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Sur le vif - Page 53

  • La Suisse doit se réinventer une passion industrielle !

     
    Sur le vif - Lundi 28.10.24 - 10.08h
     
     
    L'industrie suisse se meurt, le Conseil fédéral se tait. Il tournicote autour des affaires de santé, se livre en otage aux puissances financières. Il patine en matière européenne. Il se tait sur le Proche-Orient. Il s'inféode à l'Oncle Sam sur l'Ukraine. Et, accessoirement, nous offre un océan de silence face aux difficultés de notre sidérurgie, enfin ce qu'il en reste, après quatre décennies d'abandon de toute ambition industrielle, au profit d'une société de "services" consistant, en absolue priorité, à "servir" les actionnaires, laisser l'outil de production émigrer à l'étranger, ne même plus savoir ce qu'est, par exemple, la métallurgie. Ce Conseil fédéral est aux fraises. Pas les fraises suisses ! Celles d'Andalousie, qu'il laisse importer sans vergogne.
     
    La Suisse laisse s'effondrer la verrerie de Saint-Prex, fleuron du savoir-faire dans l'Arc lémanique. Elle laisse expirer les aciéries de Gerlafingen (SO). Notre ministre de l’Économie n'a aucune vision industrielle, aucune ambition de réinvention, il laisse juste ses compatriotes vaudois, sous la forme d'une bande de snobinards lausannois, surexcités par la proximité d'une grande école, se gargariser du mot "innovation", parler anglais, courir les cocktails en répétant le mantra "start-up". C'est peu, Monsieur le Conseiller fédéral. Le ministère fédéral de l’Économie ne se résume pas à signer des accords de libre-échange. Il faut avoir quelque chose à échanger. Et il faut avoir, aussi, le minimum de culture industrielle pour saisir le rôle viscéral, essentiel, de la métallurgie, produite en sites propres, chez nous, principalement pour notre marché intérieur. C'est cela aussi, la souveraineté. Demandez aux gens de la Ruhr, de la Silésie, de la Lorraine : ils en savent quelque chose !
     
    La Suisse doit sauver sa production d'acier, et la relancer avec enthousiasme. Elle doit encourager les jeunes aux travaux de la sidérurgie et de la métallurgie. Elle doit former ses ingénieurs, avec l'enthousiasme de la réinvention, à faire carrière dans ces secteurs. Elle doit lancer un plan national de la résurrection industrielle. En faire une politique active, imaginative, enthousiasmante. Où le rôle de l'Etat doit aller beaucoup plus loin que la dérisoire formule de "conditions cadres". La Suisse doit pratiquer un protectionnisme industriel, tous le font, à commencer par les géants que sont la Chine et les Etats-Unis. Pas un protectionnisme passif, recroquevillé. Non, un protectionnisme passionné, patriote, fourmillant de réinvention.
     
    Pour cela, Monsieur le Ministre, il faut une vision. Vous n'en avez pas. Le Conseil fédéral n'en a pas. Tout au plus, cette lâcheté du langage nommée "conditions cadres", traduisez abandon du politique face aux puissances financières, juste se plier en quatre pour leur arranger une fiscalité favorable. Bref, les élus du peuple suisse se comportent comme s'ils étaient chargés de la conciergerie du grand capital. Citoyen de ce pays, entrepreneur, passionné d'industrie et d'économie vraie et productrice, j'ai d'autres attentes pour la politique de mon pays.
     
     
    Pascal Décaillet
     
     

  • Nationaliser Sandoz : mais pourquoi pas !

     
    Sur le vif - Dimanche 27.10.24 - 16.37h
     
     
    Réuni en Congrès à Davos, le parti socialiste suisse lance l'idée de nationaliser Sandoz ! Il estime à environ 15 milliards le coût du géant suisse de la pharma. Il considère un achat de l'entreprise par la Confédération comme la garantie d'un intérêt supérieur : celui de l'approvisionnement du pays en médicaments.
     
    Eh bien je considère, pour ma part, que cette idée, lancée comme une grenade dégoupillée dans un pays à économie libérale, n'a strictement rien de saugrenu. Et mérite d'être étudiée. Oh, les libéraux riront, aveuglés pas l'arrogante illusion de leur éternité au pouvoir. Laissons-les rire. Nous sommes en démocratie. On a le droit le rire.
     
    Laissons-les rire, mais considérons le fond. Le pénurie de médicaments, récurrente, est l'un des grands problèmes de la politique de santé en Suisse. Or, notre pays est producteur, c'est quand même assez rare pour être souligné ! Et il faudrait, pour des raisons de valses financières, que le peuple suisse ne soit pas le premier servi ! C'est révoltant, contraire aux nécessités élémentaires de notre cohésion sociale. L'idée, dans ces conditions, d'un rachat de l'entreprise par la Confédération, est pertinente. Elle a toute sa place dans un débat politique où le peuple suisse, de plus en plus, réclame pour la Santé publique des solutions collectives, et non fondées sur la seule course privée au profit.
     
    Et puis, il y a autre chose. Après s'être vautré dans les sujets de société, le wokisme, et autres occasions d'aimable distraction pour bourgeois bobos, voilà que le parti socialiste suisse, membre du gouvernement fédéral depuis 1943, première force de gauche dans notre pays, le parti de Tschudi et de ses trois réformes complètes de l'AVS entre 1959 et 1973, revient à ses fondamentaux : le social, le contrôle des forces de production. Dire que je ne m'en plains pas est un faible mot.
     
