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Sur le vif - Page 644

  • 2018 : le journalisme vivra !

     

    Sur le vif - Lundi 01.01.18 - 23.43h

     

    Il y a juste 24 ans, janvier 1994, après des mois de chantier et de maquettes, nous lancions les nouvelles Matinales, sur la RSR. J'en étais, avec William Heinzer et Georges Pop, l'un des trois producteurs. Je revenais de Berne pour me lancer dans cette aventure. C'était un immense travail de rénovation radiophonique, de toute la rédaction. Un changement de génération. L'information prenait le pouvoir sur le continuum. Ce principe d'action, un quart de siècle après, est toujours en vigueur. Le virage était bien historique.

     

    Il y a juste 17 ans, janvier 2001, nous lancions Forum, dont j'étais le producteur. Là aussi, parce qu'il fallait absolument réinventer la tranche du soir, nous avions travaillé sur des maquettes pendant des semaines, avant le grand jour. J'ai tenu cette production pendant des années. Nous avons remporté de grandes victoires, des Prix radiophoniques, nous avons vécu ensemble de grandes heures. Dans cette aventure folle, j'ai laissé une partie de ma santé. Je ne regrette rien.

     

    Il y aura bientôt 12 ans, septembre 2006, je lançais Genève à chaud, sur Léman Bleu. Je suis très heureux et très fier de contribuer, au côté d'autres, au développement de cette chaîne pleine de promesses et de talents. Une chaîne où soufflent l'enthousiasme et la créativité. Le lieu le plus stimulant pour le journalisme audiovisuel à Genève.

     

    Trois chantiers. Trois émissions, qui existent encore aujourd'hui. Soit avec d'autres, dont je salue l'engagement. Soit, pour GAC, toujours avec moi.

     

    Je suis fier d'avoir créé, ou contribué à créer, des émissions qui existent encore, de longues années après leur lancement. C'est le plus dur : tenir, jour après jour, sur la durée. Tant d'émissions se cassent la figure après deux, trois, quatre ans.

     

    Je fais de la TV comme on fait de la radio. Avec le rythme, le souffle, l'énergie. Je ne sais pas faire autrement. Je ne suis qu'un homme viscéralement radiophonique, égaré au milieu des projecteurs.

     

    Nous autres, journalistes, allons au-devant d'une année très difficile, tout le monde le sait, le dit. Dans tous les cas, quoi que décide le corps électoral le 4 mars, nous devrons nous adapter, anticiper, inventer de nouvelles formes, nous battre comme des lions. Rien n'est acquis. Mais rien n'est perdu, j'en ai l'intime conviction. Pour ma part, je réfléchis déjà à des scénarios d'avenir pour le métier, des plans B, des plans C, et d'autres encore. Nous n'allons tout de même pas attendre le dimanche 4 mars, 17h, pour y songer !

     

    Tout entrepreneur doit avoir un plan B, et d'autres plans, sur plusieurs lettres de l'alphabet. Sinon, il n'est pas vraiment entrepreneur, mais juste administrateur de rentes acquises.

     

    À toutes mes consœurs, tous mes confrères, dont l'inquiétude est légitime, j'adresse mon salut, et affirme ma foi intacte dans l'avenir de notre métier. Quitte à complètement le renouveler, si les circonstances l'exigent. Ne nous cramponnons pas aux acquis, inventons du neuf.

     

    De mon côté, j'attaque 2018 comme une année de combat intense, sans doute d'une extrême difficulté. Là où je suis, je ne resterai pas inerte. Quelles que soient les circonstances, j'agirai en entrepreneur, ce que je suis depuis douze ans. Je n'attendrai pas passivement les caprices du destin. Je n'agirai pas seulement pour moi, mais en faisant tout mon possible, à mon modeste niveau, pour aider les autres. Pour parler franc, je suis déjà à fond, dans ma tête, dans l'après-4-mars.

     

    Le métier n'est pas mort. Sa survie dépend de la capacité de chacun d'entre nous à se réinventer. C'est très angoissant, passablement vertigineux même. Mais c'est passionnant. Galvanisant.

     

    Je n'ai plus l'énergie phénoménale de mes années au Palais fédéral. Ni celle de 1994. Encore moins celle de Forum. J'ai besoin de deux fois plus de sommeil qu'il y a dix ans. Mais je prends ici l'engagement de me battre pour la survie du métier, quel que soit le vote du souverain, le 4 mars. Soyons ACTEURS de notre destin.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Comète et filiation

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    Sur le vif - Samedi 30.12.17 - 12.04h

     

    Enfant, puis adolescent, j'aimais passionnément les symphonies. A commencer par les neuf de Beethoven, que j'écoutais en boucle. Initié très tôt à Wagner (en Allemagne), j'étais fasciné par l'influence de Beethoven sur les premiers opéras du musicien qui allait jouer, dans ma vie, un rôle si important.

     

    Plus tard, j'ai découvert le lien - le même, si bouleversant - entre Wagner et Richard Strauss. De Buxtehude à Bach, de Mozart au jeune Beethoven, la magie de la transmission. Sur ce thème, qui me travaille, j'aimerais écrire. Tiens, je rêverais de me lancer un jour dans une Histoire des filiations au sein de la musique allemande. À destination du grand public.

