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Liberté - Page 1416

  • Salam, Alec !

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    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 28.06.10

     

    La Genève internationale n’existe pas. Elle est juste une fiction. Juste l’hallucination collective d’une petite clique – toujours la même – qui adore se déhancher autour d’un drink, parler anglais, rêver d’un univers multilatéral qui n’existe que dans leurs têtes. Un doigt de scotch, trois larmes de soda, et le bleu de la planète qui vous caresse l’âme.

     

    Il faut voir avec quelle arrogance ils parlent des nations, cet archaïsme qu’ils prétendent avoir dépassé. Il n’y aurait de solutions que mondiales à des problèmes mondiaux, les frontières seraient vulgaires, les problèmes locaux, ridicules.

     

    Mais cette petite clique de snobinards de cocktails, lustrée dans le sens du poil par quelques-uns des nôtres qui voudraient s’arracher à leur provincialisme, fut-elle jamais au rendez-vous lorsque l’heure fut grave ? On a vu l’utilité de la SDN au cœur des années noires. On a vu l’éblouissante efficacité du Forum humanitaire mondial, de Kofi Annan.

     

    Dès que les choses vont mal, ce petit monde vous lâche, s’évapore. Alors, il convient d’être assez fort pour s’en sortir par soi-même. La force d’un pays, c’est sa cohésion, sa fraternité interne, son envie d’exister. Lorsque les choses vont mal, ces valeurs-là valent mille fois plus que l’amitié des petits fours, des ronds-de-jambe et des salamalecs.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Un livre d’été, éblouissant

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    Notes de lecture - Dimanche 27.06.10 - 15.48h

     

    C’est l’histoire d’une femme qui ne dit jamais « je », nous raconte pourtant sa vie, qui est à la fois la sienne et celle des autres, la nôtre. Sans une amie qui me l’a offert, je n’aurais sans doute jamais lu « Les années » d’Annie Ernaux. Sans le miracle d’une Pentecôte-éclair dans le Lubéron, il y a quelques semaines, je n’aurais pas eu l’intense bonheur de m’y plonger.

     

    C’est l’histoire d’une femme née au début des années quarante, on l’appellera simplement « elle ». C’est le livre « d’elle », avec son apparence impersonnelle, et c’est notre livre à tous, pour peu que nous ayons frayé avec cette époque et que l’univers de références très français de la narratrice ne nous rebute pas.

     

    Dans ce livre-là, nul chapitre, juste le fil du temps qui passe. Chronologique. Et, comme repères, un album de photos, sur lesquelles, de l’enfance à la retraite, apparaît « elle ». Juste pas l’Occupation, ou à peine, mais la France de l’immédiate après-guerre, miséreuse, celle d’avant les glorieuses. La Quatrième République, les guerres coloniales, Indochine puis Algérie, notre jeune fille qui grandit, brille aux études, s’arrache à sa famille paysanne de Normandie, monte à Paris. Et c’est la vie qui va, les souvenirs qui remontent, l’aventure collective d’une génération, jamais de « je », toujours « elle ».

     

    Mais l’impersonnel n’est qu’apparent. Elle vit, elle aime, elle souffre, cette jeune femme, se marie puis divorcera, elle enfante et travaille, écrit. L’histoire qu’elle nous raconte ne se cantonne de loin pas à la politique. La consommation, les grands magasins, les pubs, la vie de femme, la pilule dans les années soixante, l’avortement avec Simone Veil, les rapports au sein de la famille. C’est un album de photos et c’est un film, c’est une fresque de mille détails, c’est le « Je me souviens » de Perec autrement raconté, c’est sa vie et c’est la nôtre, ses souvenirs à elle et les nôtres, qui s’entrechoquent.

     

    C’est une écriture, surtout, d’une rare limpidité. Le fil du temps qui court sous la plume, le destin des foules allant se fondre dans celui d’une seule personne, « elle ».

