Sur le vif - Vendredi 29.12.23 - 09.36h
« La Russie subit des pertes énormes en Ukraine, affirme l’armée allemande ». Ce titre, assez énorme tout de même, dans la presse romande ce matin, pourrait dater de 1942. Ou même encore du printemps 43, entre Stalingrad et Koursk.
J’ai des dizaines de journaux, allemands principalement, dans mes caves, avec ce genre de titres. Fin 41. Printemps 42. Automne 42. Puis, mai-juin 43, au moment des dernières offensives Manstein, donc APRÈS Stalingrad. Et juste avant l’irrémédiable défaite, celle de Koursk.
On pourrait parler du fond : quel contrepied espère ce titre, alors que la réalité de ce début d’hiver 2023-2024, sur le front, marque plutôt des succès offensifs russes ? Mais laissons cela. La guerre des propagandes, des deux côtés, fait rage, c’est le jeu.
Non, c’est le choix des mots qui interpelle. Ceux qui ont choisi ce titre, sont-ils conscients du choc de signifiants qu’ils peuvent produire, par ce fracas de miroirs, dans un esprit un peu au parfum de ce qui s’est passé dans la Guerre à l’Est, entre le 22 juin 1941 et le 8 mai 1945 ? Ou ont-ils juste reproduit un communiqué de propagande de l’OTAN ? Un de plus !
Ce titre un peu irresponsable, pourtant, porte en lui une vertu. Celle de circonscrire la vraie nature de ce conflit. Non une affaire américano-russe, car l’Oncle Sam finira un jour par s’en retirer. Encore moins, comme une affaire UE-Russie, pour la simple raison que stratégiquement, l’UE n’existe pas.
Non, la question ukrainienne, à maints égards, principalement économiques et commerciaux, énergétiques aussi, c’est une vieille affaire germano-russe.
En cela, la pseudo-source du titre (« affirme l’armée allemande ») dévoile avec perversité, sous les dehors d’un messager neutre, un acteur historique majeur du conflit.
Quand les ultimes lambeaux de niaiserie multilatérale se seront déchirés, demeureront les nations. Elles, et rien d’autre.
Merci à d’aimables titreurs peu avertis du contexte de nous l’avoir, à leur manière, rappelé.
Pascal Décaillet