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Sur le vif - Page 821

  • Oui, protégeons nos parcs !

     

    Sur le vif -Dimanche 24.11.13 - 15.38h

     

    A part Ensemble à Gauche et quelques mouvements, notamment du côté de la défense des aînés, toute la classe politique, en Ville de Genève, nous recommandait de rejeter l’initiative municipale « Sauvons nos parcs au bord du lac ! ». Il avait fait ricaner, ce texte, on l’avait méprisé, traité les initiants de vieux réacs de gauche, ou d’indécrottables conservateurs du patrimoine. Surtout, du côté des opposants, presque personne n’a fait campagne. Sans doute considérait-on la partie comme gagnée.

     

    Clairement, on a eu tort. L’initiative passe la rampe : 23'568 citoyens et citoyennes de la Ville de Genève l’acceptent, contre 21'616. Cela signifie 52,2% de oui. On va sans doute entendre, d’ici ce soir et demain matin, le chœur des pleureuses et des mauvais perdants nous dire à quel point ce vote est réactionnaire, relève d’un fondamentalisme de la nature érigée en sanctuaire, va figer le paysage pour une génération. A ces gens, nous répondrons qu’ils auraient mieux fait de mener campagne, et surtout qu’ils ont commis l’irréparable erreur, comme au niveau fédéral dans l’initiative Franz Weber, ou celle des Alpes, ou celle des Marais de Rothenthurm, de sous-estimer l’attachement viscéral d’une population à son patrimoine naturel.

     

    Je fais partie de ceux qui ont accepté l’initiative. Le cœur, davantage que la raison, m’a dicté ce oui. C’est au Parc Mon-Repos que j’ai fait mes premiers pas : de l’avenue de France au Château de Penthes, en passant par le Jardin botanique, je connais personnellement chaque arbre. Certains sont plusieurs fois centenaires. Il ne s’agissait certes pas de les déraciner. Mais, dans un réflexe d'affection et de protection de ces magnifiques lieux de nature, une majorité de la population a donné un signal : on ne touche pas à ces merveilles, inestimables compagnons de nos solitudes errantes. Un parc, un bosquet, le contour d’un paysage ne sont pas choses légères, ni gratuites. Elles impriment en nous quelque chose de puissant, qui fait partie de notre reconnaissance collective.

     

    « Sanctuaires », titre cet après-midi une dépêche. Eh bien oui, sanctuaire ! Ce mot, avec sa connotation religieuse, ou tout au moins spirituelle, me convient parfaitement. Le signal donné par une majorité des citoyens en Ville de Genève, c’est qu’on ne touche pas impunément, et surtout pas pour de seuls motifs mercantiles, à un paysage qui, depuis l’enfance, vous berce et vous bouleverse. On me dira que c’est « émotionnel ». Je répondrai : « Oh, oui, bienvenue à l’émotion ». Elle a sa place en politique, n’en déplaise aux pisse-froid et aux ratiocineurs.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le peuple souverain face aux unanimités dictées

     

    Sur le vif - Samedi 23.11.13 - 18.47h

     

    Le déséquilibre avec lequel l'immense majorité des médias traitent de l'initiative de l'UDC "Contre l'immigration de masse", qui sera soumise au souverain de ce pays le 9 février 2014, est hallucinant. Parole donnée beaucoup plus aux opposants, diabolisation du texte, partisans traités de "xénophobes" (alors qu'ils ne demandent qu'une régulation des flux migratoires, laquelle n'implique nul jugement de valeur sur le "migrant").


    A la RSR, toute la journée, on a épié Ueli Maurer, à l'Assemblée générale des délégués de son parti, dans l'extatique attente d'un "dérapage" de sa part, mot répété dans le journal de 12.30h et ce soir dans Forum. "Dérapage": les mêmes présentateurs eussent-ils usé de ce vocable s'il s'était agi d'une Simonetta Sommaruga ou d'un Alain Berset, deux ministres également confrontés à des dilemmes entre collégialité au sein du Conseil fédéral et allégeance à leur parti ? "Dérapage", personne n'a songé à utiliser ce mot, en 1974, lorsque le conseiller fédéral PDC Kurt Furgler s'est désolidarisé du gouvernement, pour raisons de conscience, dans l'affaire de la solution des délais.


    Mais Maurer, président de la Confédération populaire et apprécié, le "service public" veut sa peau. Histoire de plaire au big boss de la SSR, l'euroturbo Roger de Weck, qui a fait de l'UDC sa bête noire, et considère comme une croisade personnelle le combat contre la bête immonde.



    Dans le cas de cette initiative, pas un jour où, par petites touches ou perfides glissements, l'ensemble des acteurs de la SSR ne laissent perler leur haine de l'UDC, leur absolu rejet de cette initiative, lorsqu'ils n'en insultent pas les partisans.