     

    « Le plus défendu, ce qu’on n’avait jamais cru possible, la pilule contraceptive, était autorisé par une loi. On n’osait pas la réclamer au médecin, qui ne la proposait pas, surtout quand on n’était pas mariée. C’était une démarche impudique. On sentait bien qu’avec la pilule la vie serait bouleversée, tellement libre de son corps que c’en était effrayant. Aussi libre qu’un homme ». (Page 95 de l’édition Gallimard folio, 2008)

     

    Le héros, qui est-ce ? Est-ce « elle » ? Est-ce nous ? Et si c’étaient, simplement, les années ? Ce temps commun qui nous enveloppe, ensemble, et fait de nous, avec toutes nos différences, les enfants d’un même destin collectif. Ces années qui nous prennent comme individus et nous transforment, doucement mais irrévocablement, en contemporains.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Pelli flingue le charabia Vert

     

    Sur le vif - Samedi 26.06.10 - 17.44h

     

    Enfin, quelqu’un a osé. Enfin, un chef national de parti suisse, au plus haut niveau, a eu le courage d’attaquer de front le nouveau catéchisme Vert des entreprises : « Forcer les gens à faire des affaires de façon écologique n’a aucun sens », a déclaré tout à l’heure le président du parti libéral radical, devant deux cents délégués à Lugano.

     

    Ce que Pelli défie de front, c’est ce ramollissement du discours, tellement mode, d’ailleurs auto-reproduit par copiés-collés, qui voudrait faire des entrepreneurs les nouveaux champions de l’écologie, plans de relance par ci, nouvelles normes d’isolation thermique par là, snobisme de cocktail du mot « cleantech », le tout sous l’Infaillibilité dogmatique du mot magique, le mot final, « développement durable ».

     

    Soyons clairs : il ne s’agit pas ici de prôner la pollution, ni le gaspillage, ni le manque de respect pour la nature. Mais on aime le faire avec bon sens, et pas sous la pression tyrannique d’une idéologie d’Apocalypse. En osant attaquer cette dernière, Fulvio Pelli a dit tout haut ce que les 91% de Suisses n’ayant pas voté Verts en octobre 2007 pensent tout bas.

     

    Dans un siècle (oh oui, le monde sera encore là), il y aura toujours des aurores, toujours des crépuscules. Et il y aura toujours des linguistes, aussi, pour analyser la très ridicule préciosité d’un certain discours écologiste extrême au début du 21ème siècle. La mort des forêts, années 80, vous vous souvenez ?

     

    Cette dérive des mots, le parti des Verts n’en est d’ailleurs pas le responsable principal, et c’est un paradoxe troublant. Riche d’individualités souvent brillantes, ce parti a su élargir ses horizons au-delà des petites graines et du Larzac. Mais certaines essences de son discours, étrangement, sont allées porter semence dans d’autres partis. Dans les programmes desquels on trouve désormais les mots « développement durable » toutes les trois lignes. C’est pitoyable de récupération, de manque de confiance en soi, oui, Messieurs les PDC, pitoyable. « La sécurité, annonçait sans rire une députée genevoise au pire moment des agressions aux Pâquis, est le quatrième pilier du développement durable » : au-delà du charabia, c’est vraiment le degré zéro de l’effet de mode et du parasitage du discours.

     

    Vous voyez, j’ai fait des progrès : je parviens au 2300ème signe de mon texte sans avoir encore couché sur l’immaculé de mon papier le nom « Ueli le Climatique ». Mais diable, on ne se refait pas. Il fallait donc, hic et nunc, que je le couchasse. N’en faites pas autant. Profitez de la magnifique soirée d’été qui s’annonce. Laissez se développer durablement vos désirs de vivre et d’aimer. Echauffez-vous, réchauffez-vous. Jusqu’au dernier matin du monde.

    Et quant à vos pollutions, puissent-elles, dans la plus éclatante blancheur de vos draps, se contenter d'être nocturnes.

     

    Pascal Décaillet