    Alors oui, l'idée doit être débattue. C'est une idée claire, qui rappelle les grands transferts de pouvoir à l'Etat dans la France de la Libération, grâce à l'exceptionnelle vison politique de Charles de Gaulle, entre août 44 et janvier 46.
    On me dira que la Suisse n'est pas la France. Que nous ne sommes pas dans la pénurie d'une sortie de guerre. Ou même, peut-être, que...... Sandoz n'est pas à vendre ! On aura raison ou tort de me répondre ainsi. Mais un débat démocratique aura au moins été lancé, sur le contrôle, par le peuple et ses élus, du système suisse de production des médicaments. Si vous êtes libéral, riez. Je ne le suis pas, je ne ris pas : je pense à l'intérêt supérieur du peuple suisse. Et, au milieu de ce peuple, à l'intérêt supérieur des plus précaires.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Industrie allemande : un long suicide, depuis 35 ans

     
     
    Sur le vif - Dimanche 27.10.24 - 10.30h
     
     
     
    L'industrie allemande a nourri, sur place, mes rêves d'enfant. De mes visite d'usines, notamment dans la métallurgie, en ces années aujourd'hui si lointaines, sont nés les torrents de désir qui furent mythes fondateurs d'une partie de ma vie. Jusqu'à l'âge de 14 ans, je voulais devenir ingénieur en mécanique, et travailler dans une usine en Allemagne. Ce ne fut, au final, pas exactement mon trajet, mais la puissance des rêves demeure. Dans l'archaïsme des mes désirs.
     
    Aujourd'hui, en automne 2024, l'industrie allemande se porte mal. Oh, elle n'est pas à terre, loin de là, l'Allemagne demeure la quatrième puissance économique du monde, et la première d'Europe. Mais les carnets de commandes, notamment dans la métallurgie, dans les moteurs, dans l'automobile, dans la machine-outil, sont à la baisse. Les matières premières importées de l'étranger peinent à arriver en Allemagne. Aujourd'hui, octobre 2024, le mot "essoufflement" n'est plus assez fort. Il faut parler de récession.
     
    J'inscris le présent texte, ainsi que de nombreux qui vont suivre, d'ici au 9 novembre, dans mes réflexions, de plus en plus obsédantes, sur le 35ème anniversaire de la chute du Mur. Alors, pour aujourd'hui, ne prenons que cet exemple, celui de l'industrie, celle qui fut si puissante, si enviée, en Europe. Enviée par les Français. Enviée, beaucoup plus encore, par les Britanniques, que la Révolution industrielle allemande, dès le milieu du 19ème siècle, inquiétait de plus en plus, jusqu'à la fin des années trente. Et cela, tous régimes confondus.
     
    Ce qui terrorisait les Britanniques, Churchill (deux fois Premier Lord de l'Amirauté, les deux fois ce fut catastrophique) au premier rang d'entre eux, c'était la création, dès les années 1880, d'une puissance navale allemande, civile comme militaire, capable un jour de rivaliser avec eux sur la Baltique et en mer du Nord. La Seconde Guerre mondiale a donné aux Anglais l'occasion de régler quelques vieux comptes économiques avec la puissance industrielle allemande. Peut-être le bombardement britannique de Hambourg, juillet 1943, vous dit-il quelque chose.
     
    Revenons à ces 35 dernières années. Le déclin de l'industrie allemande provient des choix stratégiques des Allemands eux-mêmes, dès la chute du Mur. Les Allemands ont poussé à l'expansion de l'Union européenne vers l'Est, pour y implanter des site de production industrielle, et les contrôler. Soyons clairs : en Pologne, en Hongrie, d'innombrables usines sont dirigées par des Polonais, des Hongrois, mais le capital est, en majorité, en mains allemandes. Les dizaines de milliers de camions polonais que vous voyez sur les autoroutes allemandes, notamment en ex-DDR, sont des camions allemands. A plaques polonaises.
     
    Et l'Allemagne, depuis 35 ans, s'est habituée au petit jeu de cet impérialisme économique : entre Allemands, on se salit moins les mains, on laisse ce job aux gens de l'Est (tout heureux d'avoir du boulot), et progressivement on tourne l'économie allemande vers les services, la finance. Et, tout en maintenant sur sol allemand des sites aussi prestigieux que les usines principales de Volkswagen, ou Mercedes, on la grande chimie rhénane, on laisse délocaliser une quantité de PME moins connues, mais tellement performantes dans leur génie de niche, hyper-spécialisé.
     
    Ainsi, depuis 35 ans, au fil des années, l'Allemagne perd non seulement de sa capacité industrielle, mais, infiniment pire : elle perd, dès les rêves d'enfance ou d'adolescence des jeunes Allemands, la capacité à s'imaginer un épanouissement dans l'industrie. Oui, l'Allemagne, le pays du Romantisme, le pays de l'imagination industrielle, le pays qui gardait chez lui les forces de production, s'est laissé allé à l’hubris, la démesure, d'un Mittelland européen poliment germanisé, dont elle ne serait plus que l'état-major.
     
    C'est une dérive fatale. Un Allemand, pourtant, au milieu du 19ème siècle, un Rhénan de Trêves, observateur génial de la Révolution industrielle et de ses conséquences sociales, avait averti : "Le pouvoir appartient à celui qui contrôle les forces de production". Celui qui les contrôle, au plus près de la machine ! Pas celui qui, de loin, se ramollit en satrape de la délégation.
     
    Ce Rhénan translucide, les Allemands, depuis la chute du Mur, au lieu de le lire, l'ont, par arrogance, jeté à la poubelle. Il s'appelait Karl Marx.
     
     
    Pascal Décaillet