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Liberté - Page 1300

  • Anne Bisang : les vrais enjeux d'un parachute

     

    Sur le vif - Samedi 16.07.11 - 10.48h

     

    À Genève, il est très clair que l'affaire du « parachute » de 200'000 francs prévu pour la reconversion d'Anne Bisang, à charge de l'Etat et de la Ville, ne passera pas comme cela. La violence des réactions, depuis la révélation de cette affaire, hier, par la Tribune de Genève, obligera ceux qui ont ourdi cet octroi à une démarche de transparence et d'explications autrement plus sérieuse que les gentilles réponses - aux gentilles questions - de Joëlle Comé, directrice du Service cantonal de la Culture, dans le Temps de ce matin.

     

    Bizarrement publiée dans les pages culturelles (alors que l'affaire, impliquant l'argent du contribuable, et des nœuds de copinage partisans, est éminemment politique), cette interview ne brille pas franchement pas par son sens critique, encore moins par sa polyphonie (une seule voix, pas du tout contrariée). Elle n'est accompagnée d'aucune mise en perspective. Bref, pour un journal qui se veut celui de l'analyse et de l'intelligence, c'est un peu juste.

     

    Dans cette affaire, ça n'est pas tellement Anne Bisang qu'il faut incriminer. Mais un certain réseau de proximités socialistes de plus en plus puissant et consanguin, au niveau cantonal, dans la gestion des affaires culturelles. Sans compter que, désormais, la Culture municipale, plus de 200 millions de budget annuel, est passée aussi en mains socialistes. Il ne s'agit pas d'instruire un procès d'intention à Sami Kanaan, manifestement homme de valeur et d'honnêteté. Mais de constater - nous l'avons déjà fait ici, ce printemps - que l'ensemble des décisions publiques culturelles à Genève, pour deux ans en tout cas (le terme du mandat de Charles Beer), sera dans le pouvoir d'un seul parti. En République, ça n'est jamais très bon.

     

    Le risque d'abus, de République des copains (et des copines), de petits services entre soi rendus, est énorme. C'est à cela, dans les mois qui viennent, qu'il va falloir veiller. Ce sera, notamment, le rôle des commissions de contrôle parlementaires. Un Parlement, qu'il soit municipal, cantonal ou fédéral, n'est jamais aussi grand que lorsqu'il sourcille, s'étonne, demande des explications, vérifie, dénonce. C'est cela, son rôle historique, et non élire l'exécutif.

     

    Oui, cette affaire est politique, elle n'a rien de culturel. La principale intéressée n'a-t-elle pas, constamment, pendant ses douze ans à la tête de la Comédie, prôné la politisation de toute chose ? Avec Brecht et Aristote, nous lui donnons raison. Mais, dans le cas d'espèce qui nous intéresse, elle devra aussi, même à son corps défendant, accepter ce primat.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Les larmes de Massimo

     

    Sur le vif - Vendredi 15.07.11 - 19.32h

     

    J'ai beaucoup de respect et d'amitié pour Massimo Lorenzi, le chef des sports à la RTS, mais ses larmes, à l'instant dans Forum, n'y pourront rien changer. L'achat, pour 30 millions, des droits de retransmission des matches de Super League par Swisscom TV, relève de la pure loi du marché, n'a strictement rien de scélérat, fait partie de la vie. Il ne porte strictement nulle atteinte au domaine régalien du service public, pour peu que ce champ fantasmatique de virginité doive d'ailleurs exister. Il n'y a pas, d'un côté, un service public qui ferait éthiquement son boulot en matière de sports, et de l'autre les ignobles privés qui ne penseraient qu'à l'argent. Il s'agit de montrer des matches de foot, pas de sauver, que je sache, le cœur mystique de notre nation. À cet égard, Massimo a eu des mots beaucoup trop durs, arrogants même, face aux commentateurs de Swisscom TV : je connais, parmi ces derniers, certains des meilleurs journalistes sportifs du pays.

     

    C'est sûr, pour Swisscom TV, c'est un coup de maître. De loin, l'attaque la plus dévastatrice du privé contre la SSR de Roger de Weck, parce qu'elle porte sur des sommes considérables, va aiguiser chez d'autres des pulsions de concurrence. Je pense, particulièrement, aux chaînes régionales privées, qui doivent maintenant se réveiller, ne plus se considérer comme de timides petites sœurs, porter l'attaque, même avec cent fois moins de moyens. Le récent papier de Christophe Rasch, directeur de la Télé, dans le Temps, relayé par son homologue Antoni Mayer, de Léman Bleu, avait les délicieux accents salés d'une déclaration de guerre. Cette guerre, mille fois justifiée par une loi sur la radio et la télévision (LRTV) taillée sur mesure pour le Mammouth, les privés doivent maintenant la mener.

     

    Regarder un match de foot gratuitement ne fait pas partie des droits imprescriptibles de la personne humaine. Sur Swisscom TV, on paiera Fr. 2.50 par match, c'est plus que raisonnable ! Et c'est une forme de redevance intelligente, puisqu'elle est ciblée sur le produit consommé, et non versée à l'aveugle, comme les 463 francs annuels versés par chacun d'entre nous à la SSR.

     

    La concurrence ne doit évidemment pas se cantonner aux droits de retransmissions sportives. Dans les émissions politiques, les débats citoyens, la culture, l'économie, les antennes privées doivent se battre, montrer, sur leurs terrains respectifs, qu'elles existent. Même avec des moyens dérisoires : l'argent ne viendra, de la part des milieux économiques locaux, que si les investisseurs sentent dans ces chaînes une volonté de faire la guerre. Sinon, elles disparaîtront. Ainsi fonctionne la concurrence : dure, cruelle, mais tellement stimulante pour qui aime entreprendre.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Anne Bisang saute sur Dien Bien Phu

     

    Sur le vif - Vendredi 15.07.11 - 11.52h

     

    Sans doute inspirée par l'œuvre de Maxime le Forestier, Anne Bisang va donc entamer une carrière de parachutiste. Dixit mon excellent confrère Marc Moulin, Tribune de Genève, ce matin. Si mon rêve n'avait été, toute ma vie, à l'instar de Dutronc, d'être une hôtesse de l'air, je crois bien que j'adorerais, ici-bas, être ancienne directrice de Comédie. Jouissance de l'apesanteur. Ivresse de la chute libre, juste pour le fun, mais très vite, étreinte des sangles protectrices, lorsque se déploie le champignon salvateur. Et là, plus qu'à se laisser choir. Vers quelles rizières ? Quel Cotentin ?

     

    Trop profane en gravitation, je m'abstiendrai de commenter la surgissante verticalité de cette nouvelle. Je me contenterai, simplement, de relire le livre « Bienvenue en République Socialiste Culturelle de Genève », que personne n'a encore écrit. Mais dont tout le monde, hélas, comme dans les rizières d'Indochine ou l'azur nimbé du Cotentin, connaît déjà la chute.

     

    Pascal Décaillet