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Sur le vif - Page 650

  • Adrien et ses crayons

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    Sur le vif - Vendredi 11.05.18 - 04.49h

     

    Au Proche-Orient, il y a un pays qui s'appelle Israël, et qui possède l'arme nucléaire.

     

    Dans le monde, il y a une super-puissance, qui s'appelle les États-Unis d'Amérique. Ils possèdent la bombe atomique depuis 1945, et en ont immédiatement fait usage, à deux reprises, contre le Japon. A ce jour, en 73 ans, ils demeurent les seuls à s'être servis de l'arme nucléaire. Leur arsenal atomique est le premier du monde.

     

    Israël, les Etats-Unis. Aujourd'hui, plus que jamais alliés contre l'Iran. Eux, on ne leur demande jamais de comptes. On ne leur envoie jamais "d'inspecteurs" ? On trouve, chez eux, normal et justifié, ce que l'on dépeint comme satanique dans la recherche nucléaire iranienne.

     

    Deux poids, deux mesures. Une vision du monde, un discours, imposés par le poids des convenances atlantistes et occidentales. L'empire d'une morale au service du Bien, comme dans les plus grands moments de la Guerre froide et du maccarthysme.

     

    La vision cosmopolite et mondialiste, celle d'une gouvernance planétaire, n'a rien de neutre, ni de dégagé des intérêts nationaux. Sous le paravent d'une diplomatie multilatérale qui brasse de l'air et dont on a pu mesurer l'efficacité dès 1919, puis dès 1946, elle n'est rien d'autre que la face présentable des appétits de la domination américaine sur le monde. Avec, depuis (presque) jour pour jour 70 ans, un allié indéfectible au Proche-Orient.

     

    Pendant ce temps, la Palestine n'a toujours pas d'Etat. Gaza étouffe. La Cisjordanie et Jérusalem-Est, toujours de facto sous occupation. Cela, depuis 51 ans. Dans un mois. Pendant ce demi-siècle, des milliers de tonnes d'air brassés par la "diplomatie internationale". Des millions de litres de kérosène grillés par les émissaires de l'ONU. Mais une seule réalité, noire, archaïque comme la permanence du tragique : celle des intérêts nationaux américains, impérialistes, et celle des intérêts nationaux israéliens. Pour la Palestine, pas d'Etat.

     

    La diplomatie mondiale n'existe pas. Elle n'est, depuis le Président Wilson et la Genève de 1919, celle d'Adrien Deume qui taille ses crayons, qu'une fiction pour tenter d'apaiser l'inquiétude des âmes. La seule réalité, intangible, demeure celle des nations.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La Perse, intangible et millénaire

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    Sur le vif - Mercredi 09.05.18 - 07.57h

     

    À l'éditorialiste qui, ce matin, ose affirmer que "l'Iran est un danger pour le Moyen-Orient", il faut juste répondre que l'Iran EST au Moyen-Orient. La vieille Perse, depuis des millénaires, inamovible et riche d'une Histoire incomparable, EST l'une des composantes incontournables de cette région du monde.

     

    Face à cette réalité historique, les gesticulations et l'arrogance d'un État n'existant que depuis 242 ans, situé à des milliers de kilomètres de l'Orient compliqué, auquel il n'a jamais compris grand chose, ne seront pas plus efficaces qu'elles ne le furent, dans les années 60, face à la volonté d'affranchissement et de souveraineté d'un petit peuple de paysans, appelé Vietnam.

     

    Pour l'heure, que je sache, le seul pays à avoir fait usage de l'arme atomique, en 73 ans, s'appelle les Etats-Unis d'Amérique. C'est un fait. Une réalité historique. Août 1945, à deux reprises, sur le Japon. L'un des rares, aujourd'hui, à pouvoir en faire usage à tout moment, c'est encore lui. De quel droit ose-t-il, lui surarmé, distribuer aux autres ses leçons de morale ?

     

    Le fauteur de guerre, où est-il ? Dans les populations implantées depuis des millénaires au Moyen-Orient, ou chez les faucons de Washington ? L'Iran, au-delà de savoir s'il est dirigé par le Shah, par Mossadegh ou (depuis 1979) par le régime des mollahs, est, avant toute chose, une grande nation, pétrie d'Histoire et de culture, de sciences, une réalité vécue, sur l'échiquier.

