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Liberté - Page 1404

  • L’étrange précipitation du Ministère public de la Confédération

     

    Sur le vif - Mardi 26.10.10 - 11.43h

     

    Pour une fois dans leur vie, ils ont agi comme l’éclair. Plus rapides que leur ombre. Saisi le jeudi 21 octobre par le Conseil d’Etat genevois dans l’affaire de l’affiche MCG représentant le dictateur libyen Kadhafi, le Ministère public de la Confédération décrétait le lendemain même, vendredi 22 octobre, sous la signature de Laurence Boillat, procureure fédérale suppléante, le séquestre de cette affiche.

     

    Quelle célérité, Madame Boillat ! Chapeau. Jamais vu ça. Une nuit de réflexion, à Berne, et paf, le séquestre. Jusqu’ici, le Ministère public de la Confédération (instance dont Christoph Blocher a payé de son poste le culot d’en avoir mis en question le fonctionnement) était réputé, au-delà des frontières, pour la lourdeur et la lenteur de ses procédures.

     

    Question : si la dénonciation avait émané, non du Conseil d’Etat genevois, mais d’un simple quidam, vous ou moi, et avait porté sur l’outrage à un autre chef d’Etat que le bienfaiteur du désert, des infirmières bulgares, des otages suisses et des passagers de Lockerbie, combien de temps la procédure du MPC aurait-elle duré ?

     

    Dans cette affaire, où la séparation des pouvoirs s’évanouit d’un coup au profit d'une raison d’Etat sur laquelle on aimerait au moins quelques précisions, les « autorités », au sens large, au reste scandaleusement confondues les unes avec les autres, se foutent du monde.

     

    En l’espèce, il y a trois autorités bien distinctes. Le Conseil d’Etat genevois, qui veut censurer l’affiche. L’exécutif fédéral, à Berne, qui le veut aussi. Le Ministère public de la Confédération, qui s’empresse immédiatement d’aller dans leur sens, à l’issue d’une très courte nuit, le lendemain même des démarches.

     

    Il y a, dans tout cela, quelque chose qui pue. Quelque chose de pourri. Et les grands airs de donneur de leçons de François Longchamp n’y pourront rien changer. Cela s’appelle censure. On compte sur la majorité de l’opinion, celle des équilibres et des barbichettes par lesquelles on se tient, pour faire passer la pilule. Que le Ministère public de la Confédération soutienne ce tour de passe-passe avec une fulgurance chronologique qu’on ne lui a jamais connue en d’autres circonstances, achève de décrédibiliser cette institution. Et donne raison, a posteriori, à un ancien conseiller fédéral qui avait eu la fatale témérité d’aller y fourrer son nez.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La Francophonie ne sert strictement à rien

     

    Edito - Giornale del Popolo - Lundi 25.10.10

     

    Adossée au lac Léman, face aux sublimes montagnes de Haute-Savoie et du Valais, la ville de Montreux, dans le canton de Vaud, jouit d’un paysage sans pareil. On y déguste aussi d’excellents petits-fours, avec saumon, champagne, langoustines, et l’esturgeon décliné sous toutes ses formes. Lors du Sommet de la Francophonie, qui vient de s’y tenir ce week-end (il s’est achevé dimanche soir), il y en eut donc pour le goût et pour le regard, pour les papilles et pour l’œil. Sans compter la présence de quelques femmes de rêve, robes longues, épaules nues, cernées de smokings et du désir des hommes. C’était Montreux, ce week-end. Le rêve. A un détail près : c’est que la francophonie ne sert strictement à rien.

     

    Ou plutôt si. Elle sert à engraisser, précisément, une nébuleuse d’improbables et d’inutiles, la Sainte-Alliance des cocktails, ceux qui jacassent et qui pérorent. Ils ne disent rien. Mais ce néant, ils l’expriment en français, s’il vous plaît. Le français : Dieu sait si nous aimons cette langue, qui est nôtre, nous les Suisses romands, comme les Français, les Belges, les Québécois, les Algériens, les Sénégalais. Mais Dieu sait, aussi, s’il convient de se méfier comme de la peste de ce conglomérat de petits copains, de réseaux de la France post-coloniale, de suppôts du Quai d’Orsay, d’universitaires en fin de carrière, de journalistes qui ne pratiquent plus : oui, c’est cela, la francophonie.

     

    Et les pires, ce sont les défenseurs de la langue française. Ils ont de cette dernière une conception figée, fossilisée, paléolithique. Ils voudraient qu’on la parle comme dans des traités de grammaire du dix-neuvième siècle, détestent les apports de l’extérieur, vomissent l’anglicisme, veillent sur la langue comme des Gardes rouges. Oui, c’est aussi cela, la francophonie.

     

    En attendant, Montreux aura été, l’espèce d’un week-end (horreur, un mot anglais !), capitale du monde francophone. Et va pouvoir, tout doucement et tant mieux pour elle, pouvoir reprendre le cours normal de son existence.

     

    Pascal Décaillet