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Sur le vif - Page 498

  • La joyeuse confrérie du soupirail

     

    Sur le vif - Samedi 15.06.19 - 11.09h

     

    Faut-il, à tout prix, aimer le journalisme ? La réponse est non. Nous sommes des citoyens et des citoyennes. Des hommes et des femmes libres, qui entendent le rester. Ce que nous devons aimer, avec passion, c'est la liberté, pour chacun d'entre nous, d'exprimer sa pensée, ses visions, sa sensibilité. En parlant, en écrivant, en dessinant, en dansant, que sais-je encore ? La liberté d'expression, voilà une valeur fondamentale.

    Si le journalisme porte la liberté d'expression, s'il l'illustre, la défend, s'il prend des risques pour cela, alors oui, rendons-lui hommage. Mais pas parce qu'il est journalisme ! Juste parce qu'il serait l'un des vecteurs (parmi tant d'autres) de la liberté d'expression.

    Ce qu'il faut récuser, c'est cet étrange statut du journalisme, véhiculé par le corporatisme de cette profession, comme prétendu sanctuaire, inviolable, de la liberté d'expression. Il ne l'est assurément pas. Tant de journaux sont au contraire le lieu de la censure, à commencer par la pire : l'autocensure. S'interdire de traiter ce qui déplaît, ne pas contredire la masse, ne pas irriter la pensée dominante, ne pas froisser ses pairs, craindre ce qui va se dire en débriefing. C'est cela, la plaie mortelle du journalisme d'aujourd'hui : la peur du semblable. On écrit pour ses confrères, sa caste, au lieu de s'adresser au plus grand nombre.

    Et puis surtout, les journaux ne sont absolument plus le lieu central de l'expression publique. Ils sont juste les résidus grégaires de ce que les groupes industriels, lâchés par les financiers actionnaires, ont bien voulu laisser, pour occuper les dernières années d'un métier qui, né avec Balzac, se meurt doucement, et rendra l'âme d'ici deux ou trois décennies.

    Les lieux d'expression d'aujourd'hui, où sont-ils ? Eh bien ici, pardi, puisque vous avez bien voulu venir y lire ce texte ! Ici, et ailleurs. Sur les blogs, sur les réseaux sociaux, dans la rue. Nous sommes dans une société à peu près libre quant à l'expression (elle pourrait l'être davantage), nous n'avons pas à nous plaindre, nous pouvons nous exprimer, alors allons-y !

    Et l'expression libre est tellement sur les réseaux sociaux, elle y éclate avec tant de vie, que les bonnes vieilles rédactions, salariées, des bons vieux journaux, les bonnes vieilles équipes syndicalisées et corporatistes, passent leur temps, l'index pointé vers le ciel, à nous répéter que les réseaux sociaux ne valent rien, ne sont porteurs que d'humeur et pas de réflexion, ne charrient que de l'émotif et nullement de la raison. Bref, ce serait ici la racaille de la pensée, la joyeuse confrérie des Gueux derrière le soupirail, là où eux seraient l'élite du donjon.

    Laissons-les ronchonner. Laissons-les soupirer. Laissons-les mépriser. Vivons nos vies. Donnons de la voix, de la plume, chacun d'entre nous, individuellement. Soignons nos textes. Cultivons l'ultime dignité du soupirail : de la tenue, et puis du style.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • USA - Iran : parlons juste !

     

    Sur le vif - Vendredi 14.06.19 - 12.49h

     

    Il faut arrêter de parler de "montée de la tension entre les États-Unis et l'Iran" au Moyen-Orient. Ce langage de dépêche diplomatique asexuée ne veut strictement rien dire.

    Il n'y a pas de "montée de tension". Il y a la mise en application, cynique et parfaitement dégueulasse, de la volonté de guerre américaine, voulue de longue date par des milieux très précis aux États-Unis, contre l'Iran. Ces milieux, qui exercent une influence capitale sur Trump en vue de sa réélection en novembre 2020, sont à la fois dans les rangs des conservateurs évangéliques, et dans ceux qui, traditionnellement aux USA, soutiennent Israël. Faute de tenter de comprendre un Orient compliqué qui lui échappe, Trump donne unanimement des gages à ces milieux-là.

    La réalité, c'est cela. Si elle est déplaisante, tant pis. Parler juste, ça n'est pas ânonner l'expression "montée de la tension", qui renverrait dos à dos les responsabilités historiques, et suinterait la castration cartographique. Non, parler juste, c'est parler d'application cynique de l'idéologie belliciste américaine contre l'Iran. Parler juste, c'est ne pas craindre, mais alors vraiment pas une seule seconde, d'ajouter l'adjectif "dégueulasse".

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Kosovo : ignorance ou complicité ?

     

    Sur le vif - Jeudi 13.06.19 - 16.28h

     

    Que Bill Clinton vienne se faire décorer par Hashim Thaçi, pour le vingtième anniversaire de la "libération du Kosovo", entendez la mise sous tutelle de cette région par l'Otan, avec la très active collaboration, en 1998-1999, des services secrets allemands (ceux de M. Kohl, puis de M. Schröder, mais c'est bien Kohl qui porte l'écrasante responsabilité de la politique allemande dans les Balkans, dans les années 1990), voilà qui relève de la farce, de l'imposture, de l'arrogance américaine, de l'écriture de l'Histoire à sens unique.

    Quand on voit ce qu'est devenu le Kosovo de ce cher M. Thaçi, corruption, inféodation totale à l'Otan, absence de liberté pour les minorités, à commencer par les Serbes, ambitions de Grande Albanie dans la partie méridionale des Balkans, affaires douteuses, il n'y a pas de quoi être fier d'aller chercher une décoration dans ce pays.

    Nos amis Kosovars - je salue ceux d'entre eux qui sont en Suisse et s'intègrent admirablement - méritent mieux. Mais l'Histoire s'est écrite. Elle a été rédigée par les vainqueurs. Par les Américains. Par les gens de l'Otan. Par l'Allemagne de M. Kohl et de Mme Merkel. Par l'insoutenable légèreté de ce non-lieu historique et sémantique appelé "Union européenne".

    Si l'on veut considérer avec un minimum de lucidité historique la question des Balkans, il faut tout reprendre, depuis le début. Ou tout au moins, dans cette passionnante région sans début ni fin, depuis les germes de l'éclatement de la Yougoslavie, à la fin des années 80.

    En attendant, tout chef d'Etat recevant M. Hashim Thaçi fait preuve soit d'une ignorance historique, soit de complicité. Dans les deux cas, c'est assez inquiétant.

     

    Pascal Décaillet