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Sur le vif - Page 54

  • Berset à Kiev : la visite de trop

     
    Sur le vif - Samedi 25.11.23 - 08.12h
     
     
    On apprend à l’instant qu’ Alain Berset est à Kiev. « Visite d’Etat préparée en secret ».
     
    Ce déplacement est un absolu scandale. Après la visite marketing de Macron, où deux Présidents se sont pavanés en se tutoyant, et rien d’autre de concret, voici la diplomatie du coup de pub. Points de vue et images du monde. Nul doute que la presse dominicale nous livrera demain photos et récits, très riches heures du voyage, à la manière du duc de Berry.
     
    À quoi rime ce voyage ? Qui a autorisé Berset à organiser cette visite d’Etat ? Le Parlement a-t-il été informé du projet ? Le bling bling Berset engage toute la Suisse, son peuple, ses citoyens, son image internationale, dans une aventure de pure promotion personnelle. On va dire bonjour au gentil de Kiev, juste pour récolter l’adoubement béat des bien-pensants.
     
    La diplomatie suisse est une catastrophe. Le ministre des Affaires étrangères compromet notre neutralité, dans l’affaire ukrainienne comme dans celle du Proche-Orient. Et un Président sur le départ multiplie les coups d’éclat, juste pour faire parler de lui et se mettre en avant.
     
     
    Pascal Décaillet

  • La possibilité d'une ombre sur l'insouciance de la vie

     
    Sur le vif - Mardi 21.11.23 - 15.11h
     
     
     
    L'assassinat de JFK, à Dallas. 22 novembre 1963. Demain, cela fera exactement 60 ans.
     
    Je me souviens exactement où j'étais lorsque ma mère, très émue, nous a annoncé la nouvelle. J'avais cinq ans et cinq mois. Nous venions d'emménager dans un appartement flambant neuf, beaucoup plus grand que le précédent. Ca sentait bon la colle de tapisserie. A ce moment précis, j'étais dans la cuisine, nous y avions un transistor beige, qui a accompagné toute mon enfance. Juste à côté, dans la salle à manger, nous avions une très vieil appareil TSF d'avant-guerre, avec les noms des stations : Moscou, Beromünster, Prague, Belgrade.
     
    Ma mère était bouleversée. Je ne savais pas qui était Kennedy. Je ne connaissais pas le verbe "assassiner". Le seul homme d'Etat qui me fût familier, c'était de Gaulle : déjà dans notre ancien appartement, celui d'avant, plein de charme mais trop petit pour quatre, j'avais assisté plusieurs fois, fasciné, à ses interventions télévisées, théâtrales, en noir et blanc. Le noir, très noir, augmentait le tragique.
     
    Ce 22 novembre 1963, ou plutôt sans doute le 23, j'ai appris le verbe "assassiner". Mes parents nous avaient déjà laissés seuls, ou avec une jeune fille, ma soeur aînée et moi, pour aller à des enterrements à Orsières, donc la mort, ça devait plus ou moins me dire quelque chose. Je n'avais connu aucun de mes quatre grands-parents, tous trop tôt disparus, à commencer par mon grand-père maternel, Maurice Rausis, décédé en 1925, à l'âge de 33 ans. Mais en une seconde, ce jour de novembre 1963, lorsque ma mère m'a expliqué qui était Kennedy, et ce que signifiait le verbe "assassiner", j'ai senti, puissamment, la possibilité d'une ombre sur les bonheurs et les insouciances de la vie.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Où est passée la politique arabe de la Suisse ?

     
    Sur le vif - Lundi 20.11.23 - 16.27h
     
     
    Il fut un temps, dans ma jeunesse, où la Suisse avait une politique arabe. Je pense notamment aux années où le Neuchâtelois Pierre Aubert était aux Affaires étrangères, avec comme Secrétaire d'Etat le brillant Édouard Brunner, que j'ai eu maintes fois l'occasion d'interviewer. Mais déjà sous Max Petitpierre, entre 1945 et 1960, la Suisse avait sens aigu, avisé, des bons offices, alors que sévissaient les guerres coloniales. Celle d'Algérie, notamment.
     
    Cette époque-là, avec Ignazio Cassis, est révolue. La Suisse est amie d'Israël, je m'en félicite. Mais combien de liens, officiels ou informels, avec le monde arabe se sont distendus depuis des années ! Lorsque j'étais à Ramallah, il y a dix-neuf ans, en novembre 2004, pour couvrir en direct, au milieu d'une foule immense, les funérailles de Yasser Arafat, présentant un Forum spécial à vif sur l'événement, la présence suisse dans les Territoires était sensible, palpable. Nous étions bien accueillis, par tous les partenaires : Israéliens, Palestiniens de toutes tendances. Aujourd'hui, que reste-t-il de ces liens ?
     
    On dirait que M. Cassis ne s'intéresse pas au monde arabe, dans son infinie complexité. Il pourrait, tout au moins, encourager chez ses diplomates les voies de la connaissance. Ca passe par les langues orientales, par une immersion dans l'Histoire et dans la culture de tous ces peuples. Idem pour l'Islam. Quand je vois certains esprits prétendument "éclairés", chez nous, mettre dans le même panier, à la Zemmour, Islam et islamisme politique, voire guerrier, je mesure le chemin à parcourir.
     
    M. Cassis, vous laissez s'évanouir les voies de la connaissance. Votre obédience au camp "occidental" (pour ma part, je n'utilise jamais ce mot), à l'atlantisme, aux Etats-Unis d'Amérique, toutes ces génuflexions devant les puissants ne sont pas à la hauteur de la politique étrangère suisse. Celle-ci doit être neutre, c'est sûr. Mais la neutralité n'est pas l'ignorance. Au contraire, elle doit se nourrir de toutes les langues du monde, toutes les civilisations, sans en mépriser aucune.
     
    M. Cassis, je n'ai strictement rien contre vous. Mais vous serviriez peut-être mieux la Suisse dans un autre Département.
     
     
    Pascal Décaillet