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Liberté - Page 1055

  • Séance spéciale : à quoi joue M. Droin ?

     

    Sur le vif - Mardi 29.04.14 - 09.31h

     

    Une séance spéciale sur le CEVA et les SIG, le 17 mai, ridiculement ramenée à deux heures, un sec rappel (dans la TG de ce matin) du champ très étroit auquel devront se limiter les débats, tout se passe comme si Antoine Droin, le président du Grand Conseil, entreprenait toutes choses pour réduire la portée de cette séance. Juste se limiter au minimum syndical du règlement. Pour une session que lui et les siens n'ont pas voulue. Normal : elle fut demandée, et obtenue, par les bancs adverses.



    Cela n'est pas son rôle. La mission du Grand Conseil est précisément de contrôler l'activité du gouvernement, de l'administration et des régies publiques. Le premier d'entre eux, l'homme du perchoir, devrait justement être celui qui, par son autorité rayonnante et sa pugnacité, favoriserait au maximum la capacité du Parlement à établir cette tâche. Faut-il rappeler qu'en démocratie, les pouvoirs sont séparés ? Les intérêts supérieurs du Parlement, sa mission de représentation populaire, son devoir de contrôle, l'amènent parfois à se trouver en litige avec le gouvernement.



    Loin d'être grave, cette dialectique de confrontation est au coeur de la démocratie. Rien de plus méprisable qu'une Chambre d’enregistrement, un Parlement croupion, des député(e)s groupies, ne jurant que par leurs ministres. Rien de plus admirable, au contraire, qu'un groupe parlementaire, ou des individus, osant s'attaquer à leurs propres magistrats exécutifs, parce qu'ils le jugeraient nécessaire à l'établissement d'une transparence démocratique.



    Le président du Grand Conseil a-t-il lu Montesquieu ? S'est-il pétri d'Histoire en prenant connaissance des différentes réalités parlementaires à travers les âges, Chambre bleu horizon de 1919, Chambre de la peur en juin 1968, Parlements de cohabitation (souvent les meilleurs), etc ? M. Droin est-il là pour défendre au maximum la capacité d'action de l'institution dont il a la charge, ou juste pour savourer le bonheur, ouaté de consensus et de bonne entente avec tous, de vivre sa fonction ?



    M. Droin a-t-il intégré qu'il n'était pas spécialement à ce poste pour "bien s'entendre" avec le Conseil d'Etat, mais parfois pour lui résister ?. Dans les cas, comme justement le CEVA ou les SIG, où il y aurait, de la part de l'exécutif, volonté d'obturation. Ramener au minimum syndical de deux heures une séance qui aurait dû avoir la durée nécessaire à une catharsis de vérité, c'est accepter la session spéciale en se bouchant le nez. Juste parce qu'elle a été demandée, et obtenue, par des partis (MCG et UDC) que M. Droin n'aime pas.



    Déjà lorsque le président du Conseil d'Etat, François Longchamp, avait eu l'incroyable arrogance de demander un vote nominal, la présidence du Grand Conseil aurait dû immédiatement, en public et à voix très haute, lui rappeler que le mode de scrutin du Parlement était du ressort des députés, et non d'un ministre. Cela s'appelle la séparation des pouvoirs. L'actuel président du Grand Conseil, si gentil avec tout le monde, à commencer par les gentils ministres, connaît-il seulement ce concept ?

     

    Pascal Décaillet

     

  • CEVA et SIG : séance du Grand Conseil justifiée

     

    Sur le vif - Lundi 28.04.14 - 12.54h

     

    Annoncée ce matin par la RTS et décidée par le Bureau du Grand Conseil (MCG et UDC ont réuni les 30 signatures nécessaires), la séance spéciale du Parlement cantonal, le samedi 17 mai prochain, sur le CEVA et les SIG, est parfaitement justifiée.


    Il est totalement normal que le peuple, à travers ses élus législatifs, demande au Conseil d'Etat toute la lumière sur le retard dans le chantier du CEVA, et surtout la manière dont a été, l'automne dernier, reportée la communication sur ce retard. Pour des raisons politiques et électorales, à l'évidence. Raisons qui sont d'ailleurs libellées comme telles dans le PV du Comité de pilotage CEVA du 18 octobre 2013, 14.15h, que bon nombre de journalistes (dont votre serviteur) possèdent.


    De même, les investissements hasardeux des SIG dans l'éolien, mais aussi (on l'a appris ce week-end) dans la fibre optique, doivent faire l'objet d'investigations de responsabilités en profondeur et en précision. C'est précisément la tâche du Grand Conseil de contrôler l'activité du gouvernement, de l'administration et des régies.

     
    Les MCG et l'UDC étaient pleinement habilités à exiger cette séance spéciale. Qu'ils aient été les seuls à la demander est plutôt inquiétant, et en dit long sur la seule vraie fonction du CEVA: permettre la survie des réseaux politiques qui se sont partagés postes et prébendes, à Genève, depuis des décennies.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Jean-Paul II et le travail : un texte lumineux

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    Sur le vif - Dimanche 27.04.14 - 17.26h

     

    Je fais partie de ceux qui, du vivant de Jean-Paul II, au moment où ce pape était loin d’être aussi populaire que la sainte mémoire d’aujourd’hui, avaient pris parti pour lui. Je l’ai fait à la RSR, dans des commentaires. Dans l’Hebdo. Sur le plateau d’Infrarouge. Dans la Revue jésuite Choisir, dont j’étais chroniqueur. Dans mon livre « Coups de Griffe » (Editions Saint-Augustin, 2006), où je recense, avec François-Xavier Putallaz et Nicolas Buttet, une décennie de chroniques au Nouvelliste. Défendre ce pape, dans l’horizon éditorial de la Suisse romande, n’a pas toujours été simple. Il fut un temps où nous étions très minoritaires. Même si je dois reconnaître que les dernières années de Jean-Paul II, disons de 2000 à 2005, cela fut plus facile : le pape était malade, combattait avec un incroyable courage, avait eu des mots très forts sur la dignité des travailleurs, si bien que le cercle de ses partisans avait augmenté.

