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Liberté - Page 1299

  • Jack Lang : des fragments qui déçoivent

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    Notes de lecture - Dimanche 08.05.11 - 09.22h

     

    Bien sûr, ce livre-là n’est pas « Les Chênes qu’on abat », il n’est d’ailleurs pas question qu’il le soit, est c’est tant mieux : François Mitterrand n’est pas de Gaulle, Jack Lang n’est pas Malraux, il est des collines plus inspirées que d’autres, des lieux où souffle l’esprit, des plumes habitées par la grâce, d’autres moins.

     

    Oui, le livre de Jack Lang sur Mitterrand, acheté hier midi, lu dans l’après-midi, me déçoit. En apercevant la couverture, on se dit que la conjonction de l’auteur (l’un des deux plus grands ministres français de la Culture) et de l’objet du récit doit nécessairement engendrer des étincelles. Eh bien non. Le miracle ne se produit pas. Question d’étiquette. La bouteille arbore un grand cru, la dégustation révèle un nectar honnête. Sans plus.

     

    Jack Lang fut un très grand ministre. Après la désolation culturelle des années giscardiennes, il a réveillé la vieille ambition d’Etat d’encourager les arts, a conduit de grands projets, n’avait pas son pareil pour organiser d’immenses manifestations populaires, des sortes de Fêtes de la Fédération. Son nom, dans l’Histoire, demeurera. Il fut aussi un mitterrandolâtre, le grand propagandiste coloré du régime à la rose, un metteur en scène à l’échelle de la nation. C’est le revers de la Fête révolutionnaire : le culte de l’Être suprême.

     

    Pourquoi le livre déçoit ? Parce que ces « Fragments de vie partagée » nous apprennent, au final, peu de choses nouvelles. Dans une biographie arpentée, sillonnée au plus près. Pentecôte à Solutré, parfum des pins landais de Latche, discours de Nevers sur les chiens, itinéraire initiatique dans le labyrinthe du Panthéon, tout cela, tant de fois, nous fut déjà raconté : même le lecteur le moins averti le connaît par cœur. D’un homme comme Lang, proche parmi les proches, on aurait attendu l’irruption d’une intimité plus profonde, non pour dévoiler, mais pour approcher, d’un peu plus près encore, comme face à l’énigme d’une relique, le mystère de François Mitterrand. Dans le livre, ça n’est guère le cas, et c’est dommage.

     

    Jack Lang a-t-il trop attendu ? Ou plutôt, son héros ne lui aurait-t-il, au fond, beaucoup moins livré qu’on ne l’imaginerait ? Oui, le Mitterrand de ces « Fragments » se dérobe plus qu’il ne se révèle, garde pour soi plus qu’il ne donne, reléguant le narrateur, tout prestigieux qu’il soit, au rang de spectateur d’une énigme. Vous me direz que c’est déjà beaucoup. Face au sphinx, faut-il s’attarder, ou passer son chemin ? Bonne lecture, tout de même !

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Du PDC au néant, en voiture, SVP !

     

    Sur le vif - Samedi 07.05.11 - 09.18h

     

    Dans un article incroyablement profond du Matin d’aujourd’hui, l’ex-candidat PDC à la Mairie de Genève envisage de supprimer le mot « chrétien » du nom de son parti : beaucoup de jeunes ne se reconnaîtraient pas dans ce mot.

     

    Michel Chevrolet a raison. Mais il devrait aller plus loin. À quoi bon conserver le mot « démocrate »? Tout le monde aujourd’hui, Dieu merci, est démocrate. C’est comme lorsqu’on vend de belles oranges : aux orties, les mots inutiles !

     

    On peut donc, aisément, supprimer les mots « chrétien » et « démocrate ». Et conserver le seul trait d’union. On demandera à Jean-Pierre Jobin, un membre éminent du parti, un nouveau logo (pas plus cher qu’un apéro), on fera de ce trait d’union un monde en soie, on allègera tellement le bagage conceptuel du parti qu’il n’en restera – cette fois, vraiment – plus rien.

     

    Perdre du poids, c’est bien. Reste le défi suivant : apprendre à disparaître. Vaste défi. Et la promesse de plein d’articles passionnants dans le Matin.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Il y a juste trente ans, « l’homme du passif »

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    Notes de lecture - Jeudi 05.05.11 - 17.22h

     

    Deux hommes, face à face. Deux fauves. Deux calibres. C’était il y a, jour pour jour, trente ans. C’était Giscard face à Mitterrand, épisode 2. Leur première rencontre, sept ans auparavant, avait été gagnée par le Giscard du « Monopole du cœur ». La revanche, ce mardi 5 mai 1981, sera clairement remportée par Mitterrand. Je viens, ce matin, de visionner l’intégralité de ce duel sur le site de l’INA. Je ne l’avais plus revu depuis trente ans. C’était hier. Ma jeunesse. Printemps d’exception. Dont j’ai souvent parlé, sur ce blog. Et que je revis intérieurement, au fil de mes lectures, au fur et à mesure qu’approche l’anniversaire du 10 mai.

     

    L’occasion, comme promis, de vous dire quelques mots du livre de Moati. C’est un ouvrage attachant. Celui d’un homme qui a vécu de très près la montée en force de François Mitterrand entre 1965 (première candidature contre de Gaulle, en décembre), 1971 (la prise de pouvoir sur le parti, au congrès d’Epinay, magnifiquement raconté au chapitre 10), et la victoire du 10 mai 1981.

     

    Le débat du 5 mai, Moati le connaît d’autant mieux que c’est lui, avec quelques autres, qui en a fixé les règles. Incroyablement coercitives, d’ailleurs, des histoires de plans ce coupe, de régies, de réalisation, que Giscard, président sortant et réputé bien meilleure bête de télé que son challenger, a fini par accepter. Beaux chapitres, les 26 et suivants, qui racontent, par le menu, ce second (il n’y en aura plus d’autre) duel entre les deux hommes. Où Mitterrand a-t-il gagné, à quel moment ? Il est convenu de retenir l’estocade « Vous êtes devenu l’homme du passif », allusion à « l’homme du passé » lancé par Giscard, de dix ans le cadet, en 1974.

     

    Magnifique jeu de syllabe, c’est vrai. Mais la victoire de Mitterrand, je m’en suis rendu compte ce matin, est beaucoup plus ample, elle est continue, se confirme, devant Michèle Cotta et Jean Boissonnat (les meneurs), sur l’ensemble du débat. François Mitterrand, qui a une revanche à prendre, domine. Il surmonte son complexe d’infériorité télévisuel face à Giscard, déjoue tous les pièges, se révèle de plus en plus présidentiel alors que s’écoule le débat, gagne aux points. Nettement. Cinq jours plus tard, il l'emportera devant le peuple de France. Entrera dans l’Histoire.

     

    Tout cela, et tout son parcours aux côtés de l’homme d’Etat, Moati le raconte. Avec des moments de lumière et d’abandon, d’entourage et de solitude (comme lorsque, patron de chaîne, il devra aller rechercher Guy Lux, jeté à l’écart). Il parle aussi de lui, sa jeunesse tunisienne, ses parents trop tôt disparus, et ce livre, écrit avec un bel humour, mérite le détour. En tout cas pour tous ceux qui, comme votre serviteur, demeurent comme envoutés par la magie de cette époque. Nostalgie, non du socialisme, encore qu’il ait apporté d’indispensables réformes. Mais de cet homme d’exception, ce magicien, ce voyou génial de la politique et du verbe. François Mitterrand.

     

    Pascal Décaillet

     

    "30 ans après", par Serge Moati, Seuil, mars 2011, 330 pages.