Sur le vif - Dimanche 08.08.10 - 11.09h
Que le journalisme doive être école de doute et de contradiction, de refus des évidences, nous sommes tous d’accord. Mais de là à laisser passer, sans réagir, l’hallucinante page 3 du Matin dimanche d’aujourd’hui, « Tout plaide contre Karin Keller-Sutter », désolé mais non. Nous ne laisserons pas passer.
Dans ce papier, mes excellents confrères Stéphanie Germanier et Titus Plattner s’échinent à nous brosser le portrait d’une personnalité dépassée, surestimée, et surtout monomaniaque du thème sécuritaire. Le tout accompagné, Gott sei dank, d’une excellente photo en trench-coat style « Un homme et une femme », années soixante. Cette iconographie mariale mise à part, l’opération du Matin dimanche est une démolition.
Il est impossible de dire, en ce dimanche 8 août, si KKS sera élue ou non, le 22 septembre, à la succession de M. Merz. Trop d’incertitudes, trop de coups de Jarnac possibles, sans compter la détestable propension du Parlement à porter au pouvoir des souris grises, des tempéraments « collégiaux », « respectueux du législatif », polis, qui surtout ne fassent pas trop d’ombre au tranquille pouvoir de la caste appelée « députation ». Dernier épisode en date, étincelant comme une nuit sans lune : l’élection de Didier Burkhalter. Dont certains prétendent qu’il est conseiller fédéral, mais il ne faut pas trop croire ce que racontent les gens.
Elle sera ou non conseillère fédérale, mais ce qui est sûr, c’est qu’elle est la meilleure. Une dauphine pur-sang, aussi vrai que Pascal Couchepin l’était en 1998. Justement parce qu’elle dérange. Elle décide. Elle assume l’impopularité. Elle a une ligne. Elle sait se vendre. Alors, bien sûr, tout ce qu’une certaine Suisse déteste : la graine d’une personnalité très forte. Remuante. Qui ne se gênerait pas, une fois élue dans le collège, de donner son avis sur les dossiers des six autres. Plus qu’il n’en faut pour activer au rouge toutes les sirènes, pour laisser hurler toutes les stridences de la traquillitlé confédérale. Dont Didier Burkhalter se révèle le puissant chantre muet, une sorte de ténor de l’indicible, ce qui n’est d’ailleurs pas grave, puisqu’il ne dit jamais rien.
Radicale ou non, homme ou femme, romande ou alémanique, la Suisse a besoin, pour la succession de M. Merz, d’une personnalité forte. Un tempérament exécutif affirmé. Un dérangeur. J’ajoute que, dans l’intérêt même de son parti, cette personne doit provenir de la droite conservatrice. C’est à l’UDC que les libéraux-radicaux doivent l’élection, en septembre 2009, de l’un des leurs. Il serait bon qu’ils s’en souviennent. Il convient aussi de garder à l’esprit que la majorité fédérale issue des urnes, en octobre 2007, exige très clairement une politique de droite. Politique que M. Merz, en termes de lutte contre l’endettement, a d’ailleurs appliquée avec un succès nous plaçant bien plus haut que les chers voisins qui, sous des dehors de moralité fiscale, entreprennent tout pour nous plumer comme des oies.
Quant à l’aile ultra-minoritaire des libéraux-radicaux suisses qui croit à l’urgence d’une adhésion à l’Union européenne, c’est évidemment son droit. Mais ce combat-là va tellement à rebrousse-poil de la volonté actuelle du peuple suisse que l’installation de l’un de ces croisés au gouvernement fédéral apparaîtrait comme une singulière provocation.
En résumé, une candidature de Karin Keller-Sutter apparaît comme vivement souhaitable. Plus encore : un soutien sans faille de son parti, de Genève à Romanshorn. Que cela plaise ou non à la caste parlementaire. Ou à la presse dominicale.
Pascal Décaillet