Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Sur le vif - Page 660

  • L'extase de la Messe basse

     

    Sur le vif - Mardi 22.08.17 - 13.13h

     

    L'élection du Conseil fédéral n'étant pas opérée par les quelque cinq millions de citoyennes et citoyens de notre pays, mais par les seuls 246 de l'Assemblée fédérale, tout ce qui concerne ce scrutin fermé, digne du choix d'un nouvel Académicien par le cercle des Immortels, ne devrait pas être diffusé ailleurs que sur une chaîne parlementaire. Un canal interne aux 246. Un circuit fermé. Nous irions ainsi au bout de la logique circulaire, le réseau de miroirs de notre démocratie parlementaire. Ce labyrinthe des vanités intestines au périmètre d'une arène.

     

    Ils se diffusent entre eux, pour eux, des débats qui les concernent eux, dans le sérail et la molasse de la Berne fédérale. Le jour venu, soit le mercredi 20 septembre en fin de matinée, le Conclave ayant produit son œuvre, ils nous annoncent qui ils ont choisi. Nous en prenons acte, froidement, c'est leur affaire. Nous leur aurions signifié, pendant toute leur campagne, que le cirque de séduction de Mme Moret, MM Maudet et Cassis ne relevait en aucun cas du débat national, puisque le citoyen n'y est pas électeur, mais d'un lobbying interne. Soit la pure vérité. Comme lorsqu'on aspire à diriger un théâtre, et qu'on doit convaincre un à un, en les travaillant au corps, les membres du Conseil de Fondation. C'est exactement le même principe. Pour les trois intéressés, c'est sans doute captivant. Pour le grand public, une fois qu'on a saisi le principe, aucun intérêt.

     

    Pendant ce temps, nous, les citoyennes et citoyens, déployons notre énergie et notre passion politique sur l'essentiel : non pas un choix de personnes qui ne dépend pas de nous, mais, infiniment plus passionnant : les thèmes qui, en profondeur, mettent en action notre vie en commun. Par exemple, à l'horizon du 24 septembre, l'avenir de nos retraites. C'est une lame de fond, autrement plus essentielle, dans la construction du destin suisse depuis 1848, que le choix, semi-théâtral, d'un septième de l'exécutif fédéral.

     

    Je réaffirme ici la nette supériorité des thèmes sur les personnes. Dans notre pays, le corps des citoyens bénéficie, pour actionner lui-même, d'en bas, la politique, d'un instrument exceptionnel : la démocratie directe. Qu'il en fasse usage, plus que jamais ! Qu'il s'en saisisse ! Qu'il s'approprie le débat politique !

     

    Le choix des thèmes politiques, en Suisse, est l'affaire de tous. Il n'appartient en aucun cas au seul cénacle des élus.

     

    Le choix des conseillers fédéraux, en revanche, est l'affaire du Parlement. Fort bien. Laissons les 246 vivre entre eux, dans la jouissance retenue - ou expulsée - de leur qualité de Grands Électeurs, cette liturgie fermée de la vie fédérale. Comme une Messe basse.

     

    Laissons-les ourdir. Tramer. Aiguiser leurs couteaux. Le jour venu, laissons-les élire, c'est leur prérogative. Laissons-les faire tout cela. En silence. Rideaux fermés. Et avec la seule quittance de notre indifférence.

     

    Le dimanche 24 septembre, pour la Suisse, sera bien plus important que le mercredi 20.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Pierre Maudet, candidat première classe

     

    Sur le vif - Vendredi 04.08.17 - 14.04h

     

    Je connais Pierre Maudet depuis 17 ans. Il était jeune conseiller municipal radical, en Ville de Genève, et je lançais l'émission Forum.

     

    Très vite, comme beaucoup de mes confrères, j'ai saisi que l'homme irait loin. Sa jeunesse, son énergie, son intelligence, sa vitalité, son sens de l’État et du pays, tout cela était déjà perceptible, alors qu'il venait à peine de passer le cap de la vingtaine.

     

    Depuis, cet homme d'un rare talent politique (je le compare souvent, depuis deux décennies, à un Christophe Darbellay, ou un Pierre-Yves Maillard) n'a fait que confirmer. Exécutif de la Ville de Genève. Mairie. Et, depuis cinq ans, gouvernement cantonal.

     

    Sur son action politique, je suis le premier à exprimer des réserves. Hypertrophie, trop voyante, de la communication. Pratique maladroite et malvenue des fusibles, notamment au plus haut niveau du Corps de Police. Discours moderniste et jeuniste, à la Macron, dont toute âme lucide doit être capable de prendre distance, sauf à sombrer dans la complicité, dans l'ordre de la propagande.

