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Sur le vif - Page 633

  • Être conservateur

     

    Sur le vif - Jeudi 18.01.18 - 15.03h

     

    Être conservateur, pour moi, ça n'est pas revenir au passé. Je l'ai déjà écrit ici : j'étais enfant dans les années soixante, elles me laissent certes une profonde nostalgie, mais je ne prétends pas pour autant qu'elles aient été meilleures qu'aujourd'hui.

     

    Sur ce qui me passionne, en tout cas, l'acquisition des connaissances, les passerelles entre les différents domaines, il n'y a pas photo : enfant, puis ado, je passais mes jeudis et samedis à la Bibliothèque municipale, je dévorais les journaux et les encyclopédies. Aujourd'hui, tout cela, chacun d'entre nous l'accomplit face à son écran : internet est une invention absolument géniale pour tout esprit un peu curieux ! A cet égard, par exemple, pas question de refuser le progrès.

     

    Non. Être conservateur, pour moi, ça n'est pas une marche arrière vers le passé. Mais, assurément, c'est le connaître. Dans toute sa complexité. En écoutant toutes les voix de nos ancêtres, celles des vaincus comme celles des vainqueurs, celles des maudits comme celles des sanctifiés. Rien de moins idéologique que la démarche historique : comprendre les événements d'Algérie (1954-1962), par exemple, en se passionnant tout autant pour la vision des générations de colons, entre 1830 et 1962, que pour celle des différentes factions de la Résistance algérienne, depuis l'Emir Abdel Kader jusqu'aux Accords d'Evian, en passant par les grandes figures de Messali Hadj et de Ferhat Abbas.

     

    Être conservateur, c'est prendre acte du passé. Le monde n'a pas commencé avec nous. Il existe de puissants antécédents à notre irruption, il y a des chaînes de causes et de conséquences : tout cela, il faut l'étudier, en profondeur.

     

    Lorsque les guerres des Balkans ont éclaté, en 1990, il y avait ceux, très rares, qui avaient étudié de près l'Histoire complexe et passionnante de cette région. Et puis, en face, la masse de ceux qui n' y connaissaient rien, et n'ont jugé ces guerres que sur les présupposés moraux que nous balançaient les intellectuels parisiens à chemise blanche, immaculée. Celui qui connaît l'Histoire se méfiera des jugements moraux. Il usera d'autres clefs de lecture.

     

    Être conservateur, ça n'est pas refuser le présent : ce serait folie. Mais vouloir le vivre en respectant certaines valeurs qui vous semblent essentielles. L'humain, au centre de tout. Son épanouissement. La définition, par les communautés humaines, de projets collectifs, la seule réussite individuelle n'étant qu'un leurre. Le refus de l'économie spéculative, de casino. La présence de frontières, non pour isoler ni pour couper, mais pour définir les lieux d'appartenance. Le respect de l'environnement et des paysages. L'accès à la culture, pour tous. La lecture, à voix haute, dès les petites classes de l'école, des grands textes, avec la ponctuation bien marquée par la respiration. Avec le rythme, les silences, la mise en valeur de chaque syllabe, au bon endroit. Des lieux pour la musique, qui est au fond ma passion première : n'appelle-t-on pas cela un "Conservatoire" ?

     

    Le Conservatoire, tiens musical par exemple, que doit-il nous transmettre ? Les compositeurs du passé, certes. Mais aussi, ceux d'aujourd'hui ! Toute musique est contemporaine. Et là, dans cet exemple, il s'agit tout autant de faire connaître, en les "conservant", les créations les plus audacieuses, les plus récentes, avec ce qu'elles impliquent de transgression pour nos oreilles, que les chefs d’œuvre de Brahms ou de Haendel.

     

    Être conservateur, ça n'est pas aimer la poussière. C'est prendre la peine, délicatement, de souffler sur elle pour partager l'éclat de vie que les modernistes voudraient donner pour mort. Être conservateur, c'est cheminer vers l'idée, totalement révolutionnaire en soi, transgressive, insensée, de résurrection.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Vanité des étendards

     

    Sur le vif - Dimanche 14.01.18 - 18.22h

     

    Longtemps passionné par l'Histoire des partis politiques (en Suisse, en France, en Allemagne), illuminé par les études d'Olivier Meuwly sur les sources et l'évolution du radicalisme en Suisse, je crois de moins en moins aux bons vieux partis, avec leurs fidèles membres, leurs grands-messes, leurs assemblées de délégués, comme relais du débat démocratique.