     

    En préparation de l’importante journée d’aujourd’hui, j’ai relu mes éditos de l’époque, et me suis rendu compte que, sur plus d’une décennie (1995-2005), l’immense majorité d’entre eux portaient sur le monde du travail. Je n’ai jamais été un spécialiste des questions morales, ni des sujets de société, mais le rapport de l’Eglise catholique au travail m’a toujours passionné. Je crois bien avoir tout lu ce qui était possible de lire sur Léon XIII (1878-1903), et son Encyclique Rerum Novarum (1891), qui définit, en pleine Révolution industrielle, la Doctrine sociale de l’Eglise. Un texte majeur, qui tente une réponse chrétienne, non marxiste, aux questions cruciales posées par l’émergence du prolétariat ouvrier. Faut-il rappeler qu’à cette époque, qui est aussi celle de Jaurès, les enfants travaillent dans les mines, et les adultes y meurent avant la cinquantaine ? Nulle protection sociale, nulle retraite (si ce n’est, balbutiantes, dans l’Allemagne bismarckienne). Immense fut l’influence de Rerum Novarum. En Italie, bien sûr. Mais aussi en France, avec une aventure éditoriale comme le Sillon, de Marc Sangnier. Ou la Revue Esprit, d’Emmanuel Mounier. Mais encore au Portugal, au Brésil, en Belgique, et en Suisse.

     

    Laborem exercens : un texte majeur

     

    Or, il est peu relevé – trop peu aujourd’hui, y compris à l’intérieur de l’Eglise – que Jean-Paul II a produit, en 1981, 90 ans après Rerum Novarum, un document aussi important pour notre époque que l’Encyclique de Léon XIII, pour la sienne. Ce document, l’Encyclique Laborem exercens, le penseur catholique et excellent connaisseur du pape polonais Yves Semen a eu l’heureuse idée de nous inviter à sa lecture, en le parsemant de citations dans son petit livre « Une année avec Jean-Paul II », que viennent de publier les Presses de la Renaissance. Du coup, hier, ayant ce livre dans les mains, et une lecture en appelant une autre, je me suis replongé dans Laborem exercens.

     

    Je connais peu d’Encycliques (à part justement Rerum Novarum) où je puisse me reconnaître dans chaque ligne. En sa troisième année de pontificat, le pape Wojtyla nous y parle, d’une façon simple et bouleversante, du monde du travail. Le travail, dans la vie de l’être humain. Le travail, comme réalisation. Le travail, dans sa primauté nécessaire face au Capital et aux puissances de l’argent. Le travailleur, quel qu’il soit, et si modeste soit sa tâche, comme personne, « sujet efficient, véritable artisan, créateur » (Laborem exercens, no 7). « L’erreur de l’économisme, poursuit l’Encyclique au chapitre 13, consiste à considérer le travail humain exclusivement sous le rapport de sa finalité économique ».

     

    Appel au respect absolu des travailleurs

     

    Bref, dans ce texte, en forme de prélude, une annonce de tous les thèmes qui seront ceux des dernières années de Jean-Paul II : défense et illustration de « l’économie réelle », au service de l’humain et de son accomplissement, condamnation de l’enrichissement facile par les jeux de la finance virtuelle, appel au respect absolu des travailleurs, notamment des migrants, naturellement moins protégés. Faut-il rappeler que c’est sous ce pontificat, autour de l’an 2000, que s’exercèrent avec le plus de violence inégalitaire les ravages de l’économie de casino ? Nous en sommes un peu revenus. Il y a encore tant à faire.

     

    Je peine à comprendre que l’Eglise catholique, si prompte à s’autocélébrer et s’autocanoniser, ne mette pas davantage en avant ces mots si forts de Jean-Paul II sur le monde du travail. Ils sont pourtant, sur les femmes et les hommes d’aujourd’hui, oui avril 2014, d’une incroyable puissance de résonance. Ils nous parlent de nous, de notre humanité, notre dimension de personne, au milieu des activités rémunérées que nous accomplissons. Ils proclament l’égalité de tous. Ils revalorisent les métiers méprisés. Ils appellent le patronat à exercer sa responsabilité sociale. Ils valorisent la production, l’invention, l’enthousiasme, l’amour de la belle ouvrage, et condamnent sans appel l’exploitation de l’homme par l’homme. Ils exigent des rémunérations « justes ». Il n’y est pas question de salaire minimum, mais je ne suis pas sûr qu’on en soit très loin. Surtout, dans la droite ligne de Léon XIII, ils proposent une réponse non marxiste, non matérialiste, aux injustices et aux inégalités. Personnellement, depuis mon plus jeune âge, cela me parle. En profondeur.

     

     

    Puisse la journée de commémoration d’aujourd’hui, puissante dans sa fonction de symbole et d’évocation, nous amener à relire ce texte. Parmi d’autres, bien sûr. Je n’ai nulle vocation à me prononcer sur la sainteté des uns et des autres. Ni sur la métaphysique. Mais la mise au point, l’aggiornamento 1981, sur ce que doit être le travail dans une société humaine, cela rejoint, avec force, le cœur de mes préoccupations.

     

     

    Pascal Décaillet