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Sur le vif - Page 659

  • M. Kim a bon dos

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    Sur le vif - Dimanche 03.09.17 - 15.46h

     

    On s'émeut, à juste titre, de l'essai nucléaire nord-coréen.

    Je veux bien.

    Mais un peu de recul historique s'impose. Quelle est, au monde, la nation qui a lancé, en août 1945, l'ère nucléaire ?

    Celle qui n'a cessé de développer, dans des proportions inimaginables, son potentiel de destruction atomique ?

    Celle qui, avec l'URSS, a plongé la planète dans plusieurs décennies de guerre froide, reposant sur l'équilibre des forces nucléaires ?

    Celle qui, depuis 1945, étend son impérialisme sur l'ensemble de la terre ?

    Celle qui dicte sa loi pour toute solution - ou absence voulue de solution - au Proche-Orient ?

    Celle qui s'est embarquée dans deux guerres majeures en Asie, entre Corées, Cochinchine et Tonkin ?

    Celle qui a ourdi et manigancé le coup d’État contre Salvador Allende, le 11 septembre 1973 ?

    Celle qui a si souvent bloqué toute solution qui pourrait aboutir à la création d'un État palestinien ?

    Celle qui, pendant les années 1990, a entrepris toutes choses, en lien avec les services secrets allemands, pour démanteler l'ex-Yougoslavie ?

    Celle qui, sous couvert "d'OTAN", a bombardé Belgrade en avril 1999 ?

    Celle qui a lancé la folle intervention de 2003 en Irak ?

    Celle qui, à nouveau sous couvert "d'OTAN", multiplie les provocations à l'Est de l'Europe. En Pologne, dans les Pays Baltes, et avant tout en Ukraine ?

    Je ne suis évidemment pas un partisan de M. Kim. Mais, si on pose la question de ceux qui peuvent détruire la planète, ceux dont le bellicisme et l'impérialisme pourrissent les équilibres, alors il faut la poser pour tous.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Ticket à trois : sage décision !

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    Sur le vif - Vendredi 01.09.17 - 19.06h

     

    En présentant un ticket à trois à l’Assemblée fédérale, pour le choix du mercredi 20 septembre, le groupe PLR des Chambres fédérales a pris une sage décision. D’aucuns ne manqueront pas d’y voir une incapacité à opérer une sélection. Je ne partage pas ce point de vue. Pour la seule raison que le préavis du groupe, de toute manière, n’a jamais été autre qu’indicatif : ceux qui ont vécu les élections au Conseil fédéral (notamment celle de 1973, avec Chevallaz, Ritschard et Hürlimann, trois candidats non-officiels élus) le savent bien. Le seul choix qui vaille, c’est celui de l’Assemblée fédérale.

     

    Surtout, nous avons affaire à trois bons candidats. J’ai déjà dit ici ce que je pensais de Pierre Maudet, estimant que ses qualités prévalaient sur ses défauts. Mme Moret et M. Cassis sont également des personnes de valeur. Au fond, chacun de ces trois candidats peut prétendre faire partie de l’exécutif fédéral.

     

    Et maintenant ? Eh bien rien. Strictement rien. En aucune manière, le ticket choisi ce soir par le groupe ne préfigure ce qui se passera dans la matinée du 20 septembre. Si ce n’est une chose : cette élection sera plus compliquée, et sans doute plus longue, que prévu.

     

    Nous avons trois profils. Trois personnes de valeur, capables d’exercer la fonction suprême. A titre personnel, au risque de déplaire à une partie non négligeable de mon lectorat, j’ai dit la qualité de la candidature Maudet. J’assume chaque mot, chaque syllabe, des lignes que j’ai écrites. Je ne suis l’homme de personne. Juste un homme libre, n’ayant strictement aucun compte à rendre à quiconque sur les opinions qu’il émet. Ni à ses ennemis. Ni… à ses amis.

