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Liberté - Page 1409

  • Le Renard et le Loup

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    Pascal Couchepin et le prédateur des alpages – Décodage – Mardi 17.08.10 - 17.02h

     

    Déclaration improvisée, ou dûment préparée ? C’était, hier soir, à la RSR, la chronique régulière de Pascal Couchepin. Je ne sais plus exactement de quoi il a parlé, mais, comme tout le monde, mon oreille s’est dressée lorsqu’il s’est exprimé sur le loup. Comme la plupart, je n’ai retenu que cela de son intervention d’hier. C’était le moment fort, imagé, le bestiaire sur le chapiteau.

     

    L’Octodurien n’est pas exactement un novice en politique, ni en prise de parole publique. Soit il était antérieurement convenu qu’il évoquât l’animal, soit il pouvait tout au moins s’attendre à une relance sur le sujet, laquelle, bien naturellement, ne manqua pas. Dans tous les cas, on peut partir de l’idée qu’il n’est pas arrivé au micro sans avoir un peu ruminé ce qu’il allait nous sortir.

     

    La suite, on la connaît : ce matin, le loup est partout, et le vieux renard, qui ne s’est officiellement exprimé qu’incidemment, apparaît comme son protecteur à long terme : « Je suis convaincu qu’avec le temps, le loup reviendra, qu’on ne peut continuer à tuer ces bêtes. Il faut trouver une solution avec les partenaires : les bergers, les cantons. D’année en année, il y a plus de loups qui reviennent… Pour l’instant, on abat le loup lorsqu’il fait trop de dégâts. Mais ça n’est pas une solution à long terme ».

     

    Tout cela est pesé, raisonnable, adulte, à mille lieues de « l’infantilisme » dénoncé par Gallaz, et même, à l’instant, par Philippe Barraud. Tout cela est mis en scène pour tinter comme la voix de la raison contre celle des vieux mythes. La voix de la réforme contre la conservation. De la Jeune Suisse, argumentative, contre la Vieille, prisonnière de son humus et de ses superstitions. Bref, le vieux lutteur de Martigny a profité du prédateur des alpages pour nous asséner une petite piqûre de rappel, pour ceux qui n’étaient pas sur le Trient le 21 mai 1844, de la supériorité des radicaux sur les conservateurs. Il en a parfaitement le droit, c’est même très drôle, mais il fallait juste, en guise de décodage, que cela fût dit.

     

    Hélas, justement, cela ne fut pas dit. La sagesse de la parole couchepinienne, qui caresse au demeurant une grande majorité de l’opinion publique dans le sens du poil, fut simplement relayée, y compris ce matin par un confrère orangé qu’on a connu, naguère, autrement plus critique, plus caustique, plus rebelle. Le prophète de Martigny est même salué comme « montrant la voie » par Philippe Barraud. Une véritable coalition de la raison contre les infantiles. La bataille de Leipzig, en quelque sorte, avec, comme toujours, les Saxons dans le rôle des traîtres.

     

    À ce stade de minorité qui est le nôtre, nous renoncerons donc, pour l’heure, à en dire plus. Nous éviterons l’outrecuidance d’avancer que, pour l’oraculaire « montreur de voie », l’aubaine était trop belle de ne pas renvoyer à sa niche le prédécesseur de Jacques Melly, qui avait fait empailler l’animal et l’avait placé face à lui, dans son bureau. Pascal Couchepin ne tire pas les loups, mais n’oublie jamais sa sarbacane contre un certain clan qui, le scélérat, l’empêche parfois d’étendre son pouvoir. Dans un domaine (je le prends au hasard) qui pourrait, par exemple, être celui de la presse. Alors, poliment, sans les citer, on les « infantilise », on les déraisonne, on les ramène aux temps anciens. Ceux d’avant la bataille du Trient. Avant le 21 mai 1844. Autant dire la Préhistoire. Le Déluge.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • M. Merz n’a pas d’amis – Et vous ?

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    Mardi 17.08.10 - 08.57h

     

    À en croire son biographe Philippe Reichen, Hans-Rudolf Merz n’aurait pas le moindre ami. Ces quatre mots, « Merz, pas d’amis », me trottent dans la tête depuis hier, avec un mélange de tristesse et de réalisme sur la réalité des choses humaines. J’essaye de revivre les nombreux moments où j’ai approché, interviewé, cet homme au contact très agréable, souriant, cultivé, qui n’aurait pas d’amis.