     

    Oh, pour quelques décennies, ils seront sans doute encore là. Mais la politique change ! La démocratie directe, à commencer par la pratique de l'initiative populaire, fonctionne beaucoup plus par regroupements d'énergies autour d'un objectif, que par l'adhésion de toute une vie à telle paroisse, telle chapelle, avec ses médailles reconnaissantes pour trente, quarante ans de sociétariat.

     

    Et puis, il y a les réseaux sociaux. Aujourd'hui, ile ne remplacent pas les partis. Mais demain ? Après-demain ? Sortis de l'âge du poste à galène (cf mon dernier texte sur le sujet), ils vont constituer, dans les années qui viennent, un mode de partage et d'acquisition des connaissances, de fédération des énergies dans tel ou tel combat ponctuel, qui pourrait bien rendre caduques les bonnes vieilles réunions hebdomadaires de comitards, avec leurs banderoles qu'on sort dans les grandes occasions, comme d'autres sortent la Madone pour la Fête-Dieu, leurs Cènes de la vie partisane, leurs petites trahisons, leurs Judas, leurs Passions à la petite semaine.

     

    De quoi sont nés les partis ? De la liberté de réunion et d'association issue de la Révolution française. De la nécessité, aux aurores de la République, de se fédérer sous une bannière, la Gironde ou la Montagne, le Club des Jacobins. Dans les villages, défiler dans une même fanfare, avec son lieu de répétition à quelques dizaines de mètres de la fanfare rivale. Et puis, se réunir, boire des verres, monter des coups. Héroïque époque, avec ses grognards, sa geste et sa légende.

     

    Tout cela, oui. Mais aujourd'hui ? Demain ?

     

    Les partis ne sont pas morts, loin de là. Mais déjà, j'entrevois le temps où la politique se fera autrement que par batailles rangées sous la couleur des étendards. Gestion par objectifs, comme dans les initiatives ! Il n'est, au fond, exigé de personne, sauf dans un surmoi où le rêve le dispute à la folie, de passer sa vie dans le même parti, privilégiant ainsi la cimentation paroissiale, et la permanence du clan, à l'intérêt supérieur d'une communauté humaine.

     

    Un jour, la politique se fera sans les partis. Mais rassurez-vous, pas tout de suite. Je vous laisse. J'ai mon Stamm.

     

    Pascal Décaillet

     

  • L'intérêt supérieur du public

     

    Sur le vif - Dimanche 14.01.18 - 10.05h

     

    Pendant mes premières années au Journal de Genève, puis mes 17 ans à la RSR, puis mes 12 ans comme entrepreneur indépendant, je n'ai jamais varié d'un iota dans ma manière de faire du journalisme. Selon que je travaille pour un média public ou privé.

     

    Dans les deux cas de figure, j'ai toujours exercé mon métier en m'adressant à des citoyennes et des citoyens, sur des sujets jugés par moi comme relevant de l'intérêt collectif. La politique. Mais aussi la culture. A des citoyens, et jamais à des "clients" !

     

    À GAC, ces derniers mois, nous avons fait des émissions spéciales sur le soufisme en Égypte suite aux attentats du Sinaï, sur Boko Haram et les horreurs commises dans le Sahel, sur l'islamisme meurtrier dans la corne de l'Afrique (suite aux attentats de Mogadiscio), sur les multiples visages du Liban, sur l'Iran, sur la politique américaine au Moyen Orient, sur l'indépendantisme catalan. Sur la crise de l'industrie lourde à Genève. Nous avons présenté des artistes, des musiciens, des chefs d'orchestre, des metteurs en scène, de passage à Genève. Tout cela, en plus de la couverture intensive de l'actualité politique genevoise, et fédérale aussi.

     

    Où est la berlusconisation ?

     

    Mes confrères et consœurs de Léman Bleu, œuvrant pour d'autres émissions de la chaîne, travaillent tous, avec passion, dans le même état d'esprit : au service du public, de l'information, de la proximité. Je pense pouvoir dire la même chose des gens de La Télé, de Canal 9, etc.

     

    En quoi, parce que c'est privé, est-ce de moindre exigence, dans l'ordre de l'intérêt supérieur du public et de l'ouverture à l'autre, que si c'était public ?

     

    Pascal Décaillet