    Le 9 février pourtant, le résultat pourrait nous surprendre. Et le texte, passer. Parce que le peuple suisse, lorsqu'il vote, fait parfaitement la part des choses entre propagande et réalité. Il sait qu'il aura à se prononcer sur une question de régulation des flux migratoires. Qu'il ne s'est jamais agi de fermer les frontières. Que tous les pays du monde, à commencer par nos chers voisins, tentent de contrôler l'immigration. Il sait aussi, le peuple suisse, se méfier, comme de la peste, de ces ouragans d'unanimité, où l'immense majorité des chroniqueurs disent la même chose, en l'espèce pour taxer de "xénophobes" les partisans du oui, ce qui est abus de langage, dérive sémantique, procédé primaire de dénigrement de l'avis d'un citoyen avec lequel on n'est pas d'accord. Le 9 févier 2014, en toute sérénité, le peuple de ce pays tranchera. Et nous verrons bien.

     

    Pascal Décaillet

     

  • 22 novembre 1963, le passage du deuil

     

    Mercredi 20.11.13 - 17.05h

     

    Je suis comme des centaines de milliers de gens qui ont vécu ça, même si je n’avais que cinq ans et demi : je me souviens exactement où j’étais, dans quel coin de notre cuisine familiale, près du transistor beige, revenant de l’école, lorsque ma mère, le visage défait, m’a annoncé l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Je ne savais pas qui était cet homme, mais à voir la tristesse de ma mère, j’ai cru qu’il s’agissait de quelqu’un de la famille. Le soir, nous avons vu l’attentat à la télévision, en noir blanc, il y avait quelque chose de terrible et de glacé : j’ignorais à cet âge ce qu’était la mort.

     

    JFK est loin d’être mon président préféré, j’ai même lu beaucoup d’horreurs sur lui, de quoi nous détourner du mythe, mais cela est venu beaucoup plus tard : ce 22 novembre 1963, comme des dizaines de millions de personnes sur la planète, je me suis senti orphelin. L’Amérique, avant cette date, c’était mon costume de cow-boy, déjà des séries TV, les immenses voitures aux grandes ailes, le pays du rêve et du possible. L’assassinat de Dallas a cassé en moi, si tôt dans ma vie, cette mythologie. Dès les jours qui ont suivi, en allant à l’école, je vois exactement avec qui, nous jouions à celui qui a tué Kennedy, nous étions celui qui sait, déjà nous parlions de mafia, celui qui était derrière Ruby qui avait tué Oswald, nos imaginaires explosaient.

     

    Un peu plus tard, en tout cas pas avant 1966, il y a eu un aîné qui s’est pointé, une sorte d’Augustin Meaulnes que nous admirions pour sa carrure et ses airs d’aventurier. Sur le chemin de l’école, au milieu des chantiers, il nous assurait qu’il savait tout, détenait toutes les preuves, d’ailleurs venait de passer le week-end à Chicago, où il avait échappé de justesse à la mafia. Ayant sauté une année, j’étais l’un des plus jeunes de la classe, et ce providentiel grand frère me fascinait. Jusqu’au jour où, les yeux étincelants, nous prenant par le collet, il triomphait : « C’est Johnson, oui Johnson le commanditaire, je le sais, j’ai toutes les preuves, d’ailleurs je retourne à Chicago samedi ! ». Et nous allions notre chemin, pestant contre ce salaud de Johnson, d’ailleurs il avait une sale tête, et sa victime, le président défunt, était tellement beau.

     

    1968, rebelote. L’année des assassinats. Robert Kennedy, le frère, et Martin Luther King. Là, j’avais dix ans, j’étais devenu depuis fin 1965 (de Gaulle contre Mitterrand) un passionné de politique, j’étais sur le point de finir l’école primaire, et je n’ai pas du tout vécu ces nouveaux drames avec la même intensité émotionnelle que celle du 22 novembre 1963. Ils en étaient en quelque sorte la réplique, la répétition, la récurrence. Et puis, tant d’autres sollicitations en cette année-là : Jeux Olympiques de Grenoble en février avec les victoires de Killy, mai 68 vécu en écoutant la radio, dans ma chambre, voyage au Cap Nord avec ma famille l’été, Jeux de Mexico à la fin des vacances, de quoi banaliser la violence américaine.

     

    Fin 68, Richard Nixon a été élu, je l’ai admiré, et ne me suis pas du tout réjoui de sa démission en août 74. Mais cela, c’était de la politique, des choix que j’approuvais. Cela, alors que j’avais grandi, relevait de la raison. Alors que Kennedy, pour moi comme pour la planète entière, avait fonctionné comme un mythe. La beauté, la gloire, la mort. Destin d’Achille, qui serait court mais glorieux. En attendant de parler de tout cela, tout à l’heure, avec Daniel Warner, à Genève à chaud, demeure en moi, si présent, si vivace, le souvenir de la tristesse sur le visage de ma mère, puis sur celui de tant de personnes, des femmes surtout, comme le passage d’un deuil dans l’insouciance de l’enfance.

     

    Pascal Décaillet