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Liberté - Page 1416

  • Pierre Maudet et le clientélisme des jeunes

     

    Sur le vif - Et avec une vendéenne ardeur - Mardi 24.08.10 - 12.44h


    Chez les jeunes bobos et urbains, y compris chez nombre d’entre eux qui proviennent de la gauche, Pierre Maudet apparaît comme une forme de héros. L’homme de droite présentable, éclairé, ouvert à leurs préoccupations, à l’Europe, bref le radical qu’on veut bien ajouter à une liste de Verts ou de socialistes. Chez ces mêmes jeunes, l’idée même que tout cela puisse provenir d’un calcul électoraliste de l’intéressé, est rejetée comme vestige d’un scepticisme dépassé.

     

    Et pourtant. La position que vient de prendre, ce matin dans le Temps, l’éternel jeune prodige du radicalisme genevois (il dira non à la révision de la loi sur le chômage), mérite un minimum d’analyse et de mise en perspective. Président de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse, notre très rusé ratisseur de voix et rôtisseur de concurrents a saisi d’instinct, depuis des années, l’aubaine que pouvait constituer l’électorat des jeunes. Alors, il les caresse dans le sens du poil. Il les mitonne. Il les bichonne. Il leur susurre et leur murmure ce qu’ils ont envie d’entendre. Bref, il les drague.

     

    Ce petit jeu, qui consiste à constamment se démarquer des « méchants radicaux du reste du pays », brutes campagnardes par ci, têtes de béton zurichoises par là, eurosceptiques dénoncés comme des retardés mentaux, va un jour se retourner contre l’enfant terrible du vieux parti. Parce que des gens de droite, en Suisse, oui la grande famille de droite, commencent à en avoir marre de ces leçons de civilité, de progrès et de Lumières (Dieu merci, Maudet nous épargne à peu près la laïcité) que ne cessent de nous asséner certains radicaux genevois. Et aimeraient un peu plus de fidélité à certains de leurs fondamentaux idéologiques. Mais Maudet, jeune prodige, ne roule pas pour eux. Maudet roule pour Maudet. C’est son charme. Et, peut-être, la première de ses limites.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le chant du caniveau

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    Sur le vif - Et dans un venin de Saint-Barthélémy - Mardi 24.08.10 - 09.14h

     

    À la une du Matin, aujourd’hui, « Il démissionne enfin ! », avec une grande photo de Frédéric Hainard.

     

    En pages 2 et 3 du Matin d’aujourd’hui, « Le Shérif rend son insigne », titre de double page. À gauche de la page 2, l’édito : « Bon débarras ». En page 3, des réactions, évidemment glanées au hasard : « C’est bien fait pour lui ! ». Ou encore : « Qu’il s’excuse enfin ! ».

     

    En pages 4 et 5 du Matin d’aujourd’hui : « Pas fait pour le pouvoir ». En tout, cinq pages, hargneuses et triomphantes, sur la démission de Frédéric Hainard.

     

    On connaissait déjà le journalisme d’exécution. Ce que le Matin, depuis des mois, s’est appliqué à produire avec une rare minutie et un acharnement unilatéral dans ce feuilleton dont il est la fois le scénariste, le metteur en scène, le récipiendaire des droits. Le journal Le Matin est-il dirigé par des journalistes ou par les ennemis neuchâtelois de M. Hainard ? Le rédacteur en chef s’appelle-t-il Jean Studer ?

     

    On franchit ce matin une étape inédite : le journalisme de piétinement des cadavres. On brandit la dépouille à la foule, on la traîne sur le sol, pour souligner son propre triomphe. Peut-être, pourrait-on, à Neuchâtel, suspendre par les pieds Frédéric Hainard et sa compagne, comme le furent, en avril 1945, Benito Mussolini et Clara Petacci. Ce serait  aventureux et salé, comme image, non ?

     

    Pourquoi ces cinq pages, ce matin ? Pour informer? Ou pour justifier, rétrospectivement, la sauvagerie d’un acharnement systématique.

     

    On connaissait déjà la peste noire. Voici la petite peste orangée. Obédiente et mondaine, garce, vipérine. Qui pratique, ce matin, le suprême courage de la 25ème heure : celui de cracher son venin sur un mort. Dans le vent crispé du matin. Cher à Verlaine. C’est leur Art poétique à eux : le chant du caniveau.

     

    Pascal Décaillet

  • Hainard, les chiens, les chiennes

     

     

    Sur le vif - Lundi 23.08.10 - 17.14h

     

    Il y a des fois, dans la vie, où on se réconcilierait avec l’épicène. Confrères et consœurs, voyous et voyelles, chiens et chiennes.

     

    Bien sûr, le journalisme est souvent dur. Bien sûr, nous mettons cruellement sur le gril nos interlocuteurs. Bien sûr, nous traquons la langue de bois. C’est la loi du métier. La loi du genre.

     

    Mais nous ne sommes pas pour autant des inquisiteurs. Ni des vautours. Ni des chiens errants, affamés.

     

    La manière dont Frédéric Hainard (qui a certes tout entrepris lui-même pour se perdre) a été traité par un quotidien orangé, sûr de soi et prédateur, donne à réfléchir. Non pas, bien sûr, dans la mission de transparence. Mais la récurrence. Mais la systématique. Mais l’acharnement.

     

    Ce quotidien a-t-il défini seul sa ligne inquisitrice ? Lui a-t-elle été insufflée d’en haut ? Aujourd’hui, ils doivent se dire qu’ils ont gagné. Ils disent sûrement « champagne ». C’est leur droit.

     

    Moi, simplement, je dis « nausée ».

     

    Et tout le reste, je m’en fous.

     

    Pascal Décaillet