     

    Je ne partage que très peu les idées politiques de Pierre Maudet. Je suis en désaccord total avec lui, par exemple, sur la politique européenne, et sur la libre circulation des personnes. Je suis pour un contrôle sévère des flux migratoires, pas lui. Malgré ces divergences, je considère l'envergure de sa personne, son rapport à la pensée, à la parole, à l'action, sa culture historique et politique, et là, je dis oui. J'ai très souvent, depuis l'adolescence, soutenu en politique des gens avec lesquels j'étais en désaccord. Parce que, pour moi, la fibre profonde d'une personne l'emporte sur la nature des idées.

     

    Si certains de mes lecteurs, proches de mes idées, qu'on sait plutôt conservatrices et le resteront, se sentent froissés par mon soutien à Maudet, si c'est si grave pour eux que, pour une fois, je ne pense pas géométriquement comme eux, je ne les retiens pas.

     

    Je n’ai jamais retenu personne. Je vais mon chemin. C’est tout.

     

    Pascal Décaillet

     

  • "Conservateur" n'est pas un gros mot !

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    Sur le vif - Samedi 26.08.17 - 17.24h

     

    Le psychodrame créé par le seul énoncé du mot « conservateur », au sein d’une partie du PDC suisse, notamment la section genevoise, appelle quelques commentaires, rappels historiques, et précisions quant à la philosophie politique d’un courant si important, depuis les années 1848-1891, dans l’Histoire de notre pays.

     

    Le mot « PDC », au plan fédéral, n’est officiel que depuis 1971. Auparavant, chaque canton avait son appellation, « conservateurs » pour les uns, « catholiques-conservateurs » pour d’autres, ou encore (du côté des jaunes), « chrétiens-sociaux », ou même « conservateurs chrétiens-sociaux », ce qui, d’aujourd’hui, peut sonner comme un paradoxe, mais ne l’était nullement. Mon grand-père, Maurice (1892-1925), instituteur, violoniste, capitaine à l’armée, fauché à 33 ans par le destin, était une personnalité « conservatrice » de son village. Cela ne signifiait nullement qu’il fût un réactionnaire.

     

    Avant de se braquer, en bons citadins aux postures progressistes, face à un mot qui semblerait surgi de la sourde immobilité des campagnes, il convient plutôt de se renseigner sur la magnifique, la plurielle, la complexe Histoire, avant tout cantonale, de ce qu’on appelle aujourd’hui la démocratie chrétienne suisse. Ça exige de lire. Ouvrir des livres, oui. Faire preuve de curiosité.

     

    Le mot « conservateur », aujourd’hui, sonne mal. On a l’impression d’un bonhomme (ou d’une dame) complètement replié sur le passé, ne voulant rien changer à l’ordre du monde qui fut celui de son enfance, refusant toute réforme, tout progrès, toute altération de l’Âge d’or. Assis sur son banc, devant sa maison, contemplant son champ, se disant « Cela est à moi », entendant bien ne jamais le céder.

     

    La réalité historique est un peu plus complexe. Ne remontons pas à la Révolution française, ce qui pourtant serait nécessaire. Considérons la Suisse de 1847, celle du Sonderbund, l’alliance des cantons catholiques, puis celle de 1848, la Suisse fédérale. Les radicaux, directement issus des mouvements républicains dans nos cantons romands, enfants du Freisinn et des Lumières en Suisse alémanique, partisans de la libre circulation des idées, de la liberté du commerce et de l’entreprise, ouverts au financement par des capitaux zurichois (sans Escher, pas de Gothard), triomphent. Pendant 43 ans (jusqu’à l’arrivée du catholique-conservateur Joseph Zemp, en 1891), ils jouissent, dans l’exécutif fédéral, du pouvoir absolu : sept sièges sur sept ! Ils accomplissent une œuvre immense, créent l’industrie moderne, multiplient les voies ferrées, favorisent l’éducation et la recherche, bref ils jettent les bases de la Suisse contemporaine.

