Sur le vif - Samedi 19.12.20 - 16.17h
Le passage de Ludwig van Beethoven sur cette terre, entre 1770 et 1827, marque la plus fulgurante évolution de l'Histoire musicale. Il est le chemin d'un homme perpétuellement en marche. Un destin en Révolution permanente.
Oh, la musique a toujours évolué. Elle n'a fait que cela. Elle est vie, vibrations et lumière, elle est mouvement, elle est en marche. Le jeune Bach, qui vient de suivre en 1705 (il a vingt ans) les cours du grand Buxtehude à Lübeck, n'écrit pas comme le fera, dans les années 1740, le même homme devenu Cantor de Leipzig. Les premiers opéras de Wagner sont beethovéniens. Les premières oeuvres de Richard Strauss sont wagnériennes. Etc.
Mais chez Beethoven, le chemin est fulgurant. Il signale une exigence créatrice, et surtout rénovatrice d'un opus à l'autre, à nulle autre pareille. Nulle oeuvre n'en rappelle une autre. Et même les fameuses Variations, sublimes, sur les oeuvres de Haendel, tout en déclarant l'emprunt du thème, sont bien du pur Beethoven. On aurait aimé écouter l'homme en concert, son génie de l'improvisation, qui époustouflait les auditeurs viennois.
J'ai évoqué ici, dans un texte récent, la nécessité pour moi d'aborder le chemin beethovénien par une autre approche que celle de la biographie, même si cette dernière est passionnante. Il me faut, il nous faut tous, l'Histoire de l'évolution musicale de cet homme, en 57 ans de vie. Pour cela, il nous faut des musicologues. Des musiciens. Il faut qu'on nous montre des partitions, avec leurs ratures. Il nous faut entrer dans l’œuvre, comme en littérature, par la fréquentation de ce qu'elle a de plus concret. Il nous faut pénétrer les variantes, comparer toutes celles d'un même opus, en fonction du rythme, de la mesure, du tempo. Cela, pour la musique de chambre, pour les Sonates, autant que pour les Symphonies.
250 ans et trois jours après sa naissance à Bonn, on a l'impression que tout été dit sur ce Prométhée, porteur du feu. J'avance ici la thèse contraire. Certes, des textes sublimes ont été composés autour de Beethoven. Mais il me semble que tout reste à dire, à trouver. Je ne parle pas ici de nouvelles partitions. Mais de lectures réinventées du corpus, tel qu'il se présente à nous aujourd'hui.
Cette évolution fulgurante, en quatre décennies de composition active, entre le classicisme des premières oeuvres, où l'on entend poindre encore l'influence d'un Haydn, et l'absolue Révolution formelle des ultimes Quatuors, dans les années 1820, il faut qu'elle nous soit posée, présentée, interprétée. C'est cela, plus encore que les chemins impétueux de la biographie, dont nous avons besoin. Pour mieux accéder à la vie intérieure de cet être unique. Ludwig van Beethoven n'a pas fini de nous hanter. Sa présence, au plus profond de nos âmes, ne fait que commencer. Elle est la promesse d'une éternelle naissance.
Pascal Décaillet