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Liberté - Page 1397

  • La faim du mois

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    Sur le vif - Et même à pleins crocs - Mardi 27.07.10 - 14.40h

     

    Bon d’accord, il avait faim. Il est parfaitement légitime, dans la vie, d’avoir faim. Qui d’entre nous n’a jamais eu faim ? Il a été saisi d’une petite fringale, alors il s’est précipité sur deux génissons de l’alpage du Scex, sur les hauteurs d’Aminona. Et il les a dévorés. L’un des deux a trépassé. L’autre, déchiqueté, il eût été préférable qu’il mourût.

     

    D’accord aussi, il n’a pas le salaire qui tombe à la fin du mois, ni chômage, ni sécurité de l’emploi, ni gîte, ni couvert. Être loup, c’est un état de noblesse, des essences de solitude à nulle autre pareilles, ça vous vaut l’amitié du fabuliste, l’admiration des lecteurs, le frisson du randonneur nocturne, l’éveil halluciné du chaperon au monde du désir. En sus (si j’ose), ça vous fait bêler de pâmoison les Verts des villes, et rien que cette intonation-là, ça vous délie les babines.

     

    Il n’a rien à lui, le loup, et surtout ni niche ni collier, jamais nul ne l’a dit mieux que deux vers de La Fontaine. Bien sûr, loup c’est mieux que chien. Tout le monde en convient. Même les Verts de la ville. Même les chiens eux-mêmes, à cause du poids de ce collier, pesant détail de servitude.

     

    Et puis loup, c’est littéraire. Chien, ça va limite pour la chansonnette. Mais, face à ces premiers princes du sang qui s’en viennent hanter les altitudes de nos alpages, attendre le câlin en bouffant du whiskas, en termes sartriens d’essence et d’existence, c’est un peu juste, vous ne trouvez pas ?

     

    Donc, le loup d’Aminona a fait son œuvre. Déjà, celui du Val Ferret, là où opèrent comme bergers des cousins à moi, n’avait pas spécialement fait dans la dentelle à l’heure du goûter. Ah, mais c’est qu’ils ont la dent longue, ces aristos de la prédation, et c’est justement ce retour darwinien des bonnes vieilles lois de la nature qui extasient tant les Verts de nos villes. Les bergers n’auraient qu’à mieux protéger leurs troupeaux, ah les rustres, incapables de clore et leur terrain et le dossier !

     

    Alors, va pour le loup, va pour le prince du sang. Adieu moutons, génisses, couvées, adieu le rêve de quelques hommes de s’accrocher, pour un salaire dérisoire, à cette montagne qu’ils aiment tant. Et bienvenue au loup. Willkommen, bienvenue, welcome ! À toi, mon loup d’amour, les herbes grasses de nos alpages. Avec la bénédiction des Verts de la Ville. Bienvenue. Et surtout, bon appétit.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Blocher, les ricaneurs, les moralistes

     

    Sur le vif - Dimanche 25.07.10 - 14.15h

     

    Il aura 70 ans le 11 octobre, n’a jamais été aussi jeune. Là où d’autres s’assoupissent, il veille. Au cœur de l’été, dans les colonnes du Matin dimanche d’aujourd’hui, il lance une offensive. Une initiative anti-adhésion. Oui, Christoph Blocher tient une forme d’enfer, comme il sied au diable, d’ailleurs il est le diable, le sait, en joue, et des entrailles du néant, brille de mille feux. Bref, Blocher fait du Blocher : c’est dans ce rôle qu’il excelle.

     

    Dans son combat contre l’Union européenne, le vieux lion est parfaitement clair, cohérent, il a défini une stratégie à très long terme, s’y tient contre vents et marées, se contrefout de ce qu’on dit de lui. Il est debout. Il se bat. Les aigris, les ratiocineurs ricanent. Ou font la morale. Ils ne savent faire, à peu près, que cela. Pendant ce temps, lui, dans un terrain qu’il étudie depuis quarante ans et dont il connaît chaque anfractuosité, conquiert patiemment des positions, les tient, progresse. Il n’est pas Masséna, ni Joffre, ni Nivelle : contrairement aux apparences, il est loin d’être l’homme des grandes offensives. Il serait plutôt celui de la guerre de position, tranchée après tranchée. Il n’a pas peur du temps qui passe.

     

    Je les entends encore, ceux qui l’annonçaient comme mort au soir du 12 décembre 2007, suite au pronunciamiento parlementaire qui avait combiné sa perte. Il aurait fallu ne plus jamais parler de lui, dissoudre jusqu’à la mémoire de ce qu’il avait été. Eh bien non, le fauve est toujours là. Le vrai chef de l’UDC c’est lui. Le diapason des prochaines élections fédérales, c’est lui qui le tient. Et alors que Pascal Couchepin, qui avait cru judicieux de le traiter de Duce, somnole dans d’improbables conseils de fondation, il se trouve, lui, au cœur du dispositif de bataille pour octobre 2011. La politique est un démon. Son démon à lui, simplement, doit être plus puissant que d’autres.

