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Sur le vif - Page 661

  • Bon Anniversaire à l'AVS !

     

    Sur le vif - Mercredi 05.07.17 - 09.51h

     

    Demain, jour pour jour, l'AVS aura 70 ans. Le 6 juillet 1947, le peuple acceptait (80% de oui ; participation 79,66%) son principe, après l'un des débats parlementaires les plus passionnants de notre Histoire. Il faut en lire les minutes, cela vaut la peine. Pendant mes années à Berne, comme correspondant parlementaire, je pensais tous les jours à ceux qui, quarante ans plus tôt, avaient mené ce débat. Par exemple, lorsque je couvrais moi-même, pour la RSR, les débats-fleuves sur la LAMal ou la TVA.

     

    Hommage à ce fleuron de nos assurances sociales. Sans ce premier pilier, sans ses principes de mutualité, de subsidiarité, la Suisse d'aujourd'hui ne serait pas ce qu'elle est.

     

    Je me suis passionné pour l'Histoire des assurances sociales en Europe, depuis Bismarck, absolu précurseur dans le domaine. Premières caisses de retraite, secteur par secteur, idem pour l'invalidité, le chômage, la maladie, les accidents. Dureté des négociations pour y parvenir. Rôle des socialistes, mais aussi de tout le syndicalisme chrétien, nourri de la Doctrine sociale de 1891, de Léon XIII, puis du Sillon. Intelligence, aussi, des radicaux éclairés, soucieux de justice sociale, imprégnés d'esprit républicain.

     

    La convergence de tous ces courants a amené nos pays, dans les années encore très difficiles de l'immédiate après-guerre, à voir grand. En France, ce fut la Sécurité sociale, lancée par de Gaulle lors de son éblouissant passage aux affaires en 44-46, les dix-sept mois les plus réformateurs de l'Histoire du pays, sous l'impulsion du Conseil National de la Résistance. En Grande-Bretagne, ce furent les grandes réformes travaillistes dans le domaine de la Santé. En Suisse, ce fut l'immense et remarquable chantier de l'AVS.

     

    L'Histoire de nos assurances sociales, en Suisse, devrait être obligatoire dans les écoles. L'Histoire de l'AVS, pendant 70 ans, ses dix révisions, maintenant onze, l'Histoire de l'exceptionnel conseiller fédéral Tschudi (1959-1973), qui menait au pas de charge les réformes, pour relever le défi démographique. Pourquoi cette Histoire n'est-elle pas enseignée, ou si peu ?

     

    Les Suisses peuvent être fiers de l'AVS. Hélas, le même bilan, et de loin, ne peut pas être tiré du deuxième pilier (introduit en 1984), indissociable de placements aventureux et spéculatifs opérés, dans les années de Veau d'or, sous l'impulsion de condamnables usuriers, par certaines caisses. Pas toutes, heureusement.

     

    L'AVS est un principe de redistribution pour tous. Oui, elle est notre fleuron. Pensons-y, très fort, lorsque nous glisserons notre bulletin dans l'urne, le 24 septembre.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le noir magma de nos silences

     

    Sur le vif - Dimanche 02.07.17 - 10.34h

     

    Il y a, depuis longtemps, des choses qu'on ne peut tout simplement plus exprimer dans l'espace public. Je ne parle pas ici de ce qui est interdit par la loi : là au moins, c'est clair, mesurable, écrit, délimité ; et la loi, on peut toujours aspirer à la changer.

     

    Non. Je parle de tout le reste. Ce qui ne tombe pas (encore) sous le coup d'une loi, mais opprime, étouffe toute conscience sous la pesanteur de l'autocensure. On voudrait tant l'exprimer, mais on se retient. À cause de la tempête de réactions bien pensantes, inévitable, juste après.

     

    Alors, on se tait. Et le noir magma de ces silences, qui rumine et vocifère de l'intérieur, consume les entrailles. Il vous isole. Il contribue à ciseler votre solitude.

     

    Mais cette matière est volcanique. Sous le poids des convenances, elle demeure tacite. Souterraine. Inaudible. Jusqu'au jour où tout éclate. Lave, cendres, poudre.

