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Sur le vif - Page 500

  • Les racines du réel

     

    Sur le vif - Jeudi 18.07.19 - 09.39h

     

    De la Frise hollandaise (où je me suis rendu début juillet, tout au Nord) à la Suisse alémanique, ou à la Pologne, le rejet de l'Europe est en réalité une peur de l'Allemagne. Une méfiance, atavique, viscérale ou aussi parfois intellectuelle, face aux appétits de cet Empire du Milieu.

    Les vrais ressorts des âmes, sur notre continent, demeurent bien nationaux. Les vraies clefs d'explication sont dans l'Histoire. Le jargon multilatéral ne veut rien dire. Juste un paravent, pour camoufler l'immanence et la permanence des vieilles identités nationales, infiniment plus solides, plus tenaces, plus durables que ce qu'on veut nous faire croire.

    Le rêve multilatéral sera depuis longtemps dissipé, que les nations demeureront, ancrées dans les racines du réel.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • La vraie question c'est l'Allemagne, pas l'Europe

     

    Sur le vif - Mercredi 17.07.19 - 19.09h

     

    La question n'est pas d'être pour ou contre l'Europe. L'Europe existe, elle est notre continent, nous sommes profondément européens.

    La question n'est pas, non plus, d'être pour ou contre l'Union européenne. L'UE existe, la Suisse n'en est pas membre, la question d'une adhésion n'est pas aujourd'hui à l'ordre du jour. La Suisse existe, l'Union européenne aussi, chacune de ces entités vit sa vie, et nous verrons bien.

    La question fondamentale, pour notre continent, qu'on soit à l'intérieur ou à l'extérieur de l'UE, c'est le déséquilibre croissant engendré par l'émergence, depuis trente ans, d'un pays beaucoup plus fort que tous les autres, l'Allemagne.

    Beaucoup plus fort que le Luxembourg, il le sera toujours. Beaucoup plus fort que la Belgique, que les Pays-Bas, il le sera toujours. Mais, depuis bientôt trente ans, BEAUCOUP PLUS FORT QUE LA FRANCE. C'est cela qui est inquiétant. La thèse, magnifique au demeurant, de la construction d'une Cathédrale par une voûte fondée sur l'équilibre, ne tient plus. Depuis 1989, depuis 1992, l'un des membres fondateurs du Traité de Rome (1957) s'est littéralement envolé. Il a démarré en côte, comme au Tour de France, il a laissé ses concurrents figés sur la route du col.

    Le poids que prend l'Allemagne en Europe n'a pas seulement de quoi inquiéter les 27 autres membres de l'Union européenne. Mais aussi les pays non-membres, comme la Suisse. En matière aérienne, en matière postale, en matière de télécommunications, en matière d'approvisionnement en acier, en automobiles, en matière de banques et d'assurances, pour ne prendre que quelques exemples, le gigantisme économique et commercial de l'Allemagne représente pour notre pays une menace de phagocytage. Nos amis alémaniques en sont, d'ailleurs, bien plus conscients que nous.

    Avec l'Union européenne, la Suisse négocie. Depuis des décennies. Nous verrons ce que cela donnera. Négocier, il y a des diplomates pour cela ; puissent-ils simplement le faire en demeurant aux ordres du politique, et non en fonctionnant en roue libre. Mais les politiques, eux, à commencer par chaque citoyenne, chaque citoyen de notre pays, doivent impérativement garder à l'esprit l'essentiel.

    L'essentiel, ça n'est pas tant notre rapport avec les institutions complexes de l'Union européenne. L'essentiel, c'est la survie, en tant que nation souveraine et indépendante, de notre tout petit pays, riche de son magnifique système politique, de son fédéralisme, de sa démocratie directe, de son respect des différences. Sa survie, non face à Bruxelles, qui n'est pas si dangereuse. Mais sa survie, dans un continent où, Union européenne ou non, son énergique et redoutable voisin du Nord, premier partenaire commercial, prend un ascendant de plus en plus inquiétant. D'autant plus que les esprits prétendument éclairés - à vrai dire aveuglés par un cosmopolitisme béat et vain - se refusent à en prendre acte.

    Je parlais de la Belgique ou des Pays-Bas. Dans une construction européenne devenue incapable de garantir des équilibres promis au départ (Rome, 1957), et où hélas le plus fort dicterait sa loi, notre petit pays, à terme, ne pèserait pas beaucoup plus que ces deux nations amies du Benelux.

    En clair, le citoyen, ou la citoyenne, lucide et sage doit impérativement raisonner en termes stratégiques et réalistes, et non sur les sirènes des grands discours. Cela signifie évaluer le terrain, les rapports de forces. Situer le vrai danger. Ne pas se tromper d'adversaire. Vaste programme, extraordinairement difficile à mettre en œuvre dans une Europe en pleines mutations, où le destin de ceux qui sont à l'intérieur (de l'UE) n'est au fond en rien différent du destin de ceux qui sont dehors (la Suisse, par exemple).

    En plus clair encore : il n'y a pas vraiment de problème européen. Mais il existe, à coup sûr, depuis le prodigieux réveil sous Frédéric II (1740-1786), une question allemande, centrale et déterminante, en Europe.

