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Sur le vif - Page 646

  • Italie : de quoi se mêle Macron ?

     

    Sur le vif - Jeudi 14.06.18 - 07.34h

     

    La leçon de morale administrée à l'Italie, sur sa gestion de la crise migratoire, par Emmanuel Macron, est un scandale.

     

    L'Italie se trouve être, par sa situation géographique, comme la Hongrie, en première ligne sur le front des flux migratoires. Elle a dû déployer, ces dernières années, d'immenses efforts, abandonnée par ses chers voisins (dont la France !) et par Bruxelles. En matière d'asile comme ailleurs, la "dimension européenne" est une fiction, seule existe la solitude de chaque nation.

     

    Fatigué de porter seul le fardeau migratoire, le peuple italien, lors d'élections parfaitement démocratiques et régulières, en mars, a voté majoritairement pour deux partis proposant une régulation plus stricte de l'immigration.

     

    Ces partis, après des mois de gesticulations de la vieille classe politique (jusqu'au plus haut niveau) pour les empêcher d'accéder aux affaires, sont enfin au gouvernement. Ils sont là pour appliquer la politique voulue par une majorité du corps électoral : c'est cela, la République !

     

    Dans cette affaire, que vient faire M. Macron ? De quoi se mêle-t-il ? Qu'a-t-il accompli de si extraordinaire, chez lui, dans la gestion de la crise migratoire, pour venir faire la leçon au pays qui se trouve en première ligne ? Ce bourgeois connaît-il Calais ?

     

    M. Macron ferait mieux de s'occuper de la cohésion sociale française. De ses cheminots. De ses infirmières. De ses enseignants. De ses ouvriers. De ses chômeurs. De la souffrance de ses paysans. Il n'a aucune légitimité pour venir faire la morale à l'Italie.

     

    Le Président du Conseil italien a réagi vivement, il n'a aucune intention de se laisser faire par le beau parleur de l'Elysée. Et il a mille fois raison.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Saint Thomas

     

    Sur le vif - Dimanche 10.06.18 - 15.06h

     

    Mon père était ingénieur en génie civil et bâtiment. Pendant près d'un demi-siècle, il a œuvré. Il ne se réjouissait jamais d'une construction avant qu'elle ne fût achevée. Ou du moins, avant le bouquet, sur le toit, avec les ouvriers.

     

    Ce primat du concret sur les brasseurs de vent, Genève en aura rudement besoin, dans les années qui viennent.

     

    Parce que changer la loi avec des grandes promesses 2030, c'est bien, mais construire VRAIMENT, c'est mieux. Et là, tel Saint Thomas, j'attends de voir.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Martin Luther : souffle et lumière

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    Sur le vif - Vendredi 08.06.18 - 18.48h

     

    Pas un jour sans que je ne pense à l'immensité de l'importance de cette traduction de la Bible en allemand, par Martin Luther, autour de 1522.

     

    C'est l'acte fondateur de la modernité de la langue allemande. Un texte pétri de sens et du génie du verbe. Luther est un penseur, mais il est aussi un écrivain, un inventeur de mots. Pour un peuple entier, pour des millions de germanophones, il jette dans l'espace public un texte d'exception. Qui servira, plus tard, de support à Jean-Sébastien Bach, et plus tard encore à Brahms. Il propulse le texte biblique dans la langue véhiculaire des gens de son époque. Désormais, à partir de ce début du seizième siècle, ils vont au Culte, ils comprennent. Vous vous rendez compte de ce que cela signifie ?

     

    Je réfléchis à la suite de ma Série allemande, entamée l'été 2015, 24 épisodes déjà bouclés et publiés. Mon problème, comme toujours avec ce qui me passionne, est ma très grande difficulté à faire des choix. Alors, je voudrais parler de tout, en même temps, en oubliant la chronologie (oh, rassurez-vous, elle est dans ma tête, au millième de millimètre), en mêlant l'Histoire musicale (qui me dévore de plus en plus) à celle des textes poétiques, sans oublier bien sûr la politique. Et surtout, l'Histoire de la langue allemande elle-même : de Luther à Bertolt Brecht (autre génie total de l'invention verbale), en passant par le Sturm und Drang, et bien sûr les Frères Grimm.

     

    Au milieu de ce fatras, d'apparence désordonnée mais où je sais parfaitement où je vais, la permanence de figures tutélaires, cosmiques, qui m'englobent, donnent du sens à ma vie. Il y a Beethoven. Il y a Richard Wagner. Il y a Bach et Brahms, Haendel, Richard Strauss, Mendelssohn, et des dizaines d'autres musiciens allemands. Il y a tous ces poètes, auxquels je fus jadis initié par un professeur d'exception, Bernhard Boeschenstein. Il y a Brecht, Thomas Mann, et tous les autres.

     

    Tous ceux-là, oui, et tant d'autres. Mais à la source de tout, il y a Martin Luther. Et sa traduction de la Bible. Je ne suis pourtant pas Réformé, comme on sait, mais la lumière de cet homme, sur la langue et l'imaginaire de tout un peuple, me fascine totalement. Depuis l’adolescence.

     

    Lorsque je dis "Je sais où je vais", il me faut être plus précis. Je dirais plutôt qu'au milieu de la nuit, du fracas et désordre, j'ai étrangement confiance, propension qui (c'est un euphémisme) ne m'est pas exactement naturelle. Dans l'univers germanique, depuis toujours, je me sens chez moi. Intimement habité, depuis l'âge de 13 ans, sans doute depuis ma visite de l'Expo Dürer, en 1971, à Nuremberg, pour les 500 ans de la naissance du peintre, à quelques jours de ma première rencontre avec Wagner, par l'idée qu'il existe un fil conducteur du destin allemand. Un fil invisible. Un anneau précieux, à trouver ? Un... Ring. Ce qui, à un œil extérieur, non-initié à la complexité allemande, donne l'apparence d'un chaos, dissimule la cohérence d'une vérité voilée.

     

    C'est pourquoi je suis si attaché à Wagner. Et tout autant, à ce texte si singulier, si énigmatique, si secret parfois aussi, en tout cas si difficile pour moi, qu'on appelle la Bible. En la traduisant dans la langue de tous, Martin Luther a tenté - avec un génie incomparable - de donner du sens à un langage crypté. Une aventure de l'esprit, dans la puissance incarnée du verbe. Avec ou sans majuscule à ces deux mots, esprit et verbe, chacun orthographiera comme il voudra.

     

    Une chose est sûre : dans les enjeux fondamentaux du destin allemand, dans la nuit comme dans la lumière, dans la rédemption comme dans le crime, dans la joie comme dans la douleur, dans l'architecture comme dans le chaos de la destruction totale (1648, 1945), il y a la question théologique. Celle du rapport au verbe. Et c'est pourquoi, justement, cette aventure de traduire la Bible en allemand représente, à mes yeux, l'un des défis humains les plus saisissants. Peut-être Martin Luther est-il, avec Beethoven, l'Allemand par excellence. Celui qui défie l'Ordre cosmique, pour lui donner du sens.

     

    Pascal Décaillet