     

    On dit du réseau social qu'il permet l'expression du non-dit. C'est faux. Il l'aura peut-être permis dans un premier temps, héroïque, balbutiant. Mais déjà s'organise la restauration. La mise au pas. On moralise, puis on légifère. Puis on régente. Puis, on sanctionne. L'ordre cosmique du convenable s'installera ici, comme ailleurs. Avec, comme petits collabos, et fermiers généraux du pouvoir, ceux-là même qui s'en prétendent les critiques distants.

     

    Aujourd'hui, ces chiens de garde du convenable couvrent de leurs aboiements l'émergence de toute parole alternative. Avec le système Macron, c'est dans cette ère-là que nous entrons. La Suisse romande n'y échappe pas, loin de là. Le pouvoir n'a rien à craindre du réseau social : déjà, il y trouve cent fois plus de petits valets, multipliés par les miroirs, que de discours critiques.

     

    Lecteur passionné de Brecht, depuis quelque 45 ans, je crois pourtant à la distance critique. Pour peu que cette dernière s'organise dans la matérialité réelle d'une résistance des âmes. Et non dans la seule posture rhétorique de la révolte. La plus grande preuve de distance critique de Brecht, c'est son adaptation de Sophocle. Dans la métallique réalité des syllabes, avec les accents souabes de sa jeunesse.

     

    La prise en charge des mots est devant nous. Plus que jamais, elle exige courage et solitude. Le salut, quelque part dans la lumière du verbe.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Protectionnisme en Suisse : de quoi se mêle l'UE ?

     

    Sur le vif - Mardi 27.06.17 - 13.39h

     

    Il paraît que la Commission européenne dénonce une "montée du protectionnisme en Suisse".

     

    Eh bien nous, les Suisses, demeurons parfaitement sereins, et dénonçons l'obligation de pensée libérale qui sévit, depuis un bon quart de siècle, au sein de l'Union européenne.

     

    Comme si le libéralisme, le culte du libre-échange, l'abolition de toute préférence à la production locale, dans les pays-membres, étaient consubstantiels à l'idée européenne.

     

    Comme si cette idée d'Europe ne pouvait pas, aussi, se construire sur d'autres bases. Respect des nations, de leurs souverainetés, de leurs frontières. Faciliter les échanges, oui bien sûr, c'est de cela qu'est née la Communauté européenne, à l'époque de la CECA : il s'agissait d'échanger le charbon et l'acier, dans l'immédiate après-guerre, à l'époque des économies fragiles, avec des populations mal nourries, mal chauffées. Pour être très clair, il s'agissait surtout d'aller piquer à vil prix le charbon des Allemands : Vae Victis !

     

    Nous, Suisses, avons assurément une tradition d'exportations et de Commerce extérieur. Mais nous avons aussi, au moins depuis 1848, lentement forgé notre pays sur la cohésion sociale, la subsidiarité, la mutualité, la répartition des richesses, la plus vive attention aux fragilités. Cela, en certaines périodes - et nous y sommes, là, en plein - nous amène, oui, à restaurer des protectionnismes. Quitte à lâcher la bride, quelques années plus tard.

     

    Décider ou non d'une dose de protectionnisme, notamment pour l'agriculture, mais pas seulement, relève, et doit continuer de relever, de NOTRE SEULE SOUVERAINETÉ NATIONALE. Nulle instance externe, et surtout pas l'Union européenne, n'a à nous imposer notre politique, en la matière.

     

    Tout cela, nous Suisses, expliquons-le, très gentiment, très poliment, à nos amis européens. Nous sommes un pays souverain. Nous ne sommes pas membres de l'Union européenne. Nous n'avons aucun compte à lui rendre sur notre organisation interne. Nous souhaitons entretenir avec eux les meilleurs rapports, mais ils doivent juste comprendre qu'ils ne sont pas le bailli. Ni nous, leur sujet.

     

    C'est aussi simple que cela. Et c'est non-négociable. Et, au cas où ils ne comprendraient pas, nous pourrions alors, peut-être, devenir un peu moins polis. En leur suggérant, puisque la question hellénique semble jouer un rôle important dans leurs équilibres internes, d'aller se faire voir chez les Grecs.

     

    Pascal Décaillet