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Liberté - Page 1469

  • Pardo, Leyvraz

     

    Tribune de Genève - Jeudi 10.12.09

     

    De Soli Pardo à Eric Leyvraz, il y a toute la distance de la Lune à la Terre, de la folie saturnienne de Gabriele d’Annunzio à la sagesse vigneronne de la dernière époque de Gilles. Deux hommes que tout oppose, si ce n’est, dans un cas comme dans l’autre, une solide et impressionnante culture.

    Des UDC cultivés ? Eh oui. Avec Pardo, il y a toujours à reconquérir Fiume, ou quelque rivage de la côte dalmate, dans le soleil noir du sang qui sèche. Avec Leyvraz, on peut parler politique ou histoire, un bon bout, sans s’ennuyer. Avec Pardo, toujours un zeste d’ivresse, le verbe en verticale disponibilité à se frelater, qui s’élève jusqu’au trébuchement. Chez Leyvraz, la phrase est tranquille, le pas mesuré : on chemine vers le langage comme on monte vers les ceps.

    Avec son nœud papillon, ce nouveau président qui a tellement l’air d’un syndic vaudois des années soixante, évidemment radical, fera-t-il oublier les solitaires pulsions prétoriennes de son prédécesseur ? Ramènera-t-il le parti dans le sillon agrarien ? Tendra-t-il la main à l’Entente, en vue des communales ?

    Autres temps, autre verbe. Un fou et un raisonnable, au fond. Un patineur et un marcheur. Un qui dérape, un qui assure. Celui qui croyait à la nuit noire, celui qui guette le gel. Celui qui sème, celui qui récolte. Celui qui désire tellement la ligne jaune. Et celui, plus prudent, qui se contente de la contempler.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Tu montes à l’autel, chéri ?

     

    Etrange République, en vérité, qui se proclame laïque depuis 1907, mais dont le gouvernement prête serment, tous les quatre ans, dans une… cathédrale !

    On me dit qu’elle est, pour l’occasion, sécularisée. Je veux bien. Mais alors, si c’est pour extraire le sacré, comme on ôte une épine, pourquoi ne pas tenir cérémonie à Palexpo ? Ou l’Arena ? Ou l’aéroport ? Ou dans une halle polyvalente de la zone suburbaine ? Ou, si on tient à tout prix à la présence de l’Histoire, à l’Hotel-de-Ville, qui est palais républicain.

    Diable. Ces voûtes et ces lumières, le feu du vitrail, l’empreinte, jusque dans la pierre, de tant de milliers de prédications, la marque des siècles, la trace des chants et des prières, nos autorités profanes y seraient-elles, peut-être, moins insensibles que le raide et le roide de l’équerre ne le laisseraient transparaître ? Les extatiques de la matrice froide seraient-ils, au-dedans d’eux-mêmes, orphelins d’une autre matrice, brûlante comme une filiation perdue ?

    Singulière contrée, oui, où les élus de la République viennent se mettre en communauté avec les Saintes Ecritures, juste une heure, juste en passant, le temps d’un serment. Avant de rejoindre, pour quatre ans, le doux régime de Séparation. Irait-on à l’autel comme irait aux filles ?

    Juste une dernière fois. Avant le sacerdoce républicain.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Darbellay, les maux sous les mots

     

    Dimanche 06.12.09 - 10.20h


    Opposé à l’initiative sur les minarets, donc clairement dans le camp des perdants, dimanche dernier, je n’ai apprécié que très moyennement la folie burqa qui a immédiatement suivi. Que le président du PDC suisse, au demeurant l’un des politiques les plus doués et les plus habiles du pays, joue ce jeu-là, m’a déçu. En allant remuer la poudrière religieuse en Suisse, raviver de vieilles querelles de cimetières confessionnels, il a joué avec le feu. Il s’en est certes excusé, dont acte.

    Cette maladresse, ironie du sort, survient à un moment où le Flandrin des glaciers subodore peut-être un nouveau carrefour de destin. Président du parti, homme national, parfaitement bilingue, à l’aise à Arena tout autant que devant une assemblée de paysans de la Haute-Argovie ou du Toggenburg, homme pressé, lève-tôt, amant crépusculaire de la verticalité, funambule des arêtes, il ne glisse jamais sur la glace, mais dans l’ordre plus troublant, plus imprévisible, du langage. Christophe Darbellay, oui, contrairement aux hyper-contrôlés François Longchamp et Didier Burkhalter, laisse toujours affleurer la pointe de l’hyperbole. Les mots sous les mots, avec lui, ont leur chance. La possibilité d’un lapsus, aussi. L’interviewer est donc toujours un moment de bonheur, où ne manque jamais de surgir le mauvais garçon, le fier-à-bras de bal finissant, bref un goût salé d’aventure, comme une écume de Dranse, qu’on désespère de trouver chez d’autres. Les uns sont plutôt notaires, lui franchement Gavroche.

    Ainsi, tout récemment, au Grand Oral, enregistré l’avant-veille de la Bérézina de Jean-Michel Cina autour de la loi sur le tourisme, le Flandrin, au moment le plus inattendu, attaque : « Oui, un retour en Valais m’intéresse ». À neuf mois seulement du début de législature, fallait oser ! Anticipant sur la mort politique de l’ancien président de Salquenen, le fauve en dévore déjà viscères et entrailles. C’est visible, gros comme un vautour mâle sous la lune, épais comme un câble de téléphérique de Veysonnaz, mais ça fonctionne.

    Reviendra-t-il en Valais ? Si oui, qui aura-t-il contre lui ? Freysinger, tout aussi éligible et dopé à mort par sa récente victoire ? Jean-Michel Cina finira-t-il la législature ? La paix de Veysonnaz, manifestement scellée avec Jean-Marie Fournier, n’est-elle qu’un cessez-le-feu, un pacte des loups pour mieux abattre un ennemi commun ? Entre Valais et Judée, Schiner et Supersaxo, entre maquereaux des cimes et paroles de prophètes, le spectacle de la politique valaisanne, toujours recommencé, n’a pas fini de nous estourbir. Alors, d’accord, mourons. Mais, si possible, pas trop vite.

    Pascal Décaillet