     

    C'est la nation, dans l'Iran, qu'il faut considérer, dans ses permanences, la puissance tectonique de sa continuité. Les idéologies passent, les nations demeurent. Les caprices de l'arrogance américaine passent, la présence millénaire de la Perse continuera, pour des siècles ou des millénaires, d'exercer sa puissance d'arbitrage sur l'échiquier du Moyen-Orient.

     

    Pour les pays d'Europe, c'est l'occasion ou jamais d'affirmer que leur relation avec l'Iran relève de leur choix souverain, et non d'un alignement sur les États-Unis d'Amérique. On espère que la Suisse, qui n'est pas partie prenante de l'Accord de 2015, trouvera les mots pour affirmer une volonté de solution politique qui passe par le dialogue et la reconnaissance, et non par l'obédience. Si le Conseil fédéral pouvait se montrer plus courageux qu'au printemps 2003, lors de la catastrophique expédition américaine sur l'Irak, notre pays en sortirait grandi. La neutralité, ça n'est pas se taire. Et c'est encore moins s'aligner sur les puissants et l'arrogance, juste parce qu'ils manient les milliards de dollars.

     

    Plusieurs millénaires avant la déclaration d'indépendance des Etats-Unis, la vieille Perse brillait déjà de mille feux. Si elle devait, aujourd'hui, se sentir menacée, la levée en masse serait mue en priorité, comme dans la Russie de 1941, par la défense acharnée de la terre nationale, de la mémoire collective, de la communauté dans l'ordre de l'Histoire. Ces données de fond, intimes et intangibles, bien avant la défense d'un régime.

     

    Les idéologies passent, les nations demeurent.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Mai 68, l'anti-Révolution

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    Sur le vif - Vendredi 04.05.18 - 11.50h

     

    Il faut arrêter de parler de "Révolution" au sujet de Mai 68.

     

    1789 est une Révolution. 1830, aussi. De même, 1848. 1917, bien sûr. Et le 9 novembre 1918, en Allemagne, scandaleusement ignorée dans les écoles, alors qu'elle est majeure, et porte les germes de la Contre-Révolution de 1933. Pourquoi les profs d'allemand ne font-ils pas lire le génial "November 1918", d'Alfred Döblin, à leurs élèves ?

     

    Mai 68 n'a absolument rien d'une Révolution. Les étudiants voulaient renverser l'ordre établi, ils ont non seulement échoué, mais, la France ayant eu peur, elle a, en juin, conduit à la Chambre, pour cinq ans, une majorité de la peur, conservatrice. Celle de Pompidou, tellement éloignée du virage social justement entamé par de Gaulle, dont Mai 68 a ruiné les espoirs. Aujourd'hui, qui connaît encore le gaullisme social, celui de Louis Vallon et René Capitant ?

     

    Le révolutionnaire, devant l'Histoire, c'est de Gaulle, ce moine-soldat, ombrageux, incorruptible, haï par les puissances de l'Argent, celles qui avaient fait de très bonnes affaires, entre 1940 et 1944.

     

    Après, on nous parle de Révolution des mœurs, de sujets "de société", voire liés à la sexualité. Je veux bien. Mais toutes ces choses-là, propres à l'évolution des mentalités dans les années 60, étaient déjà dans l'air depuis quelques années. Cette évolution, avec ou sans les éruptions libertaires du Quartier Latin, se serait de toute manière produite. Entamée au milieu des années 60, elle déploie ses effets jusqu'à la fin des années 70, en gros jusqu'à Mme Thatcher.

     

    Une Révolution, relisez Marx (200 ans demain !) ou Engels, lisez aussi la Guerre du Péloponnèse, de Thucydide, présuppose le renversement institutionnel d'une société par une autre. Les excitations estudiantines de Mai 68 n'ont obtenu que la France de Pompidou, le vieux renard prudent de la Banque Rothschild. Pompidou, le matou matois que Mauriac, dans une fulgurance de plume, avait en 1963 surnommé Raminagrobis. Bref, la France de Guizot. Comme Révolution, on fait mieux.

     

    Pascal Décaillet