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Liberté - Page 1053

  • La Suisse, ça vous intéresse ?

     

    Chronique publiée dans "Tribune" (Le Journal du PLR vaudois) - No2 - Mercredi 19.02.14

     

    J’avais plaidé ici même, ces dernières semaines, pour le oui à l’initiative de l’UDC sur les migrations massives. C’est donc avec satisfaction, le 9 février, que j’ai accueilli le verdict du peuple et des cantons. Nous n’allons pas refaire la campagne, mais il est certain que les élites ont failli. En tentant constamment de nous faire peur avec les réactions de l’Union européenne, le Conseil fédéral, l’immense majorité de la classe politique, les organisations patronales ont négligé d’écouter la souffrance des Suisses qui n’ont pas bénéficié d’un partage de la croissance. Car ces fameuses glorieuses de la dernière décennie, il n’est pas sûr qu’elles aient profité à tous. Le cas du Tessin est flagrant. Mais aussi, en considérant la carte du vote avec un peu d’attention, les oubliés de la prospérité. Suisse orientale contre Suisse occidentale, Suisse des villes nanties contre Suisse de la périphérie, zones rurales délaissées : les lignes de fracture sont aussi révélatrices que passionnantes.

     

    Cette Suisse, il faudra peut-être que nous commencions à nous intéresser à elle. Exactement ce que les rédactions de Suisse romande, dès les heures qui ont suivi le résultat, ont négligé. Elles ont fait quoi ? Elle se sont tournées, tétanisées, en palpitation, à l’affût de la moindre réaction « d’inquiétude » de Bruxelles, de Paris, de Rome ou de Berlin. Il fallait être les premiers, dès le dimanche soir et pendante toute la journée du lundi, à s’en aller quérir servilement les mots de morgue et de condamnation du peuple suisse, souverain, par les apparatchiks des chancelleries d’Europe. Il fallait être les premiers à orchestrer la musique des protestations de tel Commissaire européen, telle ministre italienne, tel Fabius « inquiet », tel économiste nous prédisant « de grandes difficultés ». Oui, il fallait se fournir en verges, nous dénuder le torse, et nous auto-fustiger voluptueusement jusqu’à l’extase. Le scénario peut ravir les adeptes du Divin Marquis. Il ne saurait pour autant faire office de lucidité politique.

     

    Cette Suisse, il faut maintenant aller à sa rencontre. Un peu moins de correspondants à Bruxelles, dans les méandres de la machine européenne, un peu plus dans le pays profond qui a commis, le 9 février, le sacrilège de voter oui. Car enfin, ces fameux Tessinois écrasés par le rouleau compresseur de l’immigration lombarde, on pourrait peut-être prendre le train, passer le Gotthard, et aller boire un verre de Merlot avec eux. En en profiter pour les écouter un peu. Idem, pour nos compatriotes alémaniques qui se plaignent de la pression exercée par les Allemands. Avant de les traiter d’attardés, on pourrait se porter à leur rencontre, non ? Au lieu de cela, notre bonne presse douillette et moralisante s’est contentée de faire la leçon. Répétant à l’envi les arguments du patronat, réactivant les peurs qu’il nous brandissait, jusqu’à ce mot thermidorien de « guillotine » pour qualifier le sort que Bruxelles nous réserverait.

     

    Et si la presse suisse s’intéressait un peu à la Suisse ? La proposition vous semble si délirante ? Non par repli, mais par connaissance du terrain. Ou du terroir. Puisque nous avons vocation à tenir un discours sur le pays, apprenons-en la grammaire. Sortons. Allons les voir, les habitants de la Suisse. Et tentons au moins de les comprendre. Ile ne le mériteraient pas ?