     

    Mais enfin, tout cela posé, un fauve politique de grande race. Une culture historique, ce qui est fort rare. Une vision pour le pays. Une ambition. On partage ou non ses options (cela n'est pas mon cas, en matière européenne, notamment), mais comment ne pas reconnaître la stature de l'homme ?

     

    Pierre Maudet a raison de tenter sa chance au Conseil fédéral. Sa candidature est crédible, charpentée idéologiquement, nourrie d'une première expérience aux deux autres échelons de notre vie fédérale. J'ignore absolument quelles seront ses chances, nous verrons bien, et il faut bien avouer que la question de la Suisse italienne se pose.

     

    Mais je lui souhaite bonne chance. Nous avons eu assez de souris grises pour bouder l'entrée en scène d'un homme politique de premier plan.

     

    Ensuite ?

     

    Ensuite, le destin décidera. Nul d'entre nous ne peut le prévoir.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Mémoire et chaos, désordre et lumière

    neuschwanstein-castle-05.jpg 

    Sur le vif - Mercredi 12.07.17 - 18.47h

     

    Je reviens d'un magnifique voyage familial de quelques jours au pays de Louis II et de Richard Wagner. Le château de Linderhof, je l'avais visité en 1971, 1973, puis (dernière fois) 1983. Celui de Neuschwanstein, je ne l'avais plus vu depuis 1973 ! J'ai encore toutes mes notes sur ces visites, dans les journaux que je tenais à l'époque, avec textes et images.

     

    J'ai tant et tant à dire sur ce roi, qui à la fois m'exaspère et m'enchante. Les sentiments qui étaient miens à l'âge de 13 ans, lors de mes premières visites en ces lieux, mais aussi l'année de ma découverte de Richard Wagner, sont au fond les mêmes, 46 ans après. Réticence face à l'inaction politique du roi, qui est passé (volontairement) complètement à côté du mouvement de son époque, imprimé par Bismarck et l'unité. Mais, d'un autre côté, admiration face à ses intuitions artistiques, sa mise en scène des grands mythes de l'Allemagne médiévale. Et, avant toute chose, reconnaissance d'avoir été le tout premier (à part dans le monde musical, Liszt surtout) à déceler l'immensité du génie de Richard Wagner.

     

    Bref, je pense consacrer les trois prochains épisodes (les numéros 25, 26 et 27) de ma Série Allemagne au Roi Louis II. Je vais tâcher de faire vite : les souvenirs de ces toutes dernières visites sont encore totalement vivaces, jusqu'aux cygnes gravés dans les poignées des portes, imprimés dans ma mémoire récente. Surtout, je veux inscrire Louis dans la perspective de la révolution des esprits dans l'Allemagne du 19ème siècle. Et mettre en évidence le paradoxe (que je sentais déjà en 1971, très clairement) entre son attitude de repli, évidemment inadmissible pour un souverain, fût-il constitutionnel, et l'extraordinaire présence de ses antennes artistiques.

     

    Dans ce petit voyage, j'ai retrouvé de puissantes émotions de mon année 1971. L'année de ma découverte de Wagner, de Dürer (expo du 500ème à Nuremberg), de la Haute-Franconie où avait vécu ma mère juste avant la guerre, en 1937 et 1938. Mais aussi, de Würzburg, de Rothenburg, Dinkelsbühl, plusieurs fois Munich (où j'ai emmené mes élèves en voyage d'études en 1983). Mon lien avec cette région est puissant. Tout comme mon lien avec l'Allemagne du Nord, les Cités Hanséatiques, la Saxe, la Thuringe, les Länder de l'ex-DDR, la Rhénanie des poètes. Et tant d'autres Allemagnes, de Hölderlin à Brecht, puis plus loin Heiner Müller, Christa Wolf, qui se pressent et se mélangent dans les méandres de ma mémoire. Deux mots, pour exprimer ce fracas, ce fatras : Sturm und Drang. Ces deux mots, à eux-seuls, explosifs, résument mon rapport passionnel avec les Allemagnes.

     

    Mon souci numéro un, dans cette Série entamée il y a deux ans, et qui va encore me prendre de longues années, n'est pas d'avoir des idées ni des sujets - j'en ai des centaines - mais de trier, ordonner, organiser, mettre en page, pour que cela soit plaisant et accessible au plus vaste public possible.

     

    Vous me direz que c'est le lot de tout transmetteur. Et vous aurez raison.

     

    Pascal Décaillet