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Sur le vif - Page 178

  • Mancy : le Conseil d'Etat ne comprend donc rien ?

     
    Sur le vif - Jeudi 16.03.22 - 14.32h
     
     
    Suivi de Mancy : le Conseil d'Etat ne prend absolument pas la mesure politique de la situation. Il annonce à l'instant, en tête de ses décisions, un "groupe de suivi" émanant des Départements de Mme Emery-Torracinta et de M. ... Dal Busco (!) pour prendre en charge les questions liées aux déficiences "des locaux et de l'informatique"!
     
    Cette décision est totalement insuffisante. Tout comme les mesurettes qui l'accompagnent. Il faut d'urgence détacher l'OMP (Office médico-pédagogique) du DIP, et le sortir de la zone d'influence de l'actuelle conseillère d'Etat. C'était, aujourd'hui, la seule décision à prendre. La seule à annoncer.
     
    On ne résout pas une telle crise, à l'échelon politique, avec des demi-mesures, tout juste bonnes à temporiser.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Quand le Tages-Anzeiger chasse les sorcières

     
    Sur le vif - Mardi 15.03.22 - 15.17h
     
     
    "Êtes-vous communiste, répondez par oui ou par non !". Mon confrère Philippe Reichen, du Tages-Anzeiger, se rêve-t-il, la nuit, en Sénateur McCarthy, dans cette si charmante Amérique des années cinquante, qui chassait la sorcière comme d'autres s'en vont taquiner le goujon ?
     
    Dans son édition du 10 mars, M. Reichen se rêve en dresseur de catalogues. Eric Hoesli, Guy Mettan, Myret Zaki : voici la liste rouge des journalistes romands. Leur tort : être "proches du Kremlin". En allemand dans le texte : Kremlnahe Journalisten". Deux mots fantasmatiques, on imagine couloirs et chausse-trappes, parapluies bulgares, micros cachés derrière le portrait de Pierre le Grand, roses aux épines empoisonnées, canons de 9 mm avec silencieux, codes cryptés dans des vers de Pouchkine, secrets d'alcôves avant l'aube fatale.
     
    La nature des griefs est moins romanesque, et nous amènera davantage à nous interroger sur l'âme d'Inquisiteur de M. Reichen que sur le degré d'adhésion de ses trois sorcières aux thèses du Kremlin. Le journaliste du Tages-Anzeiger leur reproche... d'exprimer leur point de vue ! Pour lui, évoquer par exemple l'inexorable avancée de l'Otan, depuis la chute du Mur, en Europe de l'Est, relève du Conseil de guerre. Cela fait partie des choses qu'on ne doit pas penser, pas dire, pas écrire.
     
    Alors, il prend trois noms. Il se trouve que ces trois-là sont parmi les meilleurs analystes, aujourd'hui, en Suisse romande. Trois esprits libres, qui en appellent à l'Histoire, au recul, à la culture, à la connaissance des langues, bref tout le contraire du moralisme dégoulinant des manichéens. Il prend trois noms, et les jette en pâture à son lectorat. Dans les années cinquante, dans l'Amérique de M. McCarthy, il aurait titré : "Ces trois-là sont communistes !".
     
    Ca rime à quoi, son papier, dans le Tagi ? Dans le contexte dramatique que nous savons, désigner trois têtes, les flanquer sur une pique. Quel intérêt ? Quelle valeur ajoutée ? Un parfum de délation, pour délit d'opinion. Quelques essences de suspicion. Et surtout, une rare fragrance de néant. Notre débat démocratique, dans les heures sombres que nous vivons, mérite mieux.
     
     
    Pascal Décaillet

  • L'armée allemande : permanence et puissance

     
    Sur le vif - Lundi 14.03.22 - 13.37h
     
     
    L'Allemagne achète le F-35. Et il lui reste cent milliards d'euros, votés en urgence il y a quelques jours par le Bundestag, pour faire ses menues emplettes militaires. C'est le programme de réarmement le plus massif depuis 1945.
     
