Sur le vif - Nuit du mardi 26 au mercredi 27 décembre 2023
Der Rosenkavalier. Spectacle total. Voix magnifiques. J’en sors, en famille, à l’instant ! Musique de Richard Strauss, livret de Hugo von Hofmannsthal. Rapports texte-musique. Souplesse de la syllabe allemande. Incroyable subtilité de l’orchestration. On passe de Wagner à Mozart, puis de Mozart à Wagner, dans la tonalité musicale, en un clin d’œil !
Le Munichois Richard Strauss est un génie, à l’état pur. L’un des plus grands inventeurs de sons, l’un des plus ensorcelants jeteurs de sorts, de l’Histoire de la musique.
Quand on va assister à une œuvre de Richard Strauss, il ne faut jamais perdre de vue l’orchestre, oui la bonne vieille fosse aux ours ! Le rôle, par exemple, des instruments à vent. L’irruption, à tous moments, de solos pour créer, comme en orfèvrerie, un effet de sertissage individuel, donc une rupture avec le prévisible, donc une musique instrumentale qui n’oublie pas sa contemporanéité avec celle d’un Debussy, c’est cela, oui tout cela, et tellement d’autres choses, le Richard Strauss des années 1909-1911.
Qu’on ne vienne pas me parler de néo-classicisme ! Richard Strauss, des premiers Poèmes symphoniques aux Métamorphoses (pour cordes), c’est la Révolution permanente. Il passe de Sophocle à (l’apparente) frivolité viennoise, il passe de la tradition musicale allemande à la complexité des saveurs autrichiennes, il vole des Noces de Figaro aux tonalités de la profondeur wagnérienne, il saute de Bayreuth à la Vienne de Marie-Thérèse revisitée, un siècle plus tard, par celle de Freud et Stefan Zweig. Les effets de miroirs sont permanents.
Richard Strauss est un être complexe, polymorphe. Comme Hugo von Hofmannsthal. C’est dans cette perspective qu’il faut appréhender le Rosenkavalier. Il faut aimer le son. Mais il faut aussi aimer la couleur, celle de chaque instrument. La France a eu Debussy. L’Allemagne, Richard Strauss. La France a eu Beaumarchais, la Vienne de Mozart a eu les Noces de Figaro. La culture austro-allemande des années juste avant 1914 a eu le Rosenkavalier.
Pascal Décaillet