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Liberté - Page 1411

  • Petit cahier de vacances pour Hugues Hiltpold

     

    Sur le vif - Jeudi 12.08.10 - 11.21h

     

    Cher Hugues Hiltpold,

     

    Vous avez adressé vos vœux aux musulmans de Suisse à l’occasion du ramadan, c’est très bien, je m’y associe, il n’y a aucun problème, en soi, avec cela.

     

    Aucun problème « en soi », mais peut-être une ou deux remarques collatérales.

     

    J’ai partagé votre combat contre l’interdiction des minarets, je l’ai dit maintes fois éditorialement, je regrette simplement que, chef de campagne, vous ayez été moins convaincant que le camp adverse. La raison tranquillement articulée, en politique (comme, d’ailleurs, dans la trop sage écriture de votre texte) ne fait pas toujours le poids face au choc des images. Face à l’émotionnel, il faut triompher par un autre émotionnel, pourquoi par celui de la République, qui est une grande et belle chose et mérite le soutien de la passion. Face à un Freysinger, c’est la puissance de la fièvre républicaine qu’il aurait fallu déployer. Le résultat n’aurait peut-être pas été différent, mais au moins il y aurait eu combat.

     

    Vous êtes trop sage, Monsieur Hiltpold. Je partage la plupart de vos idées, mais vous êtes si timide dans l’art de les exprimer, qu’on ne vous voit et ne vous entend pas. C’est dommage, car vous êtes homme de convictions ancrées et de courage. Prenez votre texte : vous vous en extrayez tellement, en tant qu’auteur, que le résultat apparaît comme un très sage, très cérébral alignement de préceptes. On les dirait ordonnés par la glaciale exactitude du compas et de l’équerre. Sémantiquement, c’est sans doute très bien, mais vous ne triompherez pas comme cela, dans les affaires de burqa ou de minarets, d’un Freysinger. Il y faut une autre fougue dans l’art d’empoigner le verbe. Ne venez pas me rétorquer que vous vous refusez au populisme, c’est souvent l’argument trop facile des perdants.

     

    Enfin, bravo encore pour vos vœux aux musulmans. Bien entendu, puisque vous voilà féliciteur officiel des différentes communautés à l’occasion de leurs rites, je me réjouis du petit mot d’amitié que vous ne manquerez pas, dans trois jours, d’adresser aux catholiques pour l’Assomption. Ni, le 8 septembre, à mes amis juifs pour Rosh Hashanah. Ni, le 9 mars 2011, à nouveau aux catholiques, pour le Carême. Ni aux différents patriarcats orthodoxes pour la splendeur de leurs Pâques. Vous avez du pain sur la planche, Monsieur Hiltpold.

     

    Je vous souhaite une excellente fin d’été. Ah, au fait n’oubliez pas : le 8 septembre, c’est aussi, chez les catholiques, la Nativité de la Vierge. Fête, hélas, totalement ignorée des fidèles eux-mêmes. Je compte sur vous pour une petite piqûre de rappel.

     

    Pascal Décaillet

     

     


  • Noces de sang sur l’Alpe

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    Sur le vif - Et toutes canines dehors - Mercredi 11.08.10 - 07.29h

     

    « Sous les pattes du loup, y a marqué Dunlop !» : on ne saurait être plus clair que Bernard Coudray, vigneron à Chamoson mais aussi chasseur et excellent connaisseur de la faune, pour dire tout haut, avec une rare sagacité pneumatique, ce que d’aucuns, en Valais, ruminent tacitement.

     

    Parce que l’affaire, sur les hauteurs, commence à tourner à l’idylle. Ils ne seraient plus un mais deux. D’enfer, le couple : Bonny and Clyde, on remplace juste les banques par des génissons, et le scénario de légende de l’été est posé. À un, on étripe ; à deux, on écume. Et vogue la galère, brebis par ci, bovins par là, ah quand l’appétit va, et toute cette sorte de choses.

     

    Ah mais c’est qu’il a la dent dure, notre couple d’amoureux. Quand un aime, on ne compte pas, en tout cas pas les moutons. La vie, on la mord à pleines dents. C’est le rapport incisif à l’existence, avec la bénédiction des Verts de la Ville, et de pas mal de « spécialistes » camouflant sous leur expertise un militantisme du retour. Ces gens-là, sous l’immaculée neutralité de leur blouse blanche, ne sont pas des experts, mais des parties prenantes, nourries d’une idéologie bien précise. Ils pourraient au moins avoir le courage de l’assumer.

