Sur le vif - Dimanche 23.02.25 - 18.27h
A l'heure où tombent les premières projections, confirmant la victoire de l'univers des droites (conservatrice et nationale, ce qui n'est pas la même chose, ne l'a jamais été dans l'Histoire allemande), une ou deux réflexions sur le destin de ce puissant voisin du nord, notre premier partenaire économique et commercial en Europe.
1) L'Allemagne est un géant sur le continent européen. Elle traverse certes une période économique difficile, notamment sur le plan industriel, mais peut se relever très vite, elle l'a maintes fois prouvé dans son Histoire. Elle est la première puissance économique d'Europe, la quatrième du monde. Elle a déclassé la France, où les moulins à paroles ont remplacé l'action et l'efficacité.
2) Quelles que soient les manigances pour former une coalition avec tout le monde, sauf l'AfD (ce sera sans doute une Grande Coalition CDU/CSU - SPD, comme entre 66 et 69), un fait est là : la seule addition qui vaille, ce sera celle entre CDU et AfD. Cette évolution du curseur vers les droites aura des conséquences sur la politique migratoire, et scellera définitivement le glas du "Wir schaffen das !" de Mme Merkel, en 2015.
3) Les milliards en faveur de l'Ukraine, c'est fini. L'immense mirage entretenu par Olaf Scholz ces dernières années, dans lequel seul Macron semble encore puiser son inspiration, c'est fini. La fin (provisoire) de la guerre en Ukraine sera arbitrée par la Russie et les Etats-Unis. L'Europe politique n'existe pas. L'Europe de la Défense, encore moins. Les grands de la Guerre froide sont de retour. Et sifflent la fin de la récréation. La fin, aussi, du pitoyable ballet de "réunions", "conférences", avec l'omniprésent Président ukrainien, éternel quémandeur de milliards, et en l'absence des principaux décideurs capables d'agir vraiment.
4) Ce soir, l'ambiance est à la surexcitation électorale, avec les camemberts de pourcentages, jusqu'à minuit, et au delà. Fort bien. Mais les questions majeures du destin de l'Allemagne sont ailleurs. Se séparer d'une tutelle américaine qui n'a que trop duré depuis 80 ans. Assumer le Drang nach Osten, version économique, en réinstallant une relation durable avec la Russie. Relation qui n'aurait JAMAIS dû être rompue. Contrôler drastiquement ses flux migratoires. Se réindustrialiser le plus vite possible. Réinstaurer une souveraineté énergétique nationale. Maintenir, à tout prix, une politique sociale héritée des années bismarckiennes, fruit d'une économie mixte entre le privé et l'Etat, mais aussi d'une constante concertation entre le patronat et les grandes centrales syndicales. Rénover d'urgence des infrastructures de transports vieillissantes, tant routières que ferroviaires.
Tels sont les enjeux vitaux de cet immense voisin du nord, fascinant par sa puissance économique depuis deux siècles. Sans parler (ça n'était, pour une fois, pas l'objet du présent billet) de son exceptionnel attrait culturel. Après des décennies d'indifférence, puis de méconnaissance grave des enjeux historiques, linguistiques et civilisationnels des Allemagnes, il est peut-être temps que nos esprits se tournent un peu sérieusement vers les univers germaniques.
Mais j'avertis : pour comprendre les enjeux allemands, il faut s'imposer une ascèse pour saisir l'Histoire de ce monde-là, en tout cas depuis Luther et sa traduction de la Bible, en 1522. On ne parle pas superficiellement de l'Allemagne, avec les intonations d'une causerie de salon, sans connaître à fond le sujet. La démarche germanique de connaissance est d'ailleurs, elle-même, toute de profondeur (Gründlichkeit) et de nuances. Elle exige solitude et effort continu, sur toute une vie. Elle n'est pas faite pour les Parigots bavards des salons mondains.
Pascal Décaillet