant d’un œil. Et en sortant une griffe de temps en temps, comme un matou.

     

    Depuis la séparation en deux des « PTT », d’un côté la Poste, de l’autre les télécommunications, personne, en Suisse, n’a réussi à définir clairement, entendez dans quel choix fondamental de société, la Poste devait accomplir son mandat. On lui demande de rester un service public, un service « universel », et en même temps il faudrait qu’elle soit une entreprise privée, avec toute la férocité de survie que cela implique. A l’époque d’internet et des messageries électroniques, presque plus personne ne s’envoie des lettres en papier, mais on continue d’imaginer la Poste dans sa tâche héroïque, mythique, fondatrice du ciment national, de celui qui court le plus vite possible (à cheval ?) pour acheminer un pli. Cette schizophrénie-là, entre l’image et le réel, n’a jamais été tranchée. Et surtout pas par Moritz Leuenberger. L’homme qui ne dort que d’un œil, mais d’un œil quand même !

     

    Malgré tout, il a pris une bonne décision, Moritz : l’engagement de Claude Béglé. Un fonceur. Un dérangeur. Un manager. Avec, notamment, cette stratégie d’investissements sur les marchés étrangers qui n’est peut-être pas, au fond, une si mauvaise idée. Elle mérite, en tout cas, d’être étudiée plutôt que d’être jetée dogmatiquement aux orties par une gauche protectionniste et, au fond, conservatrice, pour qui la poste est une Arche Sainte, inviolable.

     

    Car il y a la question de fond : en quoi l’envoi de messages, papier ou virtuels, l’envoi de colis, doivent-ils relever, dans la Suisse de 2010, d’une entreprise publique ? On a libéralisé les télécommunications, le pays n’en est pas mort pour autant. On a créé des chaînes privées de radio et de TV, la Suisse a survécu, et plutôt bien. On s’est attaqué à pas mal de cartels, dans ce pays, depuis un quart de siècle (il en reste encore, trop, ne serait-ce que dans l’agriculture), mais la Poste, non : on ne touche pas ! Un tabou. Un souvenir d’enfance, aussi : celui de ces trains électriques, en miniature, dans le paysage desquels il y a toujours une montagne, un lac, un soldat qui s’en va faire son cours de répétition, et….. un bureau de poste ! N’avoir jamais voulu dire clairement aux Suisses que cette représentation relevait plus de l’idylle que de la réalité concurrentielle qui nous attend, sera à mettre, parmi de nombreuses autres choses, au passif d’un ministre qui commence à ressembler à l’éternité, quand elle se fiance avec l’ennui.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Un conte qui s’achève en hiver

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    Il était un cinéaste de la parole, un cinéaste du dialogue. Un homme qui (comme Musset, ou Marivaux) nous montrait la situation amoureuse.

    Dans ses films, guère de mouvements. Une jeune femme, tellement bien filmée, et tellement belle, avec un ou plusieurs jeunes hommes. Et puis, une autre jeune femme, souvent amie, celle qui surgit, parfois celle pour qui on trahit. Eric Rohmer, c’était cela, presque rien que cela. Et c’était un cinéma magique. Pour l’amour de la parole, mais aussi pour celui de la lumière, sur les visages.

    Chez Rohmer, on souffrait d’amour, on se confiait (comme Phèdre se confie à Oenone), on flirtait parfois avec les limites de la désespérance. Mais personne, au fond, ne mourait jamais. Il y avait toujours un moment où le film nous rappelait qu’il était un film.

    Chez Rohmer, on ne mourait jamais. Lui non plus, ne mourra pas. Dans l’histoire du cinéma.

     

    Pascal Décaillet