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Sur le vif - Page 495

  • Plaza : où est l'Etat ?

     

    Sur le vif - Mercredi 07.08.19 - 11.04h

     

    Honneur et reconnaissance à la Fondation Wilsdorf, qui sauve le Plaza, ce qui est une excellente nouvelle, annoncée par la Tribune de Genève.

    Mais pour l'Etat, quel échec ! Quelle faillite ! Quel pataquès dans la gestion !

    Les collectivités publiques, à commencer par les principaux édiles responsables du dossier, auront failli dans la tâche républicaine amirale d'avoir pour la culture une vision, une philosophie d'action, une énergie, une stratégie de mise en œuvre. Tout au plus, des mots, vides, volatiles, désespérément légers, abandonnés au vent du renoncement.

    Tout le rapport de Genève, Ville ou Canton, à l'ambition et à la politique culturelles, est à réinventer.

    Aux commandes, il ne faut plus des apothicaires du juridisme. Mais des âmes. Généreuses, passionnées, combatives. Des sources de vie.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Toûno 2019 : musiques et syllabes, butineuses de sens !

     

    Sur le vif - Mercredi 07.08.19 - 01.20h

     

    Comme toutes les années, je recommande absolument à ceux qui - par aventure - passeraient quelques jours en Valais de se rendre à l'admirable Festival du Toûno, à Saint-Luc. Nous en revenons à l'instant (deux souris, puis un renard sur notre trajet nocturne retour, comme pour prolonger un peu le Pays des Merveilles), et la magie littérature/musique, comme lors des éditions précédentes, fonctionne à plein.

    Ce soir, cela tournait autour de l'auteur fribourgeois Jean-François Haas, d'un éblouissant Quatuor avec piano, opus 67, de Schumann, et d'une incroyable variation de thèmes, en musique contemporaine, sur la Claire Fontaine.

    Ce qui frappe, d'année en année, dans ce festival, c'est la richesse humaine, sur scène comme dans le public, l'attention extrême portée à la découverte musicale, le frottement fusionnel entre parole et musique, quelque chose de puissant et de familial dans la rencontre.

    Au Toûno, pas de gigantisme. Pas de Veau d'or qui aurait tout dévoré. Juste la passion des sons, des instruments, de la voix humaine, et des syllabes, butineuses de sens.

    Il y a, dans le Toûno, comme une intimité demeurée. Inviolée par l'Argent Roi. Alors que s'envolent les sons et les voix, un orage frappe, la foudre illumine le décor, la montagne est là, tout autour, signale sa présence.

    La montagne, hôte et personnage, esprit des lieux.

    Foncez-y ! Notamment pour les arias des Noces de Figaro, jeudi soir, en l’Église de Vissoie.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Le cadavre brandi, comme dans le Cid

     

    Sur le vif - Lundi 29.07.19 - 14.41h

     

    Pour la France, il ne saurait exister de "guerre de 39-45". C'est une fiction, une reconstruction.

    La France, avec l'Angleterre, a déclaré la guerre à l'Allemagne le 2 septembre 1939, suite à l'invasion de la Pologne. En vertu du vieux Traité d'alliance franco-polonais. "Mourir pour Dantzig", vous connaissez la chanson.

    Du 2 septembre 1939 au 9 mai 1940, ce furent plus de huit mois de "Drôle de Guerre". La France et l'Allemagne, officiellement en guerre, mais (hormis l'affaire de Narvik), pas de réels combats. Autour de la Ligne Maginot, on se scrute, on s'observe, des patrouilles nocturnes échangent des coups de feu, c'est tout.

    Le 10 mai 1940, c'est la Blitzkrieg. L'une des plus foudroyantes manœuvres offensives de tous les temps. Pays-Bas, Belgique, puis passage de la Meuse, puis mouvement sur l'Ouest, direction Dunkerque : l'armée française, contrairement à une légende tenace, s'est plutôt bien battue, elle a fait ce qu'elle a pu. Mais elle avait face à elle le génie de la guerre de mouvement.

    Le 22 juin 1940, c'est l'Armistice. Demandé par la France. La scène, très pénible, du wagon de Rethondes, en Forêt de Compiègne. Le même qu'en 1918 !

    Il faut bien comprendre une chose : contrairement à la grande légende gaullienne (que, dès le début de l'adolescence, j'ai longtemps tenue pour mienne), affirmant que "par la France libre, la France combattante n'a jamais cessé d'exister", l'Armistice du 22 juin 1940 met bel et bien fin à la guerre franco-allemande. C'est la fin d'une guerre, la troisième en 70 ans : les Allemands avaient gagné la première partie (1870), les Français avaient gagné la revanche (1918), les Allemands gagnaient la belle.

    Il n'existe pas, pour la France, de "guerre de 39-45". Il existe une guerre de 39-40, qui s'est soldée par un Armistice en bonne et due forme, sollicité par le perdant, qui d'ailleurs a réussi à sauvegarder sa Marine (c'est Churchill qui la détruira à Mers el-Kébir, le 3 juillet 1940 !), et à préserver (jusqu'en novembre 42) une Zone libre, au Sud de la Loire : ça n'était pas gagné d'avance, les Allemands auraient parfaitement pu pousser jusqu'à la Méditerranée.

    Cet Armistice a été dûment signé par les deux parties. Il n'est pas tellement plus dur, pour la France totalement vaincue, que le Traité de Versailles ne n'avait été, en 1919, pour une Allemagne nullement touchée sur son territoire.

    Bref, la légalité, c'était l'Armistice.

    Il est fort facile, a posteriori, de considérer que tout le monde aurait dû voir les choses comme de Gaulle, avec sa "guerre qui continue", fin juin 1940. Mais qui était-il, ce Général de Brigade à titre temporaire, à ce moment-là ? Un parfait inconnu du grand public ! L'homme à qui les Français ont fait confiance, l'homme qu'ils ont longtemps adulé, ça n'était pas le jeune Général, mais le vieux Maréchal. Il a fallu attendre l'été 44 pour que l'opinion publique se retourne vraiment.

    Il y a donc une guerre de 39-40, troisième du genre en 70 ans, perdue par la France. Une défaite immense ! "L’Étrange Défaite", dont parle le génial historien Marc Bloch. Puis, à partir de la Libération (fin août 44), jusqu'à la Capitulation du Reich (8 mai 1945), la France officielle est à nouveau en guerre contre l'Allemagne. Et elle sera (de façon fort supplétive) dans le rang des vainqueurs. Mais en aucun cas cette présence "du bon côté", en mai 45, ne peut, ni ne doit historiquement effacer l'événement principal : l'ampleur inimaginable, morale avant même que d'être militaire, de la défaite de juin 1940.

    La France, notre grand voisin et ami, dont l'Histoire m'est si chère, s'est-elle jamais remise de "l’Étrange Défaite" de 1940 ? Pour ma part, je pense que non. Tout au plus le génie du verbe et de la Geste gaullienne a-t-il réussi à brandir son cadavre, comme dans la légende du Cid. Mais en juin 1940, quelque chose, pour toujours, s'est évanoui.

     

    Pascal Décaillet