Sur le vif - Lundi 24.02.25 - 16.09h
La carte électorale est totalement claire : les cinq Länder de l'ex-DDR ont voté pour l'AfD, certains avec des chiffres écrasants.
Autre élément, sous-estimé par la plupart des observateurs : les excellents résultats de Die Linke (gauche radicale, pour faire court, à bien des égards héritière lointaine du communisme de la DDR), dans ces mêmes Länder.
Troisième remarque, capitale : un jeune de moins de 25 ans sur quatre, SUR L'ENSEMBLE DES ALLEMAGNES, vote pour Die Linke. Alors que de moins en moins d'Allemands votent SPD, le grand parti historique qui a fait la gauche allemande, héritier des barricades de 1848, de la période bismarckienne, puis de la République de Weimar. Avant de devenir, dans l'après-guerre, le grand parti de la gauche pragmatique, celui du Congrès historique de Bad-Godesberg (1959), et surtout celui de Willy Brandt, le plus grand Chancelier de l'Histoire allemande depuis la guerre, l'homme de l'Ostpolitik et de la génuflexion de Varsovie, en décembre 1970. Ce grand parti, aujourd'hui, s'effondre, ça n'est pas une bonne nouvelle.
Dans les Länder de l'ex-DDR, triomphe de l'AfD, donc, et excellents résultats pour Die Linke. A gauche comme à droite, on radicalise. On se retrouve ainsi, exactement, dans la configuration qui fut celle des années 1919-1923, première partie de la République de Weimar, Révolution allemande (lisez Alfred Döblin, November 1918), luttes à couteaux tirés entre Spartakistes et Corps-francs. Bref, on est loin de l'image de la "gentille Allemagne", des années 49-89), qui cherchait des solutions au centre.
Surtout, il faut arrêter de pathologiser les électeurs de l'AfD, en ex-DDR. A lire les observateurs d'ici (la plupart ne connaissent strictement rien aux saveurs complexes de l'Histoire allemande), ce serait un "vote de souffrance", un "vote de nostalgie", un vote d'oiseau tombé du nid, rêvant d'en retrouver la chaleur protectrice. Bref, un vote d'enfants immatures. Un vote d'orphelins, à l'image du Kaspar Hauser de l'immense poète Stefan George (1868-1933), offrant une version allemande du chef d’œuvre de Verlaine.
Eh bien non. Le vote AfD, en ex-DDR, est un vote parfaitement calme et raisonné, en faveur d'un modèle national, souverainiste, ouvrier, populaire, avec préférence aux Allemands dans l'octroi d'un emploi. C'est, aussi, un vote contre l'Europe des Bruxelles, contre la politique Scholz en Ukraine, contre la rupture énergétique et politique avec la Russie, pour une régulation draconienne des flux migratoires. Il n'y a là nulle pathologie, juste l'expression d'une opposition politique, certes radicale, mais dûment raisonnée, et construite suivant les principes de la pensée kantienne, ou hégélienne, osons dire "très prussienne", à tout ce qui s'est fait depuis le "Wir schaffen das !" de Mme Merkel, en 2015.
J'invite les innombrables "experts" qui salivent aujourd'hui sur l'Allemagne à se plonger, de longues années de leur vie, dans l'Histoire de ce peuple, à se débarrasser des idées toutes faites, des préjugés, de la lecture de l'Histoire imposée par les vainqueurs occidentaux (le vrai combat vital s'étant d'ailleurs déroulé sur le front de l'Est). Et surtout, à cesser de considérer les habitants de l'ex-DDR, partie des Allemagnes qui m'est particulièrement chère et familière, comme une bande de malades, prisonniers de leur nostalgie.
Enfin, cessons de prétendre que l'Allemagne est exsangue ! Nous avons affaire à un géant économique certes essoufflé ces temps par un ralentissement industriel passager, mais dont la capacité à rebondir très vite est particulièrement époustouflante. L'Allemagne est le grand pays d'Europe, le moteur dont le continent a besoin pour exister fort, face aux Empires. Nul d'entre nous n'a intérêt, en Europe, à un affaiblissement durable de l'Allemagne.
Pascal Décaillet
Commentaires
Je ne m'inquiète pas pour l'Allemagne. Ils ont une capacité de réaction et de se serrer les coudes entre partis.
Contrairement à la France, en Allemagne, de la gauche à la droite, l'intérêt du pays prime sur la politique politicienne.
Pour l'Europe au sens large, une Allemagne qui retrouve son rang, pas seulement économique mais aussi politique, est nécessaire.
L'Europe, avec la France, l'Allemagne, l'Angleterre et la Pologne en leader, peuvent résister, aux super puissances. Reste le mystère avec l'Italie, qui a des intérêt avec les US, mais en même temps est pro européen.
L'Europe doit avoir comme objectif de devenir une superpuissance., le rapport de force étant devenu la règle à l'international. C'est ce rapport de force qui obligera les pays à récupérer leur ressortissants et qui maintiendra la prospérité économique.
L'Allemagne est cruciale pour l'Europe.
Ces prétentieux, non seulement ne connaissent pas l'Histoire de l'Allemagne, mais ils ne connaissent pas l'Histoire tout court! Ils l'ont remplacée par l'idéologie, c'est tellement plus simple!
Juste. Je remarque que si les journalistes ou autres personnes veulent me traiter d’extrême droite et bien j’assume. Comme disait l’apôtre Paul sur le christianisme acceptons parfois de passer pour un fou (lire 1 Corinthiens). Au fond et un article du Wall Street Journal l’avait montré il y a quelques années tout est assez relatif en politique, la droite actuelle était le centre ou la gauche il y a 30 ans par exemple. Mais à nouveau honte aux journalistes du Temps ou de CNN qui voient presque toujours le diable dans le RN, l’UDC, l’Afd ou les Républicains américains. Bien sûr il y a quelques nazis ou nazillions (comme à gauche il y a des stalinistes) et c’est toujours bien de faire le ménage mais ce sont des partis avec une doctrine souvent claire sur l’immigration et la loi. Et c’est aussi cela la démocratie.