     

    Pascal Décaillet

     

     
     
     
  • Un pas de plus vers l'Europe allemande !

     

    Sur le vif - Mercredi 17.07.19 - 12.00h

     

    Jamais l'Allemagne, depuis 1945, n'a été aussi puissante en Europe. Et voilà qu'en plus, on nomme une Allemande à la tête de la Commission européenne ! Il y a là un danger : non celui du retour d'un pangermanisme calmé pour un moment, mais celui d'accentuer le déséquilibre souligné ici dans mes derniers papiers : l'émergence d'une super-puissance à l'intérieur de la construction européenne, c'est l'absolu contraire de la volonté des pères fondateurs, lors du Traité de Rome, en 1957.

    Dans cet Âge d'or de l'Europe communautaire, tout était entrepris, en termes de signaux, pour souligner l'équilibre et le respect entre les six membres fondateurs. Ainsi, on distribuait volontiers les postes les plus puissants à des petits pays, comme la Belgique ou les Pays-Bas, qui avaient souffert de la guerre, et vécu dans leur chair l'occupation allemande. Surtout, avec la réconciliation allemande, le couple de Gaulle-Adenauer nous présentait l'amitié retrouvée des deux peuples comme la pierre angulaire d'une Cathédrale. L'image était puissante, émouvante, elle parlait aux cœurs et aux âmes. Le plus important : l'Allemagne de l'époque, en plein miracle économique, était encore, pour longtemps (jusqu'en 1989), un nain politique, et cela rassurait tout le monde.

    Aujourd'hui, le nain est redevenu un géant, totalement décomplexé. Dans les Balkans pendant les années 1990, puis en Europe centrale et orientale, dans les Pays Baltes, en Ukraine, il joue sa propre carte nationale, sous le paravent européen. Face à la Grèce, berceau de notre civilisation, il s'est comporté avec la dernière des vulgarités et des arrogances suzeraines. La Grèce, oui, où les Allemands avaient laissé quelques souvenirs entre 1941 et 1945.

    Le géant est là, c'est un fait, une réalité historique. Le seul pays capable de maintenir l'équilibre, la France, n'a vu que du feu à cette prodigieuse renaissance, un retour en puissance d'autant plus pervers qu'il s'effectue sous les vivats et les applaudissements d'une opinion publique peu rompue, hélas, à une analyse froide et stratégique de l'Histoire. La France n'a rien vu venir, le premier qui en porte l'écrasante responsabilité est François Mitterrand, lorsqu'en pleine guerre des Balkans, lâchant son vieil et fidèle allié serbe, il a, sous l'influence des BHL et des Kouchner, et de leur cosmopolite "droit d'ingérence", embrassé la cause allemande, sous paravent européen.

    Le géant est là, déjà seul au pouvoir au milieu d'une Europe déséquilibrée par sa puissance, et on nomme une Allemande à la tête de la Commission européenne. Les qualités de Mme Ursula von der Leyen ne sont pas en cause, c'est le principe et la fonction qui méritent d'être scrutés. On ne fera pas grief - au départ - à la nouvelle Présidente allemande de la Commission de favoriser son pays en sous-main. Mais assurément, elle est Allemande. Même famille politique que Kohl et Merkel. Sa vision de l'Europe est allemande. Sa Weltanschauung est allemande. Sa manière de penser la construction européenne, autour de l'Allemagne augmentée (cf. mes précédents papiers), est allemande.

    On notera, au demeurant, que dans ses fonctions comme Ministre de la Défense de la nation appelée "Allemagne", Mme Ursula von der Leyen ne s'est pas particulièrement opposée aux programmes allemands de réarmement qui, notamment en matière de marine de guerre et de sous-marins, se votent là-bas dans la parfaite indifférence des chers voisins européens. Preuve de plus du double langage de l'Allemagne en Europe : pour la paix, les mots ; pour le réarmement, les actes.

    Quelles que soient, donc, les qualités de la nouvelle Présidente de la Commission, c'est une vision allemande qui va tenir l'Union européenne pendant cinq ans. La vision française : il n'y en a plus ! M. Macron s'affirme comme le chevalier servant de Mme Merkel, il lui court et lui trottine derrière, il est d'accord avec elle sur tout. Il se comporte en charmant vassal de la Chancelière. Son rôle n'est pourtant ni d'être charmant, ni encore moins d'être vassal.

    Qui, pendant ces cinq ans, va oser contrarier la vision allemande de l'Europe ? Qui, pour remettre en cause une extension à l'Est totalement précipitée, gloutonne, taillée sur mesure pour servir les intérêts économiques et commerciaux des grandes entreprises allemandes ? Qui, pour s'élever contre la politique allemande en Ukraine ? Qui, pour exiger une construction européenne où reviennent l'équilibre et le respect mutuel des premières années ? Une chose est sûre : en tout cas pas M. Macron. On imagine déjà le chevalier servant de Mme Merkel inviter la nouvelle Présidente allemande de la Commission sur la piste de danse. Comme aux plus belles heures de la Société des Nations, à l'époque d'Ariane, d'Adrien Deume et de Solal, dans Belle du Seigneur.

     

    Pascal Décaillet