     

    Et puis, ils ont été quelques-uns, depuis sa mort, à tout entreprendre pour sa résurrection, un véritable comité de soutien. M. Steinbrück, en Allemagne. M. Woerth, en France, ah Monsieur Woerth, sublime allié, l’homme dont chaque péripétie fait grimper encore un peu plus les intentions de vote UDC à l’automne de l’an prochain ! L’autre allié, en Suisse, étant évidemment Christian Levrat, jamais meilleur ami de Blocher que lorsqu’il embrasse, avec ardeur et dévotion, ce que beaucoup, dans le peuple suisse, perçoivent comme le parti de l’étranger. Se sont-ils donné le mot, MM Steinbrück, Woerth et Levrat pour que le parti de Blocher s’en aille allègrement flirter, d’ici moins de quinze mois, avec la barre des 30% ?

     

    Dès ce soir, sur les ondes, je vous le donne en mille, vous entendrez parler de lui, comme le chantait si divinement Barbara. On le raillera. On le vilipendera. On trouvera trente-six mille arguments pour pulvériser son initiative anti-adhésion. Mais son nom, maintes fois, sera prononcé. Et sa figure, avec une récurrence d’éternité, resurgira. À ses ennemis, il faudrait peut-être la croix, ou quelques gousses d’ail, le tressautement d’un Vade Retro, ou alors le napalm, on brandit les armes qu’on peut. Quand ils les auront toutes utilisées, en vain, il leur restera les ultimes bottes de Nevers où ils sont passés maîtres : le ricanement et la morale.

     

    Alors ricanez, Messieurs. Moralisez. Et rendez-vous en octobre 2011.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Ecône : non merci

     

    (Je republie ici une chronique parue le 8 février 2009 dans le Matin dimanche. Je la dédie à l'abbé Yannick-Marie Escher, passé brutalement de Saint-Maurice à Ecône (un autre Matin dimanche, celui d'aujourd'hui, nous l'apprend). Je regrette infiniment sa décision, car le chanoine Escher, que j'ai l'honneur de connaître et avec qui il m'arrive de correspondre, est un homme d'une valeur spirituelle et intellectuelle, mais aussi d'une richesse de contact, au-dessus de la mêlée. Ce sont précisément le monde des vivants, celui des élèves, de l'éducation qui ont besoin de gens comme lui. Plutôt que quelque forteresse figée dans la nostalgie.)

     

    Ecône: non merci

     

    Le Matin dimanche, 8 février 2009.

     

    Je suis catholique, j’ai aimé Jean-Paul II, le chemin de déraison de cet homme contre l’implacable mathématique du néant. Catholique, mais aussi républicain, ce qui est parfaitement compatible, seuls quelques théocrates prétendent le contraire. D’où mon problème, depuis toujours, avec certains milieux – je ne parle pas des fidèles de base – liés à la mouvance d’Ecône.

     

    Le problème des intégristes n’est en aucun cas le latin. Psalmodiée, cette langue est magnifique. De sa braise, elle illumine les âmes. Et, pour ma part, que l’officiant regarde l’assemblée ou lui tourne le dos, il me semble qu’il est, sur cette terre, d’autres urgences à trancher. Donc, liturgiquement, j’ai toujours été pour qu’on laisse en paix les gens d’Ecône.

     

    Non, le vrai problème n’est pas là. Il est à défricher dans l’humus et le terroir où s’enracinent les références politiques de ce mouvement. Et là, je veux bien que le père de Mgr Lefèbvre ait été résistant, ce que me signale mon ami Vincent Pellegrini, je dois tout de même citer ici la « messe de Lille », du 29 août 1976, où l’éminent prélat affirme « qu’on ne peut dialoguer ni avec les francs-maçons, ni avec les communistes, car on ne dialogue pas avec le diable ». Bon. Voilà. C’est clair. On sait à quelle France on a affaire.

     

    Il ne s’agit pas ici de la fleur de lys. Ni même de la contestation du legs révolutionnaire : d’éminents penseurs s’en firent les chantres. Non. Il s’agit juste de rappeler aux jeunes générations à quoi cette idéologie-là, lorsque la pire défaite de l’Histoire de France, pour quatre ans, la porta au pouvoir, conduisit. Et là, je persiste et signe : in fine de cette mouvance-là, il y eut Drancy, et la déportation. Dire cela, je le sais, choque les fidèles d’Ecône d’aujourd’hui. Eh bien tant pis, choquons-les. S’ils pouvaient parfois, entre deux missels, ouvrir un livre d’Histoire, nous pourrions un jour, peut-être, recommencer à discuter.

     

    Pascal Décaillet