    En Allemagne, pays des Verts et des pacifistes des années 80, peu de voix s'élèvent contre ce tournant historique. Apparemment, le Groupe pour une Allemagne sans Armée est plus discret que son ineffable cousin suisse.
     
    L'Histoire de l'Armée allemande, objet d'innombrables livres, dont le chef d’œuvre de Jacques Benoist-Méchin, publié en 1937 (n'incluant donc pas la Seconde Guerre mondiale), est à considérer avec le plus grand des reculs. Il faut remonter à Frédéric II de Prusse (1740-1786), et plus encore à son père, Frédéric-Guillaume 1er, alias le Roi-Sergent, ou Der Soldatenkönig (1713-1740), celui qui vraiment lance la redoutable armée prussienne, moins d'un siècle après la totale dévastation des Allemagnes en 1648, suite à la Guerre de Trente Ans.
     
    Il faut remonter à Frédéric II, et examiner en continuité, indépendamment des idéologies, la progression, sur continent européen, d'un outil militaire incomparable, constamment en rivalité avec la puissance française, la puissance autrichienne (jusqu'à la défaite de cette dernière à Sadowa, 1866), et la puissance russe.
     
    Défaite, l'armée allemande, en 1945 ? Détrompez-vous ! La défaite est totale, bien sûr : politique, morale. Mais les armes sont là. Elles contribueront à créer, dès 1949, la Bundeswehr, à l'Ouest. Les officiers sont les mêmes. La dénazification a été, en fait, très légère : la plupart des cadres de la Wehrmacht reprennent du service. Il en est de même dans la police, la justice, les grands corps de l'Etat, les conseils d'administration des géants de l'industrie et de la finance : la République fédérale, c'est la continuité d'avant. On le disait peu dans ma jeunesse, et j'ai d'ailleurs connu de près certains de ces hommes. Mais aujourd'hui, on le sait : il faut toujours laisser travailler les historiens, les parts de vérité finissent par sortir.
     
    Celui qui observe l'évolution de l'outil militaire allemand depuis Frédéric II, ou tout au moins depuis Versailles (1919), est frappé par l'idée de continuité. Aujourd'hui, les cent milliards que vient de voter le Bundestag sont passés comme une lettre à la poste. C'est juste si la "communauté internationale" n'applaudit pas l'Allemagne. C'est assez rafraîchissant. Car les cent milliards, perçus aujourd'hui comme utiles à la bonne cause, tiens par exemple faire peur aux Russes, pourraient bien, le jour venu, dans dix ans, vingt ans, trente ans, servir non l'Europe, mais les intérêts supérieurs de la Nation allemande. Il est permis de penser que les Américains, présents depuis 1943 (Sicile) sur le continent européen, ne s'y éterniseront pas.
     
    L'Histoire de l'armée allemande, depuis Frédéric II, est totalement fascinante. Pourquoi ? Parce que cette armée, tantôt victorieuse, tantôt vaincue, donne l'impression saisissante de se développer par elle-même, en parfaite indifférence du sort des armes, des idéologies, de la couleur des gouvernements, des programmes d'interdiction (Versailles, 1919) de son développement, ou même des quatre années (1945-1949) d'inexistence de l'Allemagne, en tant que nation. On peut y voir l'indifférence de la pieuvre. On peut aussi, et c'est ma lecture, y déceler l'exceptionnelle permanence de reconstruction d'un destin national, sur les ruines de la Guerre de Trente Ans (lire absolument le Simplicius Simplicissimus de Grimmelshausen, 1668), en passant par l'autre ruine, celle de 1945.
     
    A travers les obstacles, et jusqu'aux rideaux de feu d’Apocalypse, le chemin d'initiation d'un peuple inventif, opiniâtre et patient. Lisez le livret de la Götterdämmerung, chez Wagner. Et vous comprendrez tout.
     
     
    Pascal Décaillet