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Liberté - Page 1408

  • Saint François et l’esprit de Soral

     

    Sur le vif - Lundi 19.10.10 - 17.11h

     

    Populaire et pragmatique, John Dupraz fait partie de ces radicaux qui n’ont jamais eu leur langue dans leur poche et s’intéressent parfois à d’autres sujets que le monothème de la laïcité. Chez Dupraz, le caractère est âpre, la saillie menaçante, la saute d’humeur omniprésente. Mais la sincérité est là.

     

    Entendu aujourd’hui comme témoin dans le procès BCGe, l’extatique défenseur des régions céréalières en a sorti une toute belle, qui risque de jeter un froid dans la clique si urbaine, si policée, si centriste des radicaux genevois millésime 2010. « Ce procès n’aurait jamais dû avoir lieu, les accusés n’ont pas volé un centime ! ». Bref, le contrepied exact de la philippique si soigneusement préparée de François Longchamp, membre de son parti, il y a quelques jours.

     

    John Dupraz n’est pas le seul. Au sein même du Conseil d’Etat, évidemment hors antenne, le show justicier de Saint François n’a été que moyennement goûté. Mais là, c’est la goutte de chasselas qui fait déborder le tonneau. Car, ici bas, amis lecteur, plus dévastateur que l’esprit de vin, et même que le Saint Esprit : l’esprit de Soral.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

  • Copains, coquins

     

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 18.10.10



    Si vous voulez, à Genève, faire passer une résolution qui suinte le pacte à cinq des partis au pouvoir, il n’y a qu’une adresse : Olivier Jornot, mercenaire scribe, l’homme plus rapide que son ombre pour griffonner des projets de loi sur un bout de nappe. L’affaire du Moa l’illustre avec éclat.

    Il est clair que cette affaire pue l’argent, et la récup tellement facile de l’électorat jeune en période pré-électorale. Comme Stauffer est dans le rôle de l’attaquant et, une fois de plus, a vu juste, toute la gluante horizontalité des réseaux interpartis gouvernementaux s’est liguée contre lui. La Genève des cocktails et des copains, des passe-droits et des coquins.

    Résultat : un assemblage de fortune, patchwork, où la naïveté le dispute à l’inexpérience, avec des parfums de pampa et l’ombre de Quinte-Curce comme caution juridique. Et le pire, c’est qu’un plénum inconscient et jeuniste a fini par voter ce sommet d’opportunisme.

    Le Grand Conseil de la République et Canton de Genève ne sort pas grandi de ce vaudeville. Pierre-François Unger a eu parfaitement raison d’assumer une décision courageuse. Genève n’appartient pas au clan pro Moa. Je ne parle pas ici des jeunes, qui ont bien le droit de s’amuser le soir. Mais des politicards profiteurs qui instrumentalisent la cause. Monsieur Jornot, vous aviez mieux à faire que monter dans cette galère.

    Pascal Décaillet


  • « Des hommes et des dieux » : joie et lumière

     


    Dimanche 17.10.10 - 20.17h

     

    « Des hommes et des dieux », de Xavier Beauvois, un film sur la lumière. Celle des montagnes de l’Atlas au petit matin ou lorsque tombe le soir, celle des chandelles, celle qui éclaire une poignée de visages d’hommes surgis de la nuit des temps. C’est l’Algérie de 1996, l’Italie de Piero della Francesca, ce sont les Pèlerins d’Emmaüs, avec leur hôte étrange, vus par Rembrandt. Un film de lumière, né de la lumière. Dans une période de l’Histoire écrasée par les ténèbres.

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    Visages d’hommes. Des moines. Des frères. Une toute petite communauté, quelque part dans la splendeur de l’Atlas, au pire moment des actions terroristes du GIA, et de la terrible répression de l’armée. Ils s’appellent Christian, Luc, Christophe, Célestin, Amédée, Jean-Pierre, Michel. Ils sont là, cisterciens en pays musulman, 34 ans après le départ des Français. Juste des hommes de paix, de prière et d’amour, amis des villageois que l’un d’entre eux, le médecin (Michael Lonsdale époustouflant) soigne jusqu’à s’épuiser lui-même, 150 consultations par jour.

     

    La fin, le spectateur la connaît avant le film : il sait que l’histoire raconte – à sa manière – ce qu’ont vécu les moines de Tibéhirine, assassinés. Mais ça n’est pas un film sur la mort, à peine suggérée par un cortège d’otages s’enfonçant dans la brume, jusqu’à se confondre avec elle, tout doucement. C’est un film sur la lumière de la vie. Un film sur la présence et sur l’absence (« Je parle à Dieu et n’entends plus sa réponse »). Sur l’accomplissement du destin. Le lien incroyablement fort qui peut être celui d’une petite communauté d’hommes. « Ecclésia » : l’Assemblée.

     

    Bien sûr, le chrétien ne manquera pas d’y décrypter d’évidentes scènes d’Evangile : naissance de l’Enfant au milieu d’une nuit de violence, dialogue de Frère Christian (le chef de la communauté) avec un chef du GIA (visage sublime) aux accents de lutte avec l’Ange, dernier repas, avec le vin, juste avant de vivre leur passion. Mais nous ne sommes pas un film de prosélytisme chrétien. Juste un film sur la lumière. À laquelle s’ajoute le chant : pureté de ces voix d’hommes dans la nuit, a capella, sans mystique excessive, juste l’accomplissement du rite.

     

    Accomplir le geste, la parole. Toute une vie, au demeurant sociable et fraternelle avec les villageois, ponctuée des innombrables rendez-vous de l’Ordre. Ils sont « dans le monde » et « hors du monde », et d’ailleurs le Pascal des Pensées est cité. Sur la table du supérieur (Lambert Wilson dans l’un de ses meilleurs rôles), la règle chrétienne côtoie le Coran. Ça n’est pas un film sur Dieu, mais sur les hommes. Pas sur la mort, mais sur la vie. Pas sur la nuit. Mais sur la lumière.

     

    A voir, absolument.

     

    Pascal Décaillet