     

    Surtout, m’est revenue cette nuit la matinée de son élection, ce mercredi 10 décembre 2003 (le même jour que Blocher) : j’étais sur le balcon du Conseil national, je commentais l’Assemblée fédérale en direct. Et, en effet, cet homme, qui parvenait pourtant au faîte de sa vie politique, m’avait paru incroyablement seul.

     

    Ce qui me plaît chez Merz, « l’homme sans amis », c’est qu’il s’érige ainsi en anti-Facebook. Face à la gluance des faux amis, face à la nauséabonde banalisation de ce superbe mot, voici donc la silhouette d’un homme seul. Un homme.

     

    Car tous les hommes sont seuls. Et ceux qui se complaisent dans la gluance sont sans doute plus seuls encore que M. Merz. Parce qu’ils se bercent d’illusions. Et même Montaigne, et même La Boétie, et même Alceste, et même Philinte, et même Oreste, et même Pylade sont des hommes seuls. Leurs moments d’amitié, aussi étincelants fussent-ils, ne les libère pas de l’intrinsèque solitude de l’humain sur la terre.

     

    Ainsi, Merz, l’homme sans amis, est peut-être l’homme tout court. L’homme vrai. Le dessin de sa solitude, épuré, le restitue mille fois mieux que la poisseuse fausseté des réseaux, des sourires de façade, des cocktails. Les quelques énergumènes, toujours les mêmes, qui se dodelinent dans ces mondanités sont sûrement plus seuls encore que la plus terrible solitude de M. Merz.

     

    Restent les amis. Combien en avons-nous, chacun ? Trois ? Quatre ? Cinq ? Parfois deux. Parfois un seul. Et il y a des gens, oui, des frères humains, qui se trouvent n’en avoir aucun. Qui serions-nous pour les juger ? Ils sont seuls. Et nous aussi, avec pourtant la grâce de nos trois ou quatre amis, nous sommes seuls. Un ami ne conjure pas la solitude, il chemine un peu la sienne avec la nôtre.

     

    Quant à la politique, n’en parlons pas. L’amitié, dans ce domaine, n’existe pas. Les courtisans, oui. Les flagorneurs. Les lécheurs, les cireurs. Les opportunistes. Les hallucinés de cocktails. Les authentiques serviteurs qui, dans l’ombre, attendent l’heure. Tout cela, oui. Mais les amis, jamais.

     

    M. Merz serait donc un homme seul. Donc un homme. Une solitude parmi les autres. Quelque part sur la terre. C’est tout.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Gallaz-Bender : le Manitoba ne répond plus

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    Sur le vif - Lundi 16.08.10 - 19.20h

     

     

    Il fallait vraiment s’être levé de bonne heure et du bon pied, ce matin, n’avoir bu que de l’eau depuis hier soir, pour comprendre un traître mot au « débat » entre le sociologue de Fully Gabriel Bender et l’éminent chroniqueur Christophe Gallaz, il y a quelques minutes, à la RSR. Thème : les propos tenus hier soir, sur la même antenne, par Gallaz, à propos des Valaisans dans leur comportement face au loup. Cf notre chronique précédente, sur ce blog.

     

    Rhétoriquement, ces deux intellectuels de haut vol ont un point commun : si leurs écrits brillent de mille feux, à l’oral ils donnent plutôt l’impression d’une inexorable distillation de l'équation verbale jusqu’à la fermentation finale. Tellement surmaturée que, d’un coup sirupeux mais fatal, elle en endormirait nos sens. Ils parlent, nous n’entendons pas. Ils émettent, nous ne recevons pas. Le Manitoba est là, face à nous, mais il ne répond pas.

     

    A part ça, plein ce belles choses ont été dites, où se mêlent Chappaz et les araignées rouges, la confirmation définitive de la non-existence des Vaudois, la coulpe gallazienne lorsque le scélérat reconnaît être allé un peu loin hier soir, mais encore la Nouvelle Héloïse, une foule d’animaux sur l’alpe, disons l’Arche de Noé, et surtout le fantasme extatique que le canton de Vaud pourrait exister sans Lausanne.

     

    Pendant que les deux éminences du verbe rivalisaient dans l’art d’ajouter de belles inconnues à l’équation, le loup, quant à lui, courait. Et court encor.

     

    Pascal Décaillet