     

    Pendant ces 43 ans, les conservateurs, qui sont-ils ? J’ai étudié de près cette question, il y a longtemps, pour des Séries historiques à la RSR. Ne voir en eux que d’obscurs revanchards, refusant le progrès, relève d’une erreur majeure. D’autant qu’à Rome, succède au très conservateur Pie IX, en 1878, un Pape d’exception, dont la grande biographie en français demeure à écrire, Léon XIII. C’est lui, en 1891, qui tendra la main à la République, lui qui lancera la même année, avec Rerum Novarum, une Doctrine sociale qu’il faut absolument lire aujourd’hui, tant elle frappe, en 2017 encore, par sa modernité, sa défense de l’économie au service de l’humain, sa condamnation de l’Argent comme but en soi, son appel à considérer le travail comme une libération, au service de l’émancipation humaine, et non comme un asservissement. Faut-il rappeler qu’au temps de la publication de cette Encyclique, les enfants, dans la plupart des pays d’Europe, travaillent encore sur des chantiers, dans les champs, et surtout dans les mines ?

     

    Dans notre Suisse de cette seconde partie du dix-neuvième, les conservateurs ne sont pas seulement les gens qui vont à l’église. Ou qui se recueillent au moment de l’Angélus. Ils sont, notamment en Valais, mais aussi à Fribourg, Lucerne, etc., des personnes attachées à leurs traditions locales ou cantonales, à leurs identités régionales, considérant avec scepticisme cette nouvelle Suisse fédérale, moderniste, centralisatrice, radicale, et, à bien des égards, protestante, bref les vainqueurs du Sonderbund. Du côté des vaincus, surtout dans ce Valais qui n’est même pas encore celui de Maurice Troillet (conseiller d’État de 1913 à 1953), où la plaine du Rhône n’est qu’un marais, où la pauvreté, dans les vallées, contraint à l’émigration, on se méfie de ce progrès venu des banques, souvent zurichoises, cet argent trop facile, surgi de mécanismes financiers que les gens ne comprennent pas. On a tort, parce que le canton est pauvre, mais c’est ainsi. Le rapport des catholiques à l’Argent mériterait quelques centaines de volumes, tant il est complexe, nourri de silences, de contradictions. Alors oui, entre 1848 et 1891, être « conservateur », c’est refuser le progrès qui va trop vite, le pouvoir de Berne et surtout celui de Zurich. On préfère vivre de peu, mais de ses champs, à soi.

     

    En 2017, j’affirme qu’il n’y a rien d’anachronique à se proclamer conservateur. N’y voir que le repli, le recroquevillement, c’est ne rien (vouloir) comprendre à un très vaste mouvement, encore en gestation mais montant en puissance, dans nos sociétés européennes d’aujourd’hui. Il ne s’agit pas de revenir aux lampes à huile ni à la marine à voile. Ni de refuser les enjeux capitaux de la modernité, comme le numérique. Non. Il s’agit d’affirmer, avec toute la part d’instinct et d’affection pour le pays que peut parfois receler l’engagement politique, les valeurs auxquelles nous tenons. Chacun d’entre nous a les siennes, je vous donne ici les miennes : attachement à la patrie, respect de l’environnement et des paysages, combat pour une agriculture de qualité, épargnée par la fureur de la concurrence mondiale, encouragement des PME, économie au service de l’émancipation humaine, justice sociale, qualité de l’éducation, croissance démographique maîtrisée, contrôle des flux migratoires, souveraineté politique, indépendance.

     

    Ces valeurs-là, j’entends pour ma part qu’elles soient « conservées ». Je veux bien que le mot sonne mal aujourd’hui, mais enfin assumons-le ! Nous n’allons tout de même pas passer nos existences à faire de la communication apeurée, pour ne pas froisser le modernisme ambiant. Alors oui, je déclare ici être, à bien des égards, un « conservateur ». Auquel j’ajoute immédiatement le mot « social ». Que cette double étiquette froisse certaine section citadine d’un grand parti de notre pays, est une chose. Cela n’enlève rien à sa pertinence. Dans le jeu savant d’ombres et de lumières, de progrès et de tradition, qui se joue depuis la Révolution française, la modernité n’est pas toujours là où on croit. Et l’avenir passe parfois, puissamment, par une éclairante visite du passé.

     

    Pascal Décaillet