     

    Et ce même Beethoven, qui reprend le thème du Judas Maccabée, de Haendel, qu'il désigne (sur son lit de mort) comme "le plus grand des musiciens". Toujours le lien, toujours le legs, la re-connaissance. Vous vous rendez compte : au moment de rendre son dernier souffle, l'homme qui a révolutionné la musique, lui, "la force la plus héroïque de l'art moderne" (Romain Rolland, Vie de Beethoven, 1903), rend hommage... à l'un de ses prédécesseurs ! Comme à un père. Mystère de la filiation. Il ne fait pas table rase du passé : il le sublime, pour le fondre dans l'avenir. Au cœur d'une galaxie de feu.

     

    En vieillissant, j'ai laissé venir à moi le miracle de la musique de chambre. Celle où chaque note, séparément, se perçoit et s'identifie. Aujourd'hui, je ne peux plus m'en passer.

     

    Oh, j'écoute toujours des œuvres pour grands ensembles. Y compris les plus contemporaines. Avec une prédilection pour la toute dernière de Béla Bartók, le Concerto pour orchestre, composée à New York (1943) dans le désespoir et la misère, où la présence de chaque instrument, par elle-même, illumine l'ensemble. Ultime chef d'œuvre d'un géant.

     

    Mais l'attrait des petits ensembles me fascine. Pour le lied, un piano et une voix. Ici un violon, un alto, un violoncelle. Et chaque fois, comme le passage d'une comète, la promesse d'un nouveau monde.

     

    Un jour, quelque part, avec une poignée de passionnés, pour mettre en valeur les jeunes, et placer la musique dans l'ombilic du monde, au coeur du lien de vie, je reconstituerai le Petit Conservatoire.

     

    Pascal Décaillet

     

  • 2018 : une Année qui respire !

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    Sur le vif - Vendredi 29.12.17 - 17.16h

     

    Mes vœux pour 2018 : je nous souhaite à tous une année qui respire.

     

    Une année où il fasse bon vivre. Plaisir à être ensemble. Dessiner des scénarios pour un futur commun. En nous engueulant, parfois. Ca fait du bien. Ca fait partie de la démocratie. Il faut se méfier des eaux trop calmes.

     

    Respirer, au sens de la musique. Et de la poésie, lue à haute voix. Apprendre, dès l'aurore de la vie, ce qu'est une virgule, un point, un point-virgule, une interrogation, une suspension, un "e" muet, celui qu'on compte dans le vers, celui qu'on élide. Apprendre le soupir, la pause, la double croche. Le chemin vers l'oralité, qui est l'une de mes passions, donc celui (par exemple) de la parole radiophonique, se trace doucement, patiemment, dans la mise en succession des syllabes et des silences, des accélérations et ce qu'on retient, du souffle éperdu et de l'immobilité feinte. Ou réelle. La radio est un jeu de vie et de mort.

     

    Notre école, dès le plus jeune âge, a besoin d'organiser le silence et la parole, le "h" qu'on aspire et celui qu'on élide, ou même qu'on élude. Amener l'élève à tenir un discours sur le langage. De mon temps, cela s'appelait la grammaire, et puis l'analyse logique, j'ai toujours trouvé ça génial, en français, en allemand, en latin, en grec. Mais peu importe le nom de ce méta-langage, pourvu qu'il existe. Non pour dominer la langue (quelle illusion, quel étouffement !), mais pour mieux l'embrasser. L'étreindre ? Celui qui prétend à l'oralité doit prendre des risques avec le verbe. Se montrer joueur, avec la mort.

     

    Respirer, dans le regard qu'on porte à l'actualité. Lui donner toute son existence, oui, mais aussi du sens, du champ, de l'arrière-pays. Cela, pour moi, passe par l'Histoire. Mais chacun usera de l'outil qu'il voudra. Pourvu que chaque décrypteur, en plus de nous l'annoncer, cette actualité, nous emmène dans son univers de références à lui. Sa valeur ajoutée. A ce choc de signifiants, personne n'a objectivement raison, encore moins théologiquement, ni mathématiquement. On confronte les subjectivités, on frotte des silex. Peut-être une intelligence collective, entre gens de bonne volonté, triera-t-elle le bon grain et l'ivraie. Je voudrais y croire.

     

    Respirer, chacun d'entre nous, dans son chemin de vie, son rapport à la mort. Respirer face au destin, face à l'inéluctable. Respirer, tant que demeure en nous le moindre souffle qui nous le permette.

     

    Prenez La Fontaine, les Fables, le Héron. Enregistrez-vous. Essayez de le dire juste, ce texte sublime, vous les retrouverez très vite, ces "h" qu'on aspire, ceux qu'on avale, ceux qu'on ignore, ces "h" comme dans "Héron", comme par hasard le titre du poème. Comme par hasard, sur un animal qui a faim. Comme par hasard, un texte où il est question d'avaler, aspirer. Le Héron voudrait manger, il laisse passer ses proies, il ne peut plus. Ne pas manger, à la fin, c'est la mort. Ne pas respirer, aussi. Il faut apprendre à le lire, ce "Héron", de La Fontaine, avec l'exigence absolue de respirer juste, scander juste, donner à chaque virgule, chaque syllabe, l'exactitude de son poids. Enregistrez-vous. Ecoutez-vous, vingt fois, cent fois. Recommencez. Ne boudez ni votre plaisir à l'écoute de votre propre voix, ni votre rage à chaque faiblesse de votre lecture. C'est ainsi que l'on progresse en radio, que l'on avance dans l'ordre de l'oralité.

     

    Oui, je nous souhaite à tous une année de la respiration. Non pour s'extraire du combat. Mais pour donner du corps, du souffle, des poussées de sang et de désir à notre rapport à la vie. Face à la mort.

     

    Excellente Année 2018 à tous !

     

    Pascal Décaillet