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le glas des bobos

     

    Chronique publiée dans Lausanne Cités - 19.02.14
     
     
    Les lignes de fracture du 9 février ne se réduisent ni à l’antagonisme droite-gauche, ni à un conflit ethnique entre Romands et Alémaniques. Elles sont d’un autre ordre. Régions favorisées, contrées délaissées. Villes, campagne. Plaine, montagne. La droite protectionniste l’a emporté sur la droite libérale et libertaire, celle qui nous prônait depuis deux décennies l’abolition de toute frontière, le recul de l’Etat, pour mieux pouvoir commercer et s’enrichir sans entraves. Ce renversement de forces laissera des traces et déterminera nos prochaines années politiques, en Suisse.


     
    Mais il serait fou d’oublier ce qui s’est passé à gauche. Christian Levrat est un homme intelligent : derrière ses rodomontades de l’après-9-février, il ne s’exonérera pas d’une autocritique. Et se rendra compte à quel point la non-campagne de la gauche, ou pire l’alignement de cette dernière sur les thèses du grand patronat auront des conséquences dévastatrices pour sa famille politique. Ne parlons pas ici des Verts, dont l’illisibilité est désormais totale dans le pays : personne ne sait plus qui ils sont, ni où ils vont.


     
    À gauche, c’est le glas des bobos. Ceux des villes, douillets, qui n’ont rien vu venir, et se sont fait voler l’électorat ouvrier, populaire et défavorisé par l’UDC. Et cela pourrait bien sonner le retour d’une gauche de la gauche qui, elle, ne n’en est jamais laissé conter. Parce qu’elle n’a, elle, jamais perdu contact avec le réel.


     
    Pascal Décaillet
     

  • La Suisse a parlé à l'Europe

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 21.02.14


    Le dimanche 9 février, le peuple et les cantons de notre pays n’ont pas répondu à un sondage : ils ont pris souverainement une décision. Celle d’accepter l’initiative de l’UDC sur l’immigration de masse. Majorité serrée (mais bien réelle) pour le peuple, nette pour les cantons. La moitié d’entre nous s’en est félicitée, l’autre l’a regretté, il convient dans les deux sens de se respecter : les gagnants doivent comprendre la tristesse des perdants ; ces derniers, de leur côté, doivent prendre acte du verdict. Et bien comprendre que la décision doit être appliquée. Avec des modalités qui restent à définir, peut-être des différences en fonction des cantons, tout ce qu’on voudra. Mais appliquée, elle doit être. Sinon, à quoi bon consulter le souverain ?


     
    Or, à quoi assiste-t-on depuis le 9 février au soir ? A une polyphonie de lamentations. Le chœur des pleureuses. Le peuple n’aurait rien compris (alors que la brochure était parfaitement claire), il aurait été trompé, le Ciel européen serait sur le point de s’abattre sur notre tête par un déluge de « rétorsions » de Bruxelles. Il faudrait, nous les Suisses, que nous nous fassions tout petits, rasions les murs, filions nous enterrer dans un abri PC en attendant que se calme la colère atomique européenne. Nous devrions, nous dont la démocratie a simplement fonctionné, nous sentir coupables.


     
    Mais enfin, coupables de quoi ? Au cœur du continent européen, un tout petit pays, fragile, a pris démocratiquement la décision de reprendre le contrôle de ses flux migratoires. Ça froisse qui ? Les élites autoproclamées ou cooptées de la machinerie de l’UE. Et ça fait, au contraire, diablement envie à qui ? Aux peuples de ces pays voisins, qui aimeraient tant, eux aussi, pouvoir se prononcer sur leur destin. Ce 9 février, que les mauvais perdants veulent absolument nous faire passer pour un jour de deuil, pourrait bien s’avérer, au contraire, le signal historique donné par le peuple suisse à ses voisins. D’ailleurs, la bureaucratie de Bruxelles, combien de temps lui reste-t-il à vivre ? Premiers éléments de réponse au mois de mai, avec les élections européennes. En France et ailleurs, il n’est pas sûr que les hystériques de la supranationalité bureaucratique en sortent vainqueurs.


     
    Pascal Décaillet