     

    Il faudra un jour qu’ils nous expliquent, ces gens-là, en évitant de nous refaire le coup du « passage de Finges », avec quelle miraculeuse mobilité douce le prédateur énamouré peut passer du Val des Dix à l’alpage du Scex, sur les hauteurs d’Aminona. Ou des Abruzzes aux Alpes : et le Pô, ce grand fleuve magique des romans de Giovannino Guareschi, il le passe comment ? Sur ferry-boat ? Et la grande plaine ? Il chemine la nuit et se cache le jour, comme Fernandel dans « La Vache et le Prisonnier » ? Et les péages d’autoroute : il les paye comment ?

     

    Sur les alpages, il y a parfois des troupeaux. Pour les garder, qu’il pleuve ou qu’il vente, il y a ce qu’on appelle des bergers. Ce sont des gens du lieu, qui ont choisi un autre destin que l’exode rural. Un jour, ces types-là en auront marre. Et partiront aussi. Bonny and Clyde, les Verts de la ville, les faux experts, ce jour-là, auront gagné.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Mgr Genoud : « La maladie nous grandit »

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    J’ai eu le privilège de rencontrer Mgr Genoud, il y a quelques jours, en compagnie de Fathi Derder, à l’EMS La Providence, en basse ville de Fribourg, pour une édition spéciale du Grand Oral, qui sera diffusée ce dimanche 15 août, jour de l’Assomption.

     

    Nous avons rencontré un malade, au reste parfaitement lucide sur son état. Mais nous avons avant tout rencontré un homme. Il y avait bien le col romain, désormais beaucoup trop large pour le cou amaigri. Il y avait bien la vigilante présence de Nicolas Betticher, l’homme de confiance dont on sait la puissance dans le diocèse, allez disons le Maire du Palais, l’œil aquilin du surintendant, à qui rien n’échappe.

     

    Il y avait tout cela, oui. Mais tout cela s’efface devant le message d’humanité du malade. Jamais, pour moi, Bernard Genoud n’a été à ce point évêque que pendant ce moment de grâce, dans ce bel et paisible établissement, à deux pas de la Sarine.

     

    Évêque, justement parce que dénué de la pompe sacerdotale. Évêque sans crosse, ni mitre, ni rituel de Confirmation, ni huiles, ni cendres, ni courtisans. Évêque, désormais à mille lieues marines du cérémonial princier de la Fête-Dieu. Évêque, orphelin des visites pastorales, volontairement en retrait. Une forme de cloître, « pour se protéger ». Mgr Genoud est un homme seul. Tous les hommes sont seuls.

     

    Mgr Genoud a le cancer. C’est une maladie qui nous ramène à nous-mêmes. À l’essentiel. Quand la souffrance est là, le sentiment d’appartenance à une forme de communauté invisible des malades apparaît. Croyants ou non, athées, agnostiques, cela n’importe pas. La souffrance nous délivre un message. Elle nous « aide à grandir », dira Mgr Genoud, dans l’interview.

     

    Je me suis toujours méfié des prêtres, en chaire, qui parlaient de la souffrance, physique ou morale, sans l’avoir nécessairement trop éprouvée eux-mêmes. Là, avec Bernard Genoud, nous sommes au cœur du sujet. Le verbe est cistercien davantage qu’il n’est baroque. Épuré, sans être sec. La solitude du prélat, à deux pas de la rivière tranquille, le projette au cœur du monde. Le vrai monde : celui de la passion, j’hésite pour la majuscule, je renonce.

     

    Il a fait très beau, ces trois derniers jours, sur mes hauteurs valaisannes. Je m’y suis beaucoup promené, août étant légendairement le plus beau mois de la montagne. Celui de l’Assomption. Celui de la clarté, de la chaleur, de la précision et de la lumière. On dirait que le temps s’arrête. Dimanche dernier, dans la Combe d’Orny, j’ai pensé à Bernard Genoud. À ce qui rassemble les humains. Plutôt qu’à ce qui les sépare. La maladie, dit-il, nous grandit. L’avoir rencontré, ce jour-là, à Fribourg, aussi.

     

    Pascal Décaillet