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Liberté - Page 1394

  • La Suisse ne doit pas lâcher le frein à l’endettement

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    Sur le vif - Vendredi 13.08.10 - 19.40h

     

    Que vous ayez à gérer un ménage, une petite entreprise de deux ou trois personnes, ou un pays tout entier, le principe est le même : si vous voulez rester crédible, indépendant, fiable, le total de vos dépenses ne doit pas, sur l’ensemble d’un exercice, excéder celui de vos recettes. Au niveau de la Confédération suisse, cette philosophie a été mise sur papier, dans un message, il y a dix ans par le Conseil fédéral (5 juillet 2000), puis plébiscitée par 85% du corps électoral. Ce mécanisme porte un nom : le frein à l’endettement.

     

    Cette rigueur financière, commencée sous Kaspar Villiger puis appliquée avec minutie (parfois excessive) par Hans-Rudolf Merz est l’un des éléments clefs du succès de la Suisse, en comparaison internationale, dans la dernière décennie. C’est justement parce qu’ils n’ont pas eu notre rigueur que nos grands voisins, la France et l’Allemagne notamment, tentent de se refaire une santé financière en lançant contre notre pays une véritable guerre fiscale. Avec une hargne qui, sous des dehors de moralité, camoufle une très mauvaise gestion des deniers, chez eux, par les collectivités publiques, souvent régionales d’ailleurs.

     

    Oui, le frein à l’endettement était nécessaire il y a dix ans, oui il le demeure plus que jamais aujourd’hui, au niveau fédéral comme dans les cantons. Oui, il faut se méfier comme de la peste de ces gigantesques plans de relance où, dans l’illusion de jouer et rejouer encore le miracle du New Deal, sous Roosevelt au début des années trente, on fait de l’Etat le principal émetteur des carnets de commande. Non, la société suisse de 2010 n’est pas la société américaine de novembre 1932.

     

    En Suisse, les partis de droite – la droite au sens large – soutiennent la philosophie du frein à l’endettement. Tout au plus, ponctuellement, les féodalités régionales ou corporatistes donnent-elles de la voix lorsque leurs intérêts vitaux (ou électoraux) sont touchés. Il est vrai aussi que Berne n’a pas toujours eu l’intelligence politique requise face à de véritables symboles, voire mythes, comme les cars postaux en Valais ou le haras fédéral d’Avenches, cher à l’étoile montante de l’UDC genevoise, cavalière à faire rougir l’Eternel, Céline Amaudruz.

     

    Toute la droite ? Non. Le vice-président du PDC suisse, Dominique de Buman, profite de la bonne santé financière actuelle de la Confédération pour demander un assouplissement du frein à l’endettement. On a pu entendre tout à l’heure, sur la RSR, que son président de parti, Christophe Darbellay, accueillait glacialement l’ « idée d’été » de ce numéro deux qu’il affectionne tant et avec lequel, tout le monde le sait, il passe le plus clair de ses vacances.

     

    Darbellay a raison. En matière financière comme en matière fiscale, la Suisse est en état de guerre. Elle est entourée de grands pays qui multiplient les offensives à son endroit. Elle doit prouver plus que jamais qu’elle demeure le pays de la sagesse, de la rigueur et de l’équilibre. Bref, qu’elle sait gérer – bien mieux que d’autres – ses deniers publics. Pour ces raisons-là, qui ne tiennent pas seulement au ménage interne de la Confédération, mais aussi à sa stature et à son image internationale, la Suisse doit continuer de freiner son endettement. Il en va d’aujourd’hui comme de demain : les dettes que notre génération contractera, ce sera, hélas, à nos enfants de les payer.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

  • Petit cahier de vacances pour Hugues Hiltpold

     

    Sur le vif - Jeudi 12.08.10 - 11.21h

     

    Cher Hugues Hiltpold,

     

    Vous avez adressé vos vœux aux musulmans de Suisse à l’occasion du ramadan, c’est très bien, je m’y associe, il n’y a aucun problème, en soi, avec cela.

     

    Aucun problème « en soi », mais peut-être une ou deux remarques collatérales.

     

    J’ai partagé votre combat contre l’interdiction des minarets, je l’ai dit maintes fois éditorialement, je regrette simplement que, chef de campagne, vous ayez été moins convaincant que le camp adverse. La raison tranquillement articulée, en politique (comme, d’ailleurs, dans la trop sage écriture de votre texte) ne fait pas toujours le poids face au choc des images. Face à l’émotionnel, il faut triompher par un autre émotionnel, pourquoi par celui de la République, qui est une grande et belle chose et mérite le soutien de la passion. Face à un Freysinger, c’est la puissance de la fièvre républicaine qu’il aurait fallu déployer. Le résultat n’aurait peut-être pas été différent, mais au moins il y aurait eu combat.

     

    Vous êtes trop sage, Monsieur Hiltpold. Je partage la plupart de vos idées, mais vous êtes si timide dans l’art de les exprimer, qu’on ne vous voit et ne vous entend pas. C’est dommage, car vous êtes homme de convictions ancrées et de courage. Prenez votre texte : vous vous en extrayez tellement, en tant qu’auteur, que le résultat apparaît comme un très sage, très cérébral alignement de préceptes. On les dirait ordonnés par la glaciale exactitude du compas et de l’équerre. Sémantiquement, c’est sans doute très bien, mais vous ne triompherez pas comme cela, dans les affaires de burqa ou de minarets, d’un Freysinger. Il y faut une autre fougue dans l’art d’empoigner le verbe. Ne venez pas me rétorquer que vous vous refusez au populisme, c’est souvent l’argument trop facile des perdants.

     

    Enfin, bravo encore pour vos vœux aux musulmans. Bien entendu, puisque vous voilà féliciteur officiel des différentes communautés à l’occasion de leurs rites, je me réjouis du petit mot d’amitié que vous ne manquerez pas, dans trois jours, d’adresser aux catholiques pour l’Assomption. Ni, le 8 septembre, à mes amis juifs pour Rosh Hashanah. Ni, le 9 mars 2011, à nouveau aux catholiques, pour le Carême. Ni aux différents patriarcats orthodoxes pour la splendeur de leurs Pâques. Vous avez du pain sur la planche, Monsieur Hiltpold.

     

    Je vous souhaite une excellente fin d’été. Ah, au fait n’oubliez pas : le 8 septembre, c’est aussi, chez les catholiques, la Nativité de la Vierge. Fête, hélas, totalement ignorée des fidèles eux-mêmes. Je compte sur vous pour une petite piqûre de rappel.

     

    Pascal Décaillet

     

     


  • Noces de sang sur l’Alpe

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    Sur le vif - Et toutes canines dehors - Mercredi 11.08.10 - 07.29h

     

    « Sous les pattes du loup, y a marqué Dunlop !» : on ne saurait être plus clair que Bernard Coudray, vigneron à Chamoson mais aussi chasseur et excellent connaisseur de la faune, pour dire tout haut, avec une rare sagacité pneumatique, ce que d’aucuns, en Valais, ruminent tacitement.

     

    Parce que l’affaire, sur les hauteurs, commence à tourner à l’idylle. Ils ne seraient plus un mais deux. D’enfer, le couple : Bonny and Clyde, on remplace juste les banques par des génissons, et le scénario de légende de l’été est posé. À un, on étripe ; à deux, on écume. Et vogue la galère, brebis par ci, bovins par là, ah quand l’appétit va, et toute cette sorte de choses.

     

    Ah mais c’est qu’il a la dent dure, notre couple d’amoureux. Quand un aime, on ne compte pas, en tout cas pas les moutons. La vie, on la mord à pleines dents. C’est le rapport incisif à l’existence, avec la bénédiction des Verts de la Ville, et de pas mal de « spécialistes » camouflant sous leur expertise un militantisme du retour. Ces gens-là, sous l’immaculée neutralité de leur blouse blanche, ne sont pas des experts, mais des parties prenantes, nourries d’une idéologie bien précise. Ils pourraient au moins avoir le courage de l’assumer.

     

    Il faudra un jour qu’ils nous expliquent, ces gens-là, en évitant de nous refaire le coup du « passage de Finges », avec quelle miraculeuse mobilité douce le prédateur énamouré peut passer du Val des Dix à l’alpage du Scex, sur les hauteurs d’Aminona. Ou des Abruzzes aux Alpes : et le Pô, ce grand fleuve magique des romans de Giovannino Guareschi, il le passe comment ? Sur ferry-boat ? Et la grande plaine ? Il chemine la nuit et se cache le jour, comme Fernandel dans « La Vache et le Prisonnier » ? Et les péages d’autoroute : il les paye comment ?

     

    Sur les alpages, il y a parfois des troupeaux. Pour les garder, qu’il pleuve ou qu’il vente, il y a ce qu’on appelle des bergers. Ce sont des gens du lieu, qui ont choisi un autre destin que l’exode rural. Un jour, ces types-là en auront marre. Et partiront aussi. Bonny and Clyde, les Verts de la ville, les faux experts, ce jour-là, auront gagné.

     

    Pascal Décaillet