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Liberté - Page 1393

  • Gallaz-Bender : le Manitoba ne répond plus

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    Sur le vif - Lundi 16.08.10 - 19.20h

     

     

    Il fallait vraiment s’être levé de bonne heure et du bon pied, ce matin, n’avoir bu que de l’eau depuis hier soir, pour comprendre un traître mot au « débat » entre le sociologue de Fully Gabriel Bender et l’éminent chroniqueur Christophe Gallaz, il y a quelques minutes, à la RSR. Thème : les propos tenus hier soir, sur la même antenne, par Gallaz, à propos des Valaisans dans leur comportement face au loup. Cf notre chronique précédente, sur ce blog.

     

    Rhétoriquement, ces deux intellectuels de haut vol ont un point commun : si leurs écrits brillent de mille feux, à l’oral ils donnent plutôt l’impression d’une inexorable distillation de l'équation verbale jusqu’à la fermentation finale. Tellement surmaturée que, d’un coup sirupeux mais fatal, elle en endormirait nos sens. Ils parlent, nous n’entendons pas. Ils émettent, nous ne recevons pas. Le Manitoba est là, face à nous, mais il ne répond pas.

     

    A part ça, plein ce belles choses ont été dites, où se mêlent Chappaz et les araignées rouges, la confirmation définitive de la non-existence des Vaudois, la coulpe gallazienne lorsque le scélérat reconnaît être allé un peu loin hier soir, mais encore la Nouvelle Héloïse, une foule d’animaux sur l’alpe, disons l’Arche de Noé, et surtout le fantasme extatique que le canton de Vaud pourrait exister sans Lausanne.

     

    Pendant que les deux éminences du verbe rivalisaient dans l’art d’ajouter de belles inconnues à l’équation, le loup, quant à lui, courait. Et court encor.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • Gallaz est grand – Le loup est son prophète

     

    Sur le vif - Et sur un ton infantile et tribal - Dimanche 15.08.10 - 19.50h

     

    Refuser le loup, c’est ne pas avoir assez confiance en soi pour accepter l’altérité. Un comportement qui s’apparenterait à la xénophobie. Tel serait le Valais d’août 2010, encore au stade « infantile », voire « tribal », dixit sans rire le très adulte Christophe Gallaz, il y a quelques minutes, sur la RSR.

     

    À mesure que s’évaporaient dans l’éther les mots irrévocables de mon confrère, se dessinait une sacrée quintessence de paternalisme face à la réserve d’Indiens. Il y aurait, d’un côté, ceux qui ont compris le problème du loup, suffisamment évolués pour en accepter la réintroduction. De l’autre, toute la poisse préhistorique du carré de Mohicans. Ici, la communauté raisonnable des humains, là les pulsions d’archaïsme, irrationnelles, indicibles : « infans », celui qui ne parle pas ; « infantile », dixit Gallaz. À quand l’apparition de l’éminent chroniqueur sur l’alpage du Scex, il pourrait doucement caresser les cheveux des rustres vergers, leur susurrer qu’il les aime bien, mais qu’ils n’ont rien compris, juste une question de case dans le jeu de l’oie de l’évolution.

     

    Gallaz est fou, c’est ce que j’ai toujours adoré en lui, fou comme un loup jaloux, fou comme un pou porteur de bijoux, surtout qu’il ne change pas. Mais les bergers, eux, ne sont pas fous. Ils n’ont aucune envie de transformer leurs pâturages, où l’air est si libre, en camps fortifiés, avec barbelés, miradors, fauves de compagnie, sous le seul prétexte « qu’ils n’ont qu’à mieux garder leurs troupeaux », la phrase culte de ceux qui n’ont jamais mis les pieds sur l’alpage et, du confort de la ville, leur assènent la leçon avec morgue et mépris.

     

    La présence des bergers et de leurs troupeaux, l’été, dans les montagnes n’est pas acquise pour l’éternité. Elle provient du magnifique refus de quelques hommes de s’exiler vers la ville, pour tenter de vivre une autre vie, oh bien peu lucrative, solitaire, âpre et difficile. Après 17 heures, lorsque les remonte-pentes sont fermés, lorsque les derniers promeneurs sont redescendus, ils restent seuls, là-haut, avec leurs bêtes. Ils les nourrissent, les soignent, leur assurent une qualité de vie et de pâture qui n’a rien à voir avec les grands élevages intensifs de plaine. La qualité du lait, du beurre, des fromages s’en ressentent, tout le monde s’en félicite.

     

    Mais ce boulot-là, si leur vie devient un enfer et leurs nuits d’insoutenables veilles, ils ne le feront plus très longtemps. Ils en auront marre. Les troupeaux quitteront la montagne. L’homme aussi. L’âge d’or de la prédation darwinienne pourra renaître. Un avenir qui ressemble à s’y méprendre au passé. Avec la bénédiction des raisonnables, de ceux qui ont compris. Leur victoire sur le tribal, l’infantile. « Infans » : celui qui ne parle pas. Ce jour-là, oui, le grand silence règnera dans la montagne.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Doris Leuthard, la diva des tarmacs

     

    Sur le vif - Samedi 14.08.10 - 11.15h

     

    Je commence à en avoir plus qu’assez de voir Doris Leuthard sourire partout. En Chine, elle sourit. Hors de Chine, elle sourit. Partout, quelle que soit la gravité des situations, elle arbore. C’est l’extase, ininterrompue, du zygomatique.

     

    Oh, bien sûr, je préfère que mon pays soit présidé par une belle femme, souriante, classe, que par un vieux croulant mal fagoté, malodorant, qui passerait son temps à faire la gueule. Mais à force de trop mettre en avant cet atout marketing, et lui seul, le risque est énorme, dans les mois qui viennent, d’un renversement d’image, où la haute couture du paraître pourrait être placée, avec cruauté, face au prêt-à-porter des idées.

     

    Doris Leuthard est une très bonne conseillère fédérale, l’une des meilleures. C’est elle, puis surtout son successeur Christophe Darbellay, qui ont remonté le PDC après le coup de Jarnac contre Ruth Metzler, en décembre 2003. Après huit mille années de passe-murailles à la tête de ce parti, le film muet, noir et blanc, des années Cotti et Koller, il fallait bien la grâce de la fée et l’appétit du flandrin des glaciers. Dont acte.

     

    Mais là, la construction (par l’entourage ?) d’une image présidentielle sur la seule béatitude de l’apparition, une forme de pâmoison du tapis rouge, aboutit davantage à une divinité des tarmacs qu’à une cohérence d’Etat. Car enfin, de tous ces voyages, que retient-on ? Que Doris Leuthard sourit. Qu’elle est heureuse. Que la fréquentation des dirigeants chinois la ravit. Qu’elle trônera, en très belles robes (ça, oui, elles sont magnifiques), dès le lendemain dans les pages people des journaux suisses. Les people, oui. Et les pages politiques ? Que retiendront-elles de ce périple présidentiel ?

     

    Le résultat de cette politique de communication, c’est que l’immense majorité des Suisses, qui ne lisent (hélas) pas le Temps ou la NZZ, retiendront, au final, que la Présidente a fait un tour du monde heureux et souriant. On en est très content pour elle, et certes mieux vaut cela que d’apprendre qu’elle broierait du noir en regardant, recluse chez elle, des films suisses et en noyant son chagrin dans des vins argoviens.

     

    La question est : cette finalité au-delà du people, quasi-assomptionniste dans le jeu des apparitions, dépasse-t-elle les intentions de l’entourage ? Ou se contente-t-elle, simplement, d’en réaliser le plan marketing ? Si c’est la seconde solution, alors la mise en scène du tour du monde présidentiel apparaît davantage comme une vaste opération de propagande que comme de l’information.

     

    Pascal Décaillet