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La géant, l’Arche Sainte, le matou

 

Commentaire pour le Giornale del Popolo


Dans l’affaire qui secoue la Poste, il y a deux géants, sans doute un de trop : il y a le géant jaune, et il y a Claude Béglé (2 mètres de haut !). Deux géants qui se cherchent, s’entrechoquent, comme la raison et la passion, le poids du passé et les pulsions d’avenir, la vie au fond. Et puis, quelque part, hors du cercle, comme hors de l’histoire, à la lisière du clair de lune, il y a Moritz Leuenberger. L’homme qui réussit à sauver sa peau en dormant d’un œil. Et en sortant une griffe de temps en temps, comme un matou.

 

Depuis la séparation en deux des « PTT », d’un côté la Poste, de l’autre les télécommunications, personne, en Suisse, n’a réussi à définir clairement, entendez dans quel choix fondamental de société, la Poste devait accomplir son mandat. On lui demande de rester un service public, un service « universel », et en même temps il faudrait qu’elle soit une entreprise privée, avec toute la férocité de survie que cela implique. A l’époque d’internet et des messageries électroniques, presque plus personne ne s’envoie des lettres en papier, mais on continue d’imaginer la Poste dans sa tâche héroïque, mythique, fondatrice du ciment national, de celui qui court le plus vite possible (à cheval ?) pour acheminer un pli. Cette schizophrénie-là, entre l’image et le réel, n’a jamais été tranchée. Et surtout pas par Moritz Leuenberger. L’homme qui ne dort que d’un œil, mais d’un œil quand même !

 

Malgré tout, il a pris une bonne décision, Moritz : l’engagement de Claude Béglé. Un fonceur. Un dérangeur. Un manager. Avec, notamment, cette stratégie d’investissements sur les marchés étrangers qui n’est peut-être pas, au fond, une si mauvaise idée. Elle mérite, en tout cas, d’être étudiée plutôt que d’être jetée dogmatiquement aux orties par une gauche protectionniste et, au fond, conservatrice, pour qui la poste est une Arche Sainte, inviolable.

 

Car il y a la question de fond : en quoi l’envoi de messages, papier ou virtuels, l’envoi de colis, doivent-ils relever, dans la Suisse de 2010, d’une entreprise publique ? On a libéralisé les télécommunications, le pays n’en est pas mort pour autant. On a créé des chaînes privées de radio et de TV, la Suisse a survécu, et plutôt bien. On s’est attaqué à pas mal de cartels, dans ce pays, depuis un quart de siècle (il en reste encore, trop, ne serait-ce que dans l’agriculture), mais la Poste, non : on ne touche pas ! Un tabou. Un souvenir d’enfance, aussi : celui de ces trains électriques, en miniature, dans le paysage desquels il y a toujours une montagne, un lac, un soldat qui s’en va faire son cours de répétition, et….. un bureau de poste ! N’avoir jamais voulu dire clairement aux Suisses que cette représentation relevait plus de l’idylle que de la réalité concurrentielle qui nous attend, sera à mettre, parmi de nombreuses autres choses, au passif d’un ministre qui commence à ressembler à l’éternité, quand elle se fiance avec l’ennui.

 

Pascal Décaillet

 

 

 

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