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Liberté - Page 1406

  • Les blancs, les noirs

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    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 30.08.10

    Compliquée, l’UDC genevoise ? Racontars ! Il suffit d’y voir clair. Au début donc, avant même le Verbe, il y avait Soli Pardo. Prince noir. Solitaire, levantin, celui qui fronce et qui fronde. Le fou.

    A deux cases de lui, et quelques années-lumière de haine, Yves Nidegger. Celui qui montre et démontre. Solitaire aussi, à mesure qu’il raisonne et se rapproche de l’éther. Démarche complexe. Le cavalier.

    Prudent, laissant choir et déchoir, autour de lui, fortunes et destinées : Eric Leyvraz. Feignant de se retirer, mais demeurant. L’âme noueuse comme un cep. Au milieu de la mêlée, il survit. Le roi.

    Toujours prêt pour avancer, chair à canon de la mitraille adverse, jamais plus sublime, dans l’art de la chute, que lorsqu’il la provoque lui-même, équation newtonienne à lui tout seul, André Reymond. Le pion.

    Raide et roide comme une soutane battue par le vent glacé, il a inventé, avant Euclide, la ligne droite : Eric Bertinat. La tour.

    Folle comme Pardo, cavalière (ô combien !) comme Nidegger, royale comme Leyvraz, pionnière comme Reymond, fille de Pise et de Galilée comme Bertinat, voici enfin celle que vous attendez tous. Céline Amaudruz. Elle se rit de l’archer, danse avec l’obstacle, rend les fous raisonnables, et fous les raisonnables. Celle qui reste debout. La reine.

    Pascal Décaillet


  • À Changins, nos diplomates !

     

    Sur le vif - Et avec une pointe d'acidité sur la langue - Dimanche 29.08.10 - 09.11h

     

    Le Faustino V n’est de loin pas un mauvais vin, encore qu’il pâtisse souvent, comme nombre de Riojas d’exportation, d’un excès vanillé de séjour en barrique, que le consommateur certes adore, mais qui masque à la fois les vertus et les vices d’un nectar.

     

    À l’ambassade suisse d’Helsinki, Christophe Darbellay s’est vu servir du Faustino V. Alors, il a vu rouge. Surtout que la petite plaisanterie finno-ibérique n’est que la goutte qui fait déborder la cuve : on sert souvent des vins étrangers dans nos missions officielles (qui sont les cartes de visite de la Suisse), et, nous apprend un papier de mon excellent confrère Titus Plattner dans le Matin dimanche d’aujourd’hui, le Pavillon suisse de Shanghai sert des crus italiens et espagnols ! Alors, le 13 septembre prochain, à la rentrée parlementaire, Darbellay déposera une motion obligeant tout ce petit monde en smoking – ainsi que les organisations subventionnées par la Confédération – à servir du vin suisse. À coup sûr, il devrait rallier facilement une majorité.

     

    Le plus fou, c’est que nos snobinards de cocktails n’y ont pas songé eux-mêmes. Envoyés aux quatre coins du monde comme images de la Suisse, ils n’ont juste pas pensé à cette charnelle, cette mystique incarnation de la terre qui s’appelle le vin. Nous en avons certains d’exceptionnels. Mais eux, quelle image ont-ils du pays ? Un système ? Une construction intellectuelle ? Et la Suisse tellurique, celle de l’argile et du terroir, ils ignorent ? Une Petite Arvine de vendanges tardives pourrait pourtant, au point le plus tangent de certaines négociations, défendre mieux les intérêts supérieurs du pays que bien des discours.

     

    Alors, après la motion Darbellay, on pourrait imaginer une motion 2 : inclure, dans le programme de formation des futurs diplomates, quinze jours sur les vins suisses. Visites, dégustations, rencontres avec les vignerons, identification des cépages. Et une semaine à la Station fédérale de Changins. Histoire d’apprendre qu’un pays, ça n’est pas seulement des lois et des traités, mais aussi la sensualité d’une terre. Le pays profond, oui, qui n’appartient pas seulement à celui qui le possède, mais à tous ceux qui l’aiment.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Le zéro absolu existe : le rafting

     

     

    Sur le vif - Et dans une rage de cataracte - Samedi 28.08.10 - 18.29h

     

    Un soir d’été, Dieu créa la bêtise, et le rafting naquit.

     

    Faut-il vraiment ne rien comprendre à la montagne, encore moins à la nature, pour s’entasser sur un canot pneumatique, et défier le cours, évidemment tumultueux, d’un torrent ? Ils veulent se prouver quoi, ces humanoïdes de pacotille, face à la dévorante puissance des flots ? Qu’ils la maîtrisent ?

     

    Mais non, justement, ils ne la maîtrisent pas ! Pas un été sans drames, sans morts, non pas la mort qui élève, celle de Kyo dans la Condition humaine, celle de Zénon dans l’œuvre au Noir, non, juste la mort bête, la mort dans toute sa connerie. Dénuée de sens, si ce n’est nous prouver ce que nos ancêtres savaient depuis la nuit des temps : on ne navigue pas sur ce genre de cours d’eau !

     

    Tous les étés, je les côtoie, les torrents, et Dieu sait si je les aime. De leur grâce et parfois de leur fureur, ils ont baigné les horizons de toute mon ascendance, le Trient pour ma famille paternelle, les Dranses pour celle de ma mère. Ferret, Bagnes, Entremont. Combien de réunions, familiales justement, de regroupements de toutes les branches éparpillées par la vie, à quelques mètres de la rivière en furie. Qui semble, dans ces moments-là, n’avoir été inventée que pour la grâce infinie d’y abriter une bouteille de vin blanc. Moins de cinq minutes et la voilà à bonne température, baptisée, épurée de son étiquette, emportée vers les Camargues.

     

    Côtoyer, oui. Immersion des pieds, si on veut. Mais surtout, observer. Miracle des oiseaux. Et puis la vie, la vie qui va, le charivari des alluvions, l’Eau noire (de Châtelard et d’ailleurs), l’eau qui bondit, surgit, danse et se rit de la verticalité. Tout cela, oui.

     

    Scruter, mais c’est tout. Aujourd’hui encore, dans le Vorarlberg, ce sont dix de ces têtes brûlées qui ont mobilisé les secours. Etonnés que le cours d’eau ait eu l’impudence de les emporter. Sans compter l’ahurissante bêtise de ces responsables RH d’entreprises qui croient judicieux de flanquer dans ces nefs de mort, comme sur le Styx ou l'Achéron, des employés n’ayant aucun sens, ni de la navigation, ni de la montagne. Juste, les infâmes crétins, pour tester « le sens du groupe », la hiérarchie de l’audace. Et la Grande Faucheuse, quand ces cadres d’opérette lui chatouillent un peu trop le menton, alors oui, de temps à autre, elle fait son boulot, elle fauche, et c’est parti pour le deuil et pour les jérémiades, quand le pire était évitable.

     

    Ô puissances souveraines, au milieu de mes colères, je suis prêt à des concessions : prêt à accepter, en ces mortelles contrées, les sirènes d’Apocalypse des Verts, les promesses de pluie d’Ueli le Climatique, la Cène et l’épicène, tout cela oui. Mais, grands dieux, qu’on nous délivre du rafting.

     

    Pascal Décaillet