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Liberté - Page 1393

  • Le lait, le miel

     

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Jeudi 18.11.10

     

    Papy Moustache est un homme sympathique. Et il le sait. Alors, il lui arrive parfois de forcer un peu sur le Papy, et le lendemain sur la moustache. Et le plus fou, c’est que ça marche : Jean-Charles Rielle est un homme populaire. D’une popularité qui fait même rêver le pays de Canaan, où coulent pourtant le lait et le miel.

     

    Papy Moustache, donc, est sympathique, populaire et charismatique. Et il a un sixième sens pour les sujets compassionnels. Gaza, l’affaire Selimi, l’affaire Rappaz. Non qu’il ait tort, loin de là, mais quel instinct ! Un pif gros comme ça pour humer le thème, quelque part entre vie et mort, exil et royaume, qui tirera les larmes dans les chaumières.

     

    Face à lui, un jeune homme de 26 ans qui croit en la loi et en l’Etat, des archaïsmes pas très vendeurs. Il s’appelle Philippe Nantermod, il ne craint ni la solitude, ni l’adversité, ni de passer pour un ringard. Il dit, simplement, ce qu’il croit juste. Et il a du courage. Et il ira loin.

     

    Quant à Papy Moustache, on se réjouit de l’entendre aussi, à l’avenir, sur quelques bons sujets bien austères de la vie fédérale, tiens la péréquation, par exemple. Un truc sans lait, ni miel, ni larmes. Juste la dignité d’Etat, sèche et roide, austère. Drue, comme l’extrême Finistère d’une moustache, par un matin de vent glacé.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • UDC et école : le thème qui va monter en Suisse

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Mercredi 17.11.10

     

    Premier parti de Suisse, près de 30% en octobre 2007, l’UDC s’intéresse désormais à l’école. Au-dessus des barrières cantonales, elle vient d’élaborer des propositions allant dans un sens conservateur. On n’allait tout de même pas attendre de ce parti un panégyrique de la pensée de Bourdieu, des méthodes globales, de l’approche uniquement thématique de l’Histoire, ni de l’obsession climatique dans les cours de géo.

     

    Faut-il, pour autant, parler d’école de grand-papa ? Bien sûr que non. Une école plus cadrée, oui, valorisant de rôle du maître, sa place centrale face à la classe et aussi face aux parents. A côté de cela, une mise en avant du dialecte ne concernant que la Suisse alémanique, l’obligation d’une moyenne semestrielle, des examens de passage à la fin de la 3ème, de la 6ème et de la 9ème année scolaires. Enfin, une volonté de placer les polyhandicapés dans des classes spécialisées, mesure plus que discutable, certes, qui a valu à l’UDC des références aux chemises brunes et au Troisième Reich. Ne parlons pas du dessin de Vigousse sur Freysinger, tout simplement nauséabond.

     

    L’intérêt de tout cela, c’est l’avalanche de réactions des autres partis, ceux qui tiennent les Départements de l’Instruction publique et la CDIP (Conférence des directeurs cantonaux) : au mieux la moquerie, au pire la haine, en passant par l’arrogance. Voilà qui nous ramène au milieu des années nonante, il y a une quinzaine d’années, lorsque l’UDC, seule contre tous, estimait que le taux de criminalité étrangère, en Suisse, était beaucoup trop élevé. En ces temps-là, et jusqu’à une époque très récente, tout le monde la méprisait, quand on ne la traitait pas de fasciste. Verdict le 28 novembre prochain, avec une initiative et/ou un contreprojet qui ont bien des chances de passer. Eh oui !

     

    Pour l’école, ce sera la même chose. L’UDC, on commence par lui rire au nez. Puis, on lui sort les années trente, puis vient le moment où on est bien obligé de se définir par rapport à ses idées. Alors, souvent, on fait des copiés-collés en se bouchant le nez, on se drape de lin blanc, on attend le dimanche électoral. Et là, comme on perd, on dit que l’électeur a mal voté, qu’il a été trompé, et que, de toute manière, ça n’est pas compatible avec le droit supérieur. Et, plus on dit cela, plus l’UDC monte. Ce parti, oui, a de très beaux jours devant lui.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • Vieux-Grenadiers : Mettan dans la fournaise

     


    Sur le vif - Et baïonnette au canon - Mardi 16.11.10 - 11.41h


     

    « Et, lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil,

    Dragons que Rome eût pris pour des légionnaires,

    Cuirassiers, canonniers qui traînaient des tonnerres,

    Portant le noir colback ou le casque poli,

    Tous, ceux de Friedland et ceux de Rivoli,

    Comprenant qu'ils allaient mourir dans cette fête,

    Saluèrent leur dieu, debout dans la tempête.

    Leur bouche, d'un seul cri, dit : Vive l'empereur !

    Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur,

    Tranquille, souriant à la mitraille anglaise,

    La garde impériale entra dans la fournaise. »


    Victor Hugo – Waterloo – Les Châtiments – L’Expiation

     


    Donc, les Vieux-Grenadiers ont refusé la candidature de Guy Mettan. Le plus fou, dans cette nouvelle, ça n’est pas tant le refus (tout club à ses règles), mais bel et bien que le très débonnaire et très placide président du Grand Conseil genevois ait cru bon de postuler à une instance dont le seul nom, magnifique, évoque à la fois les Soldats de l’An II, l’Empire, l’odeur de la poudre, le courage. L’Empire, oui, que ce fût pour le servir ou le combattre, Genève et la Suisse furent au centre de cette aventure, et nombre de Grenadiers genevois durent servir dans la Grande Armée.

     

    Dans cette affaire, de deux choses l’une. Ou bien, les Vieux-Grenadiers incarnent encore ces valeurs-là, qui sont celles de leurs costumes et de leurs armes, de ces ombres immenses dont Victor Hugo (toujours lui) écrit qu’elles « avaient chassé vingt rois, passé les Alpes et le Rhin, et leurs âmes chantaient dans les clairons d’airain ». Et on se demande ce que Guy Mettan viendrait y faire.

     

    Ou bien, les Vieux-Grenadiers n’incarnent plus du tout cet élan de grognards d’inspiration profondément républicaine. Et alors, à quoi bon prétendre en faire partie ?

     

    Car enfin, si c’est juste pour la camaraderie assise de la choucroute et du cassoulet, où ruminent les commensaux en écoutant le lent travail de digestion de leurs viscères assoupis, point n’est besoin de rêver Valmy, Jemmapes ou Rivoli.

     

    Si c’est juste pour être dans un club, un de plus, entretenir l’horizontalité repue des réseaux de connaissances, échanger des cartes de visite, envisager nominations, postes et prébendes, point n’est besoin de raviver les souvenirs de gloire, ceux des temps où les hommes étaient debout.

     

    Non, si c’est juste pour cela, la banalité du quotidien suffit.

     

    Pascal Décaillet