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Liberté - Page 1413

  • L'heure de Karin Keller-Sutter a sonné

     

    Sur le vif - Vendredi 06.08.10 - 01.44h

     

    C’est par une star de la politique suisse, avec qui je dégustais hier (jeudi) après-midi quelques essences mazarines à Chamoson, que j’ai appris le départ de Hans-Rudolf Merz. Ce vendredi, dans la matinée, ce départ devrait être rendu officiel, à Berne.

     

    La démission de M. Merz, bon ministre des Finances mais mauvais président de la Confédération au pire moment de l’affaire libyenne, est, si elle se confirme ce matin, une excellente nouvelle. Parce qu’elle aère le jeu. Elle ouvre la fenêtre à la possibilité d’un vent nouveau. Le besoin en est urgent.

     

    Le départ du seul Moritz Leuenberger était, en soi, une question dénuée de tout intérêt. Savoir quelle femme socialiste alémanique allait remplacer ce Pierrot lunaire ayant beaucoup trop longtemps blanchi sous le harnais ne relevait, franchement, que d’une tension assez limitée. Il serait beaucoup plus intéressant de se demander ce que font les socialistes au Conseil fédéral, ce qu’ils ont encore à y apporter, le temps des pères de la nation et des assurances sociales, comme le génial Tschudi, ayant depuis longtemps laissé la place à celui du caviar, des alibis, des moralisateurs éthérés ou des hallucinés urbains de galeries contemporaines.

     

    Mais là, l’imminence d’une double vacance (avec, apparemment, deux élections complémentaires qui n’auraient pas lieu en même temps) va donner un peu de sel et d’épice à une politique fédérale de plus en plus fade, de moins en moins pourvue en personnages dotés de charisme, d’aspérités, de capacités à contre-courant. Le Conseil fédéral n’a pas besoin de comptables (« Buchhalter » en allemand), mais de caractères, sales tronches, emmerdeurs, empêcheurs de sommeiller en rond (oui, Moritz, SOM-MEIL-LER !), bref des Blocher ou des Couchepin. Des chefs. Pas des chefs de gare.

     

    À ce stade, une figure s’impose. L’excellente conseillère d’Etat saint-galloise Karin Keller-Sutter. La classe, à l’état pur. Une intelligence d’Etat, cohérente et cristalline. Un sens de la loi et de sa dignité d’application. Une maîtrise du français hors de pair. Un courage, dans la prise de décision, que pourraient lui envier tous (et surtout toutes) ses homologues de Suisse romande. C’est elle qui doit succéder à M. Merz. 24 ans après le départ de Kurt Furgler, c’est elle qui doit reprendre le flambeau de Saint-Gall au gouvernement fédéral. Elle, avant tout autre.

     

    Surtout, aucune de ces questions ne doit nous faire oublier l’urgence de réformer le Conseil fédéral, son mode d’élection. Elire, enfin, des équipes cohérentes, en bloc et non dans la hasardeuse aventure du disparate. Des équipes avec un programme, une épine dorsale, une ambition claire et lisible pour le pays. Bref, un cabinet de guerre, avec d’ailleurs un chef, pour toute une législature. Et non une collection de passants, comme il y a des collections de timbres. Ou des collections d’automne. Ou des étés pourris. Où même Ueli le Climatique (que mille vierges célestes réchauffent la seule évocation de son saint nom) en aurait perdu son latin.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     


  • Genève se paye notre poire

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    Sur le vif - Mercredi 28.07.10 - 20.11h

     

    Il y a des nouvelles, comme ça, qui vous tombent sur le caillou avec l’outrecuidance dévastatrice d’un alambic. À en croire une radio qui distille, goutte-à-goutte, les plus fermentées des nouvelles d’Etat, la williamine, marque Morand devant l’Eternel (qui n’en est sans doute pas le dernier consommateur) serait d’origine… genevoise !

     

    Si.

     

    Le père Alphonse Saxoud, à Saconnex d’Arve, en aurait concédé les droits à la famille Morand, au milieu du vingtième siècle et d’un champ de ces magnifiques poiriers, que l’on dit « Bons-Chrétiens » et qui remonteraient au moins à Saint François de Paule, Calabrais de légende qui fonda (je ne vous apprends rien) l’ordre des Minimes.

     

    La williamine, genevoise ! Et le cardon de Plainpalais ? D’Orsières ? Diable. Voilà qui tisse et qui métisse, qui trouble et qui sulfate, qui brasse les origines, exhausse les destins, distille la grande Histoire, aiguise nos esprits, vivifie nos sens.

     

    Mais si elle est vraie, cette nouvelle, c’est qu’il est super, Saxoud. Et qu’au royaume du diable, qui n’est locataire passager que d’un tout petit bout du Rhône, tout espoir de rédemption, peut-être, n’est pas perdu.

     

    D’ici une heure ou deux, là où je suis, je serai allé vérifier. Faites comme moi. Humez. Pensez au père Saxoud. Et reconnaissez que cet esprit-là est beaucoup plus proche de la sainteté que des querelles de frontière.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

  • La faim du mois

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    Sur le vif - Et même à pleins crocs - Mardi 27.07.10 - 14.40h

     

    Bon d’accord, il avait faim. Il est parfaitement légitime, dans la vie, d’avoir faim. Qui d’entre nous n’a jamais eu faim ? Il a été saisi d’une petite fringale, alors il s’est précipité sur deux génissons de l’alpage du Scex, sur les hauteurs d’Aminona. Et il les a dévorés. L’un des deux a trépassé. L’autre, déchiqueté, il eût été préférable qu’il mourût.

     

    D’accord aussi, il n’a pas le salaire qui tombe à la fin du mois, ni chômage, ni sécurité de l’emploi, ni gîte, ni couvert. Être loup, c’est un état de noblesse, des essences de solitude à nulle autre pareilles, ça vous vaut l’amitié du fabuliste, l’admiration des lecteurs, le frisson du randonneur nocturne, l’éveil halluciné du chaperon au monde du désir. En sus (si j’ose), ça vous fait bêler de pâmoison les Verts des villes, et rien que cette intonation-là, ça vous délie les babines.

     

    Il n’a rien à lui, le loup, et surtout ni niche ni collier, jamais nul ne l’a dit mieux que deux vers de La Fontaine. Bien sûr, loup c’est mieux que chien. Tout le monde en convient. Même les Verts de la ville. Même les chiens eux-mêmes, à cause du poids de ce collier, pesant détail de servitude.

     

    Et puis loup, c’est littéraire. Chien, ça va limite pour la chansonnette. Mais, face à ces premiers princes du sang qui s’en viennent hanter les altitudes de nos alpages, attendre le câlin en bouffant du whiskas, en termes sartriens d’essence et d’existence, c’est un peu juste, vous ne trouvez pas ?

     

    Donc, le loup d’Aminona a fait son œuvre. Déjà, celui du Val Ferret, là où opèrent comme bergers des cousins à moi, n’avait pas spécialement fait dans la dentelle à l’heure du goûter. Ah, mais c’est qu’ils ont la dent longue, ces aristos de la prédation, et c’est justement ce retour darwinien des bonnes vieilles lois de la nature qui extasient tant les Verts de nos villes. Les bergers n’auraient qu’à mieux protéger leurs troupeaux, ah les rustres, incapables de clore et leur terrain et le dossier !

     

    Alors, va pour le loup, va pour le prince du sang. Adieu moutons, génisses, couvées, adieu le rêve de quelques hommes de s’accrocher, pour un salaire dérisoire, à cette montagne qu’ils aiment tant. Et bienvenue au loup. Willkommen, bienvenue, welcome ! À toi, mon loup d’amour, les herbes grasses de nos alpages. Avec la bénédiction des Verts de la Ville. Bienvenue. Et surtout, bon appétit.